La mission
de Zachary !
Les deux mains
dans les poches, casquette sur
le bout de la tête, pause
décontractée, il attendait. Il
savait que j’allais le voir. Je
présume que c’est ce qu’il
voulait. De mon côté, je
patientais avant le signal du
départ à la course de la
Fondation de l’hôpital
Hôtel-Dieu de Sorel-Tracy.
Content de l’apercevoir, je lui
ai posé la question, celle qu’il
anticipait probablement. « Tu
fais quelle distance ce matin ?
». Simplement, sans enthousiasme
particulier, il m’a répondu le
21km. Quoi ?
J’ai connu Zachary Ayotte
l’hiver dernier, à la
polyvalente, où son enseignant
Sylvain Dupuis m’avait mandaté
pour venir encourager les jeunes
dans leur préparation à relever
le défi Pierre Lavoie. J’avais
accepté avec grand plaisir.
Rapidement, je me suis aperçu
des talents exceptionnels de ce
jeune de 14 ans. Je me souviens
même d’en avoir glissé un mot à
son « prof ». Mais imaginer
qu’il pouvait courir un demi
-marathon, c’est une autre
histoire.
Je lui ai offert de
l’accompagner. Je lui ai dit que
j’allais le guider, le
conseiller. Il a accepté. Puis,
il a disparu. Probablement pour
annoncer la nouvelle à ses
parents. Lorsque le départ a été
donné, je le cherchais. Après
quelques mètres, il faisait son
apparition, accompagné de son
père.
J’ignorais à ce moment là que
son père avait décidé, quelques
mois auparavant, de se
préoccuper de sa santé. Avec une
bonne perte de poids et en
optant pour la course à pied, il
venait de dénicher la recette
idéale. Par le fait même, son
objectif était de courir cette
distance sous la barre des deux
heures. On comprendra que ce
projet n’est pas tombé dans
l’oreille d’un sourd.
Le Kid a embarqué dans la danse.
Lui aussi aspirait finir en
moins de deux heures.
Personnellement, j’étais
sceptique. Or, j’allais être
royalement confondu.
Je prévoyais que nous allions
marcher à quelques reprises et
cela s’avérait tout à fait
normal. Il n’a jamais été
question d’arrêter. Même quand
il buvait, technique du
pincement de verre, il courait.
Tout au long du parcours, je ne
cessais de dire à des
spectateurs que je courais avec
la relève en le montrant du
doigt. Fierté oblige.
À mi-parcours, une dame en vélo
s’est approchée de nous. Sa mère
tenait à prendre le pouls. «
J’étais inquiète mais quand j’ai
appris qu’il se retrouvait avec
vous, ça m’a rassurée »,
a-t-elle confié. Pendant ce
temps, Zac se concentrait.
Aucune parole ne sortait de sa
bouche, sauf avec quelques
kilomètres à franchir.
Il s’est tourné vers mon ami
Dominic Lavallée, sachant qu’il
portait une montre, pour lui
demander s’il pouvait toujours
franchir le fil d’arrivée en
réussissant son objectif. « Doum
» lui a confié que s’il
conservait ce rythme, c’était
dans le sac. Mais encore
fallait-il traverser ces ultimes
kilos, les plus ardus.
Je craignais que la fatigue
puisse faire son œuvre, surtout
à cet âge. Une fois de plus,
j’ai eu tort car il s’est même
permis d’accélérer vers la fin.
Éberlué !
Attendu par ses parents, il a
conclu en héros. La fierté se
lisait sur les membres de la
petite famille. Pendant ce
temps, je me demandais
sérieusement comment Zachary
avait fait pour équilibrer ses
énergies et terminer sur une
note aussi impressionnante,
considérant son bas âge.
Après les remerciements et les
félicitations, les parents
avaient quelques questions à me
poser sur l’alimentation suite à
un tel effort. « Il a un
entraînement de hockey cet
après-midi. Devrait-il y aller
», m’a demandé le papa.
Je lui ai conseillé le repos.
Puis, Zachary a répliqué : « Je
crois que je vais rester dans
les gradins et regarder la
séance d’entraînement ».
Au final, 1h58 ! Les barrières
ne tiennent plus.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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