Le
triomphe pour Maxim, la civière
pour Mario !
Je venais tout juste de cueillir
mon dossard. En train de prendre
un p’tit goûter à Saint-Jérôme
voilà que le cellulaire faisait
des siennes.
C’est Mario (Saint-Amand). Il
est grippé. La raucité dans sa
voix me le confirme. Incommodé
par une forte fièvre, il se
demande s’il pourra courir le
marathon dans 24 heures.
« J’irai chercher mon dossard
tantôt ».
Je suis inquiet. Pourra-t-il se
présenter à la ligne de départ ?
Et si oui, dans quelles
conditions ?
Je devais accompagner
l’humoriste Maxim Martin qui, il
y a plusieurs mois, m’avait fait
la demande pour son premier
marathon à vie. Vous savez ce
qu’il a vécu au cours des
dernières semaines avec le décès
de son gendre Clément, happé
mortellement en vélo sur le
Mont-Royal. Je n’osais insister.
Lors de notre dernier entretien
téléphonique, il me rappelait
que dans les circonstances, avec
un relâchement au niveau de
l’entraînement, il se posait des
questions sur ses possibilités
physiques de traverser cette
expérience. « Je vais courir
avec la photo de Clément que je
grefferai sur mon chandail »,
s’est-il contenté de me dire.
Or, depuis cette séquence, plus
aucune nouvelle de lui, silence
radio. Je risquais donc de me
retrouver seul, sans mes deux
acolytes, moi qui rêvais depuis
longtemps de vivre cette
expérience unique : Accompagner
deux artistes !
À ma grande joie, mes deux
lurons ont fait leur apparition,
presque par miracle, alors que
je me préparais à entreprendre
le marathon du P’tit train du
Nord. Comblé, je suis convaincu
que je traverserai de beaux
moments.
Quelques kilomètres après notre
départ et considérant son
indisposition, Mario semble
fringant, alerte. Je suis
surpris. Il s’échappe.
Je reste avec Maxim car il aura
sans aucun doute besoin de ma
présence. La première portion
nous fait voir un parcours
facile car on descend. Agrémenté
d’une température idéale et d’un
décor majestueux, nous filons le
parfait bonheur.
Maxim s’interroge sur la
stratégie qu’il adoptera. D’un
commun accord, nous
fonctionnerons au feeling. Tout
va bien mais j’anticipe le
dernier droit sans lui dire mot.
Je sens qu’il est heureux. Il
respire bien et sourit tout en
expédiant quelques blagues quand
l’occasion se présente.
J’effleure discrètement le sujet
de Clément. Difficile pour sa
fille, se résume-t-il à me dire.
Le long du parcours, les gens le
reconnaissent et l’encouragent.
Cette gratitude lui procure des
ailes. Il les emmagasine.
Au 22e km, satisfaction car il
vient de traverser une barrière
psychologique. On s’entend que
le reste du marathon se jouera
dans la tête. Son silence
viendra le confirmer quelques
kilos plus tard. Au 28e, ses
jambes s’alourdissent. La
souffrance fait son entrée. À
quelques reprises, il s’arrête
pour marcher et grâce à sa
détermination, il fera fi pour
continuer.
Le chrono ne compte plus. Il
veut le finir. Clément entre en
jeu. Il lui avait demandé de
l’aider sachant qu’il en aurait
besoin. Il répond car Maxim
persiste et se bat
merveilleusement bien. Je suis
surpris par son attitude. Il a
compris.
On termine dans la joie. On se
fait un câlin. Celui-là, je le
sens plus chaleureux. L’émotion
est à fleur de peau. Il discute
alors avec un ami. Ému, ébranlé,
il tente tant bien que mal à
contenir ses émotions. Puis, il
me lance comme ça : Je vais
aller me faire toucher
légalement », en prenant la
direction des physiothérapeutes.
Au même moment, j’aperçois ma
compagne et ses amis. Un beau
petit bec suivra. C’est
réconfortant. J’en profite pour
lui demander des nouvelles de
Mario. « Il est arrivé mais je
pense qu’il ne va pas bien. » Je
prends la direction de
l’infirmerie. Je le retrouve
allongé sur une civière, entouré
d’ambulanciers.
Je déteste voir de telles
scènes, davantage quand c’est un
ami. Ça ne devrait jamais
arriver. J’avise les personnes
de bien le soigner car c’est mon
ami et je l’aime bien. Mario
tente de blaguer mais je n’aime
pas ce que je vois, couché avec
une grosse couverture sur le
corps.
Je le quitte après quelques
minutes. Je suis secoué.
Un marathon émotif, de la joie
avec Maxim mais de la peine avec
Mario.
Deux athlètes, deux humains
formidables qui me procurent des
sensations inédites dans une
passion qui me fait voir des
facettes inexplorées jusqu’à ce
jour.
Merci les gars. On se reprend,
OK ?
Statistiques de mon 80e marathon
Temps : 4h17 :21
Classement général : 634 sur 927
Catégorie d’âge : 35 sur 53
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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