La
puissance de l’ange
Dans la pénombre de la nuit,
Étienne se dirige vers
l’inconnu, la gorge nouée par
l’émotion. Il réalise. Il sent
une présence. Maxime rôde déjà.
Peut-être une décision sur le
coup de l’émotion, mais
nullement question de rebrousser
chemin. La journée du marathon
l’attend…nous l’attendons. À
première vue, je le sens ému. Il
cache difficilement ses peurs.
Oui, Étienne ressent l’angoisse.
On parle de normalité.
Il a du courage. Or, comme à
l’appel d’un incendie, il se
dresse avec puissance, prêt à
toutes les éventualités. Je lui
présente François. Rapidement,
les deux se familiarisent. Notre
geste a été grandement publicisé
via les médias.
La direction du marathon
Lévis-Québec avait même pris
soit d’inviter les parents de
Maxime et son frère. Conscients
de leur présence, nous vivions
des moments particuliers.
Durant le parcours, tout s’est
déroulé normalement, sans
anicroche…jusqu’au 30e km.
Étienne a commencé à souffrir.
Des douleurs persistantes aux
hanches l’empêchaient de courir
normalement. Avant le départ,
nous avions conclu un pacte. On
termine ensemble. Dès ce moment,
j’ai pensé à Maxime. Je savais
que nous aurions besoin de lui.
Nous avons marché à quelques
reprises. Après quelques pas, il
reprenait la cadence. Avec 5km à
franchir, il a aperçu Gabrielle,
sa sœur. Elle nous a confié
qu’elle attendait au gros soleil
depuis une quinzaine de minutes.
Au soleil ? Pourtant,
lorsqu’elle s’est jointe au
trio, nous courions sous les
nuages depuis le départ et il en
fut de même jusqu’à l’ultime
kilomètre où il a jailli
soudainement, comme pour nous
éclairer : La puissance de
l’ange.
Dans le dernier droit, j’ignore
comment il a pu trouver
l’énergie, mais il a accéléré
étonnamment. Je peinais à le
suivre. J’ai dû lui dire de
ralentir à quelques mètres de la
fin, sachant que les
photographes et les gens
désiraient nous voir franchir la
ligne d’arrivée.
« L’émotion est venue me
chercher. Je ne pouvais plus
parler. Mes jambes me faisaient
mal. J’ai pensé beaucoup à Max
et je l’ai senti à mes côtés
tout au long du parcours. Tu ne
peux pas t’imaginer combien je
suis heureux d’avoir pu
compléter cette épreuve. Je n’en
reviens toujours pas d’avoir
réussi à parcourir 42km », de
dire Étienne le lendemain, lui
qui s’est retiré après la
course, incapable de se confier
aux journalistes.
« J’ai eu froid, je ressentais
des frissons lorsque je me suis
assis après le trajet. J’ai même
éprouvé de la fièvre en soirée.
Mais, j’ai aussi décidé que
j’allais en courir un autre !
Cette fois-ci, je m’accorderai
un plus grand laps de temps pour
m’entraîner. Je serai mieux
préparé. »
De son côté, François fut d’un
grand support. Tout au long du
parcours, il n’a cessé
d’encourager notre pompier en
plus de prendre le soin de
remercier chacune des personnes
installées sur les trottoirs,
pour les encouragements qu’elles
nous lançaient.
Sans oublier l’un des
responsables du Défi des
pompiers de Shawinigan, Pierre
Champagne, qui malgré un sérieux
mal de dos, tenait à courir le
21km. Normalement, il lui aurait
fallu éviter ce défi mais il l’a
fait pour Maxime. Il a dû
recevoir des soins le lendemain.
Tel que prévu, les parents et le
frère de Maxime m’ont remis un
chandail en mémoire de leur
fils. J’ai regardé son père qui
ne pouvait refouler sa
tristesse.
J’avais le cœur gros,
impuissant. J’ai dû prendre une
gorgée d’eau pour faire passer
le moment.
Que dire de plus ? J’espère ne
plus jamais revivre un tel
cauchemar. D’un autre côté, je
m’interroge. Pourquoi un tel
scénario ? Comment comprendre ma
présence auprès de Maxime lors
du drame ?
Un jour, un moment, un incident
ou une phrase viendra
éventuellement répondre à mes
questions et valider ma présence
lors de cette journée.
Ma participation à ce marathon
me permettra-t-elle de fermer la
boucle ? Je l’ignore pour
l’instant. Ce dont je suis
assuré, c’est que j’ai posé ce
geste avec mon cœur.
Maxime, je t’invite au marathon
de Berlin le 27 septembre
prochain. J’aurai besoin de toi
encore une fois. D’ailleurs,
j’espère honnêtement que tu en
prendras dorénavant une
habitude.
Merci Max pour ta présence à
Québec.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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