Passage
obligé !
Le mot courir avait disparu de
mes pensées, de mon vocabulaire.
Les deux dernières semaines,
j’aurais voulu les franchir en
un clin d’œil. Je me sentais
comme dans une cage, prisonnier
de mon propre corps.
Après avoir trouvé la nourriture
de l’hôpital excellente car
j’étais gelé par les
médicaments, les jours suivants,
je n’arrivais même plus à manger
un biscuit soda, tellement
l’appétit avait disparu.
L’impression que je perdrais le
goût à tout jamais
m’envahissait.
Les priorités essentielles
durant des périodes semblables
changent radicalement. Alors,
courir ne m’effleurait même plus
l’esprit. Quand on se retrouve
en mode survie, nos pensées
diffèrent et nous nous
approchons beaucoup plus des
vraies valeurs.
J’ai réalisé que la course à
pied se présentait comme un
complément à mon existence, que
je pouvais me compter chanceux
de pouvoir encore pratiquer ce
loisir. Cette étape fut
comparable à la pandémie pour
moi. J’ai pris conscience de
bien des choses et classé les
items de la vie dans leur valeur
réelle.
Je me suis aperçu que je courais
d’une façon robotique, que
c’était devenu une habitude, un
mal nécessaire. Trop discipliné,
je me privais parfois de bons
moments. Replié, je me demande
sérieusement, si comme la Covid,
on n’aura pas mis ce sacré
cancer sur ma route, afin de
m’ouvrir les horizons.
Forcément, les années nous
transforment. Il arrive que nos
choix deviennent discutables,
aveuglés par le désir de
combler. La course à pied fut
une échappatoire pour moi et ce
sport l’est pour de nombreuses
personnes. Plusieurs témoignages
recueillis au cours de mes
entrevues le confirment.
Soudainement, elle ne possède
plus le même sens à mes yeux. Ne
vous inquiétez pas, lorsque je
serai en mesure de le faire, je
sauterai immédiatement dans mes
espadrilles pour reprendre le
collier. Toutefois, j’ai comme
l’impression que mon attitude,
mes lignes de pensée auront été
réajustées suite à la période
morose que je viens de vivre.
Je me suis toujours demandé si
on avait besoin de ces moments
creux dans une vie pour remettre
les pendules à l’heure. Car on
s’entend pour dire que tout être
humain devra explorer un jour ou
l’autre ces instants plus
pathétiques.
J’ai hâte que la machine soit
bien huilée. Mon sourire
continuera d’être aussi brillant
et j’en retirerai assurément un
énorme bagage de satisfaction.
Composer avec des étapes
semblables doit nous permettre
de faire le point, d’analyser
notre comportement, nos visions,
nos valeurs. S’améliorer fait
partie d’un cheminement qui
apporte de l’estime à notre vie.
On grandit assurément en
dressant ce genre d’analyse de
notre personnalité.
Oui, mes 100 marathons m’ont
procuré beaucoup de bonheur mais
ce dernier cheminement m’aura
assurément transformé.
S’arrêter, prendre une pause n’a
jamais été ma tasse de thé mais
il appert que la vie s’est
chargée de me guider à
considérer cette phase bien
involontairement.
Même si physiquement, ce fut
éprouvant, ce passage obligé se
devait d’être vécu. Je m’en suis
rendu compte à un certain
moment.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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