Difficile à
qualifier
Dorénavant, plus rien ne tient.
Les bases détruites, l’histoire
se réinvente.
Les références échouées, les
balises anéanties, Joan Roch
réécrit l’histoire. Il le sait,
il en est fier.
Sa péripétie Percé-Montréal à la
course à pied n’a aucun sens.
Aucune explication, de la pure
folie. C’est curieux, mais
j’étais heureux d’y participer,
de l’accompagner, un privilège.
Sur deux jours, nous avons jasé.
Joan l’admet. Dorénavant, il ne
sera plus le même homme. « Je
n’ai jamais pleuré au terme
d’une épreuve mais là… ». Oui,
là, ça dépasse les limites, la
réalité. Malgré la fatigue,
l’homme reste droit,
inébranlable et jette tout
l’monde par terre avec sa
résistance de surhomme.
Son copain Vincent Robert qui
l’a secondé dans le dernier
droit, le reconnaît. Jadis, il a
déjà testé Joan. Rien à faire.
Il concède.
Que dire de la belle Anne, sa
compagne, qui dépeint une
admiration envers son chum à en
faire rougir plusieurs. De
l’amour qui s’amplifie entre les
deux et qui se solidifie par de
telles vibrations.
Physiquement, on s’en doute
bien, Joan a souffert. « Je
savais que j’allais traverser
des moments difficiles mais
j’ignorais lesquels ». Il parle
de cette chaleur suffocante, son
infection qui a fait enfler son
pied droit à un point tel qu’il
a dû changer ses sandales
puisque la peau débordait des
sangles.
Oui, à un certain moment, le
doute s’est installé dans sa
tête. Il a songé abdiquer mais
sans en dire mot. Des émotions
négatives vécues intérieurement
qui faisaient mal. « J’ai appris
de Joan, son sourire, son aspect
positif, sa façon d’analyser, il
sait comment disséquer un aria,
davantage quand il ne l’avait
pas anticipé », dira Anne, ce
qui consolidera la technique
personnelle de ce grand athlète.
Les traits tirés, Joan a maigri.
À la blague, je lui ai dit que
peut-être Anne le préférerait
mieux avec une telle apparence !
Parti le 4 août, il est arrivé
1130 km plus tard à Montréal
mercredi le 19 août, tel qu’il
le souhaitait, sur le
Mont-Royal, avec une plus grande
distance parcourue que prévue.
J’ai couru à deux occasions avec
Joan. Lundi le 17 août, je sais
qu’il se dirige vers
Baie-du-Febvre. Alors, je
stationne mon auto dans cette
petite municipalité et je me dis
que je vais courir à sa
rencontre pour le surprendre.
Après 3 km, direction est,
j’entends une automobile
ralentir près de moi sur la 132.
Le conducteur me dit : « Es-tu
Daniel Lequin ? Est-ce que tu
cherches Joan ? Il est parti
vers l’ouest, il est derrière.
Quand tu étais à Baie-du-Febvre,
il était dans un dépanneur. Il
ne t’a jamais vu. Veux-tu que je
te ramène vers lui ? », de dire
Sylvain Manseau, qui m’avait vu
me garer près de son bureau.
Tu parles d’un beau hasard !
Merci Sylvain car sans toi, je
courais peut-être encore !!!
Le lendemain, Joan dormait dans
ma ville, Sorel-Tracy. Vers
7h30, nous avons pris
rendez-vous et je l’ai
accompagné sur 14km. Quelle
satisfaction et beaucoup
d’émotions. À un certain moment,
il a vu une affiche qui
indiquait que Montréal se
trouvait à 51 km. « C’est la
première fois que je vois
Montréal sur une telle pancarte
depuis que je suis parti. J’en
suis bien content! »
Il a dû transporter son
équipement en courant sur plus
de 200 km au début du périple.
Heureusement, la contribution
des gens a facilité son aventure
pour le reste du parcours,
allégeant ainsi les nombreuses
préoccupations techniques.
Que fera-t-il lorsqu’il aura
terminé ? « Je vais manger, je
vais dormir et je vais écrire
mon 2e livre », en plus de
répondre aux nombreuses demandes
médiatiques qui surgiront dans
les prochaines semaines.
Quand je courais avec Joan, il
m’a parlé d’Anne, il m’a parlé
de ses enfants, du plaisir qu’il
ressent, de la vie, de la chance
dont il bénéficie. Un examen de
conscience et un exploit humain
qui susciteront l’attention de
son entourage mais également
l’interrogation d’une telle
réussite, car personne n’arrive
à comprendre qu’est-ce qui a
bien pu le piquer pour planifier
un projet semblable.
Joan a des secrets enfouis dans
sa tête et c’est bien ainsi.
Respectons l’homme. Vincent lui
a parlé de courir un continent.
Puis, la discussion s’est
évaporée.
Quand je l’ai laissé, l’émotion
m’a gagné et j’ai dû me
contenir. T’inquiète Joan, des
Trolls, il n’y en aura pas car
tu es l’ultra-extraordinaire !
Tu sais, ça fait deux semaines
que tu n’as pas passé
l’aspirateur à la maison….
Pour sa
dernière étape, Joan est parti
de Sorel-Tracy. J'ai eu le
privilège de l'accompagner pour
14 km en compagnie de sa
compagne Anne Genest et de son
ami Vincent Robert.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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