Quand
un service en repousse un autre… –
Deux facettes d'une seule et même réalité 1. « L'étiquette,
épicier! »… pas juste sur les tablettes J'imagine qu’un grand nombre de celles et de ceux qui s'apprêtent à lire le modeste billet qui suit sont trop jeunes (ou pas assez vieux?) pour se rappeler une populaire série de pubs télé de la Labatt 50 mettant en vedette le regretté Olivier Guimond. Le monsieur en question, faut-il le préciser, est ce grand comique dont on a retenu le seul prénom pour en baptiser une statuette-trophée produite à un nombre x d'exemplaires, et cela, en vue de la soirée de remise des… Olivier[1]. Chacun des messages de la série précitée, qui sont considérés comme des classiques du genre et qui ont littéralement mis sur la «mappe» BCP, boîte créée par le grand publicitaire Jacques Bouchard, chaque message, disais-je donc, se terminait sur les mots : « L'étiquette, Olivier! » Mis bout à bout, ces petits clins d’œil constituaient une sorte de guide humoristique des bonnes manières capable de faire vibrer quelques-unes des « Trente-six Cordes sensibles des Québécois » répertoriées par le sieur Bouchard soi-même… Ouais! il y a un sacré bout de temps de cela! J'espère néanmoins qu'on me pardonnera de m'en être inspiré, de cela précisément, pour pondre un titre accrocheur. Mais trêve d’entrée en matière! Passons à l’attaque… Rassurez-vous, je n'ai point l'intention de vous parler de bière en cette heure peut-être matinale où un café serait plus indiqué, n’est-ce pas, mais d'étiquette, ou plutôt d'étiquettes, au pluriel, et qui n’ont rien à voir avec les bonnes manières, loin s’en faut! Le consommateur, et vous le savez aussi bien que moi, vient encore de s'en faire passer une p'tite vite! Les épiciers, c'est désormais officiel, sont dans leur droit le plus strict quand ils s'abstiennent ou refusent d'étiqueter chacun des articles trônant sur les étagères de leurs magasins d’alimentation – à noter que l’étiquetage systématique est une pratique qu'ils ont d'ailleurs abandonnée de leur propre chef depuis lurette déjà belle, sachant fort bien qu'ils avaient les coudées franches (façon plus recherchée de dire « le gros boutte du bat ») face à une clientèle commodément captive. C'est connu, la gent épicière ne voit guère plus loin que le fond de sa poche, quoi qu'elle nous chante et nous susurre dans de pompeuses ou sirupeuses réclames publicitaires; aussi, comme ça coûte pas mal moins cher de forcer le client à une vigilance constante (ça libère un employé, pour ne pas dire que ça permet d’envisager l’élimination pure et simple d’un poste), on ne s'est pas préoccupé de savoir si l'opération «vérification» serait évidente ou aisée pour tout le monde. Le client a toujours raison, dit-on; or, le client, si l’on prend la peine de le lui demander, ce qu'il préférerait, c'est qu'on mette le prix de son pot de beurre d'arachides bien en évidence sur le couvercle. Point à la ligne! Pourquoi alors s'entêter à procéder autrement? Cherchez à qui profite la mesure et vous aurez votre réponse. L'étiquette, épicier, elle te commande d'en apposer autant qu'il en faut, des étiquettes. Tu voudras bien excuser ce tutoiement intempestif; je sais bien que nous n'avons pas gardé les cochons ensemble, mais je me disais comme ça que quelqu'un qui s'amuse à jouer pareil sale tour aux clients qui lui restent fidèles envers et malgré tout, ou qui, soyons réalistes et plus objectifs, persistent par nécessité[2] (faut manger pour vivre), oui! je me disais que ce type est forcément un «familier». 2. « À fond la Caisse! »… joué à guichets fermés Quand on y songe, c'est un peu beaucoup en vertu de la même logique bassement capitaliste que «nos» Caisses Pop forcent des tas de gens à poireauter, ou, si vous préférez, à sécher sur pied en faisant la queue des heures durant (je n'exagère même pas) devant l'unique guichet gardé ouvert… et qui, croyez-moi, n'a rien d'automatique, celui-là!… pour encaisser leur chèque du bien-être social ou effectuer quelque transaction «mineure». La notion de service ne se trouverait-elle pas définitivement enterrée aux côtés mêmes d’Alphonse? Je veux parler ici bien sûr d’Alphonse Desjardins, illustre fondateur du Mouvement qui porte son nom. Il y a fort à parier que, se sentant trahi quelque part, il n'en finit plus de se retourner dans sa tombe, le pauvre. Passer ainsi du Mouvement Desjardins de son vivant… au mouvement rotatif entre quatre planches une fois six pieds sous terre, ce n'est sûrement pas ce qu'il avait en tête! La Coopération
avec un grand «C» peut bien
aller se rhabiller : le profit est devenu le seul impératif des «descendants»
du cher Alphonse, c’est-à-dire nos «Caissiers» d’aujourd’hui,
lesquels, par les 500 millions $ d’excédents qu’ils affichaient fièrement
pour l’année 2000, se distinguent hélas de moins en moins des plus
prospères banquiers. Comment diable ai-je pu oublier que sociétaire
rime «richement» avec actionnaire?
En langage coopératif, on préfère le terme d’excédent
à celui de profit, mais ne
vous y laissez point tromper, c’est la même chose en bout d’addition! À la relecture, je me rends compte que mon propos n'est guère conforme à la nouvelle orthodoxie, c'est-à-dire pas très politically correct, et c'est bien ainsi, même si, de ce fait, je me condamne à la non-publication… dans la plupart des journaux, en tout cas (heureusement qu'il y a le SorelTracy Magazine!). N'est-ce pas en appelant un chat un chat qu'on a le plus de chances de se faire comprendre? Avant de «point-finaler», j’ose laisser le bonjour à «mon» gérant de Métro ainsi qu’à «mon» gérant de Caisse Pop, aux yeux de qui, force m’est de leur en savoir gré, je ne serai jamais un fieffé ingrat à déclarer persona non grata dans leur établissement respectif… du moins tant que l’oseille n’en viendra pas à me faire cruellement défaut[3] par suite d’un revers de fortune ou de quelque autre événement fâcheux que je ne me souhaite pas. Allez, sans rancune! Jean-Paul
Lanouette
[1]
Le gala des Olivier, événement organisé par l'Association des
professionnels de l'industrie de l'humour, récompense celles et ceux
qui se sont le plus illustrés en humour sur les scènes du Québec au
cours de l'année.
[2]
Ah! le bonheur de pouvoir compter sur une clientèle – redisons-le
– «captive», prisonnière en quelque sorte de ses besoins
fondamentaux! N'est-ce pas, «ami» commerçant?
[3]
Comme ils ne manqueraient pas de me le confirmer eux-mêmes en pur québécois
: « Nous aut', tant qu'l'argent rent', tout est ben "corrèque"!
»
samedi 19 octobre 2002
|