Le courage
de Jocelyne !
Daniel Lequin,
Jocelyne et son mari Patrice
Albert.
Je me sentais
bien petit devant cette grande
dame, à quelques minutes de
prendre le départ du marathon de
Québec à Lévis, dimanche
dernier.
Jocelyne souriait. Enfin, je la
voyais en personne. J’en avais
tellement entendu parler. Je
regardais son mari, Patrice
Albert qui ressentait une grande
fierté de la voir présente à ses
côtés. Comme des amoureux, ils
se tenaient par la main. Une
scène touchante, émouvante car
je connaissais toute l’histoire.
Jocelyne souffre d’un cancer dit
incurable. Or, elle déjoue
avantageusement les pronostics.
Il y a quelques mois, lors du
marathon de Saint-Grégoire, j’ai
eu le privilège de rencontrer
Patrice. Nous avons couru
ensemble. Dans les
circonstances, vous vous doutez
bien que nous avions échangé sur
le combat de son épouse. Les
oreilles de Jocelyne ont dû
bourdonner cette journée là et
pour les bonnes raisons.
Il me disait combien il
l’admirait, qu’il la trouvait
courageuse et forte.
Depuis qu’il a appris cette
triste nouvelle, la course à
pied est apparue dans son
quotidien, question de bien
ventiler ses pensées, de se
changer les idées. Lors de notre
rencontre, trop épuisée,
Jocelyne avait dû rester à la
maison. Je me rappelle que
Patrice n’avait pas perdu de
temps pour rentrer chez-lui avec
son petit bonheur et sa fierté,
sachant qu’il allait tout lui
raconter.
Il n’allait pas insister sur son
temps record, mais plutôt la
questionner sur son état de
santé.
Daniel Lequin, Josée Prévost,
Jocelyne et son mari Patrice
Albert.
Dimanche à
Québec, elle avait sûrement pris
son courage à deux mains pour se
déplacer. Malgré cette
souffrance physique et morale,
elle me paraissait sereine, en
contrôle de la situation.
Sa voix étouffée trahissait sa
maladie. En lui retirant des
métastases dans la gorge, on
avait malencontreusement écrasé
ses cordes vocales. Ça ne
guérira jamais.
Que cela ne tienne. Je l’ai
embrassée, je l’ai serrée contre
moi, essayant de lui transmettre
du mieux que je pouvais, toutes
les ondes positives dont je
disposais. J’espère que j’ai
réussi. Elle écoutait
attentivement les propos de
Patrice qui discutait avec nous
de ses expériences de coureur.
J’imagine qu’elle aurait payé le
gros prix pour être en mesure de
l’accompagner mais juste sa
présence valait son pesant d’or
dans les circonstances. Elle a
assisté au départ, faisant un
signe de la main à son mari. Il
a répliqué avec un beau bisou,
lancé avec la main….le cœur
sûrement ébranlé.
Pour moi, ce marathon ne
revêtait plus d’importance. Les
idées ailleurs, le simple fait
de prendre conscience que je
disposais d’une excellente santé
me fournissait un privilège
exceptionnel. J’ai alors réalisé
toute la chance dont je
bénéficie. La santé nous semble
souvent acquise mais lorsqu’elle
part soudainement en fumée, nous
exerçons systématiquement un
parallèle qui nous remet
rapidement les deux pieds sur
terre.
J’ai couru ce marathon pour
Jocelyne sans aviser personne.
En compagnie de Josée Prévost de
la Maison de la course et
Patrice, nous avons vécu une
belle expérience.
À l’arrivée, Jocelyne a pu
exceptionnellement pénétrer dans
la zone réservée aux coureurs
afin de rejoindre Patrice. Quand
ce dernier s’est vu remettre sa
médaille, il a immédiatement
avisé le bénévole de la décerner
à Jocelyne. Quel beau geste
d’amour ! Toute heureuse, elle
savourait le moment, marchant
lentement vers la sortie.
On aurait cru qu’elle espérait
que cette séquence ne prenne
jamais fin. Sensible en voyant
cette scène, les émotions ont
jailli en moi. J’ai dû prendre
quelques respirations pour me
ressaisir. Je ne voulais pas
qu’elle s’en aperçoive. Survient
des moments où tout devient
relatif dans notre esprit.
Nous avons pris soin
d’immortaliser le moment. J’y
tenais mordicus car à mes yeux,
nous faisions face à une force
de la nature, une femme
impressionnante, exemplaire.
Avant de quitter les lieux, je
l’ai serrée à nouveau dans mes
bras et je lui ai dit de ne
jamais abandonner en y mettant
toute ma conviction. Intimidé
face à son état, c’est tout ce
que j’ai trouvé à lui dire.
J’espère la revoir. Je veux la
revoir.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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