« En passant... »

Frustration extrême

            M'est finalement arrivé ce qui, au dire de Ronald, devait arriver. Ce dernier, expert informatique du bureau où je gagne ma croûte, m'avait pourtant bel et bien mis au parfum de la non-fiabilité relative des disquettes. Je courais après le «trouble» en m'obstinant à me servir malgré tout de ces petites plaquettes comme supports matériels de mes textes; je n'ai donc que ce que je mérite. « Mets tout sur ton disque dur, c'est plus sûr, Arthur[1] », m'avertissait-il régulièrement… Dans mon for intérieur (ou ma Ford intérieure, comme disait le regretté San-Antonio), j'étais tellement certain qu'il devait exagérer un brin, le Ronald, que je continuais gaîment de faire confiance à mes petites disquettes de toutes les couleurs… 

            Ça fait que… ben oui! chose, la disquette renfermant le texte que je vous destinais ce week-end, chers lecteurs et trices du STM, m'a « chié dans les mains »! Plus moyen d'accéder au billet de deux pages que vous devriez être en train de lire au lieu de la présente et fort banale complainte. 

Mes malheurs informatiques, j'imagine que vous devez vous en foutre un peu beaucoup pas mal, mais il fallait bien vous expliquer pourquoi vous n'avez pas droit à votre «ration» habituelle. Le mien billet en question, que vous aurez peut-être la chance insigne de lire un jour et qui s'intitule « Coup de circuit dans un fond de cour », est-il récupérable ou perdu à tout jamais dans les limbes virtuels? J'aurai la réponse à cette question existentielle lundi prochain, ou plutôt mardi (congé de Pâques oblige); en effet, je compte apporter la fichue disquette défaillante à Ronald pour qu'il voie s'il n'y aurait pas moyen d'en extirper mon «chef-d'œuvre», à tout le moins une partie d'icelui (sachez que ce mot étrange, qui signifie tout simplement celui-ci, est susceptible de se retrouver sous la plume de certains avocats et notaires soucieux d'impressionner leur clientèle afin de pouvoir lui «charger» les prix de fou que l'on sait). 

            Revenons à ma mésaventure… J'ai d'abord songé à essayer de récrire le tout de mémoire, mais découragé par le fait que, forcément, ce ne serait pas aussi bon que la première version, parce que moins spontané et, en quelque sorte, plus forcé, c'est-à-dire moins coulant, j'ai décidé de m'abstenir, espérant rien de moins qu'un miracle de la part de l'ami Ronald. En tout cas, le message est passé : fini pour moi, les disquettes, lesquelles sont d'ailleurs appelées à disparaître à plus ou moins brève échéance. Qu'il suffise de mentionner qu'il est plus que probable que la prochaine génération d'ordinateurs ne comportera même pas de fente pour la «lecture» des disquettes, ces reliquats tenaces d'une technologie désormais dépassée et pas toujours fiable – ça, j'ai pu le constater! 

            C'est quand même étrange, non? Les lignes perdues sont toujours, croit-on, les meilleures (je ne parle pas de cocaïne, mais d'écriture). Or, il suffirait peut-être de les retrouver, ces mots égarés, pour constater qu'il n'y avait pas là de quoi déranger Ronald… 

Jean-Paul Lanouette
jplanouette@sympatico.ca

 

[1] Arthur, c'est pour la rime, bien sûr, même si ça fait dur!

 

vendredi 18 avril 2003