Une
thérapie qui s’avérait
essentielle !
Sans vraiment
le réaliser, nous n’échangions
plus aucun commentaire depuis
près de deux kilomètres. Nous
approchions alors de l’endroit
où le pompier Maxime Fournier
était décédé l’an dernier.
Je sentais que l’émotion allait
devenir intense. Mardi le 7 juin
dernier, journée commémorative
de la première année du décès,
ses parents étaient revenus à
cet endroit pour y déposer une
gerbe de 21 fleurs en toute
discrétion.
Arrivés sur les lieux, les
fleurs y reposaient encore. Tout
près, son casque de pompier
déposé par l’organisation,
intensifiait notre vision.
Étienne s’est agenouillé. Je me
suis placé à sa gauche,
préférant rester debout afin de
lui laisser ce moment de
recueillement.
Je le sentais très ému. Derrière
nous, les parents d’Étienne
regardaient leur fils. Muni de
son appareil photo, son père
tentait d’immortaliser cette
séquence. Ébranlé lui aussi, il
n’arrivait pas à peser fortement
sur le bouton pour saisir une
photo. Il avait les larmes aux
yeux. Une fois ressaisi, nous
quittions l’endroit sans
vraiment regarder derrière.
Dimanche, en compagnie d’Étienne
Labonté, nous avons bouclé la
boucle et rempli la mission que
l’on s’était donnée,
c’est-à-dire permettre à Maxime
de terminer symboliquement cette
course qu’il n’a pu achever.
Émotif comme séquence mais
combien essentielle pour nous…et
Max, notre ange gardien.
Étienne s’est présenté avec le
chandail souvenir de Maxime sur
le dos. « Je l’endosse avant
chacune de mes courses. Je pense
à lui, je lui demande de
m’aider. Je le remets après la
compétition afin de le
remercier. Des gestes qui
s’intégreront dorénavant dans ma
routine tant et aussi longtemps
que je pratiquerai la course à
pied. »
J’ai noté la fatigue dans ses
yeux.
« Cette course m’a trotté dans
la tête au cours des derniers
jours. Je revoyais les images
des moments forts de l’an
dernier se défiler dans mes
pensées. Courir à nouveau sur ce
parcours a suscité une grande
nervosité en moi. Je n’ai pas pu
dormir beaucoup. Maintenant que
c’est accompli, je suis soulagé
et bien dans ma tête. »
La direction du demi marathon
des Pompiers de Shawinigan fut à
la hauteur dans les
circonstances. « Nous avions
1500 personnes aujourd’hui qui
ne demandaient qu’à s’amuser »,
nous a expliqué avec raison l’un
des organisateurs Pierre
Champagne.
Une minute de silence a été
observée avant le signal du
départ. Sur les chandails et les
dossards remis à tous les
participants, on retrouvait le
fameux ruban émis l’an passé,
commémorant le décès de Maxime.
Les parents de ce dernier ont
été invités par les dirigeants
mais ils ont préféré ne pas se
présenter, une décision
respectée et compréhensible.
Tout au long du 21km, Étienne et
moi avons échangé, une façon de
se remémorer les bons et mauvais
souvenirs. Chaque segment
renfermait son anecdote. « Je me
sens tellement bien en ce
moment. Une tonne de pression
vient de se libérer, s’évaporer.
Je pense que cette thérapie
s’avérait essentielle et j’en ai
maintenant la conviction. »
Quelques gouttes de pluie se
sont mises soudainement à tomber
sous un ciel nuageux et une
température automnale. Étienne a
alors avisé Maxime que l’on
prévoyait des averses uniquement
en après-midi. Puis, sans que
nous le remarquions, la pluie a
cessé !
Depuis l’an dernier, la vie
d’Étienne a pris un virage
important. Il s’est solidement
installé dans son patelin, en
banlieue de Québec. Il s’est
acheté une maison et a déniché
un emploi permanent à titre de
pompier à quelques pas de
chez-lui.
Il totalise deux marathons à son
actif et en visualise un autre
d’ici la fin de la présente
année.
« Ma sensibilité a doublé depuis
le départ de Maxime. Je suis
devenu plus émotif et je laisse
échapper plus facilement mes
sentiments. »
Secoué, Étienne l’a été. Il
s’est relevé pour en soutirer
des éléments qui lui serviront
durant toute sa vie et qui
feront de lui un homme solide,
intègre et d’une agréable
compagnie.
« Il n’arrive jamais rien pour
rien dans la vie », m’a-t-il
dit, tel un grand sage.
Nous retrouver coude à coude
durant ces deux heures m’aura
fait comprendre que la vie
apporte des moments que l’on
doit apprendre à gérer car
finalement, ils nous serviront à
solidifier notre existence.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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