« En passant... »

Lettre ouverte à M. Pierre Foglia, chroniqueur-vedette à La Presse… ainsi qu'aux autres partisans, frileux ou convaincus, du «gros bon sens»

Virage à droite au feu rouge : s'adapter ou périr

Monsieur, 

Vot' chronique d'y'a queq' s'maines sur le gros bon sens m'a inspiré certaines réflexions dont j'ose vous faire part... 

Face au changement, quel qu'il soit (comme, par exemple, l'autorisation du VDFR – virage à droite au feu rouge), face au gros bon sens, face aux décisions électoralistes, face à la vie, quoi, deux attitudes possibles : se plaindre ou s'adapter. 

Personnellement, en ma qualité de «coq-l'œil» jouissant d'un champ de vision de 20 degrés (la «normale» étant de 183 degrés, à ce que prétend mon opthtalmo), j'ai choisi tout jeune de m'adapter à un environnement sans cesse changeant, et qui l'est d'ailleurs pour tout le monde, changeant. Dans mon cas, cela s'est traduit par une surcompensation, à tous les niveaux, sports y compris – non mais, à force de vouloir faire comme tout le monde, et, si possible, mieux que tout le monde, je m'la suis-tu cassée la gueule en «bécik» ou autrement! Mais je ne regrette rien, au contraire : y paraît que c'est comme ça qu'on apprend! Au fil des ans, j'ai été renversé à trois reprises par des chars au cours de mes sorties de course à pied : je persiste à marteler le bitume... en choisissant mieux mes heures et mes circuits, cependant. Je ne me plains pas, car j'assume, je fais avec «comme con dit». 

Mais je comprends et respecte celles et ceux (handicapés ou non) qui gueulent comme des putois en réaction à des décisions qui risquent de troubler leur quotidien, si minable soit-il aux yeux de ceux qui «savent» et qui sont équipés pour planer au-dessus du vulgaire et des viles contingences de l'existence. 

On parle beaucoup, dans les journaux et ailleurs, du VDFR : normal, même si ça vous tombe sur les rognons, car les gens aiment parler de leur petit quotidien, de ce dont il est fait. Tout de même pas de leur faute si vous, vous avez su vous en ménager un, de quotidien, où vous n'avez pas à «dealer» avec les feux rouges pedibus cum jambis ou à vélo. Cet emmerdement, car c'en est un, ne fait pas partie de votre ordinaire : tant mieux pour vous, et grand bien vous fasse! Que vous vous en contrecrissiez comme de votre premier flat, c'est, en effet, juste le gros bon sens

De mon côté, chus tellement open vis-à-vis des changements au Code de la déroute que je me demande ce qu'on attend pour donner le feu vert au demi-tour (u-turn) universel, c.-à-d. à gauche ou à droite, jusque dans les sens uniques pris à l'envers par inadvertance. Je suis comme ça, que voulez-vous : j'aime le défi, ou, comme disent les Français, le «cha-lenge»! Ai-je seulement le choix? 

Vous voyez – et croyez que je le déplore presque – c'est un peu décousu comme propos, tout ça, mais je vous sais parfaitement outillé pour trouver le fil, puis le suivre sans mal. Alors, on continue? 

Dans' vie, on est toujours l'ayatollah de quelqu'un. Ainsi, pour votre collègue des sports, Régent Tremblay, noble défenseur des intérêts de la Formule Un, il suffit d'être ou de se dire contre le tabac pour avoir droit à ce titre… qui n'est flatteur que lorsqu'il s'applique à Guy Bertrand, conseiller linguistique à Radio-Can. 

Alors, dites donc : à vos yeux, me qualifié-je comme ayatollah? Je suis contre le VDFR, et je n'en parle pas, comme vous, sauf aujourd'hui, pour... comme vous! Je suis contre, mais je me prépare à faire face à l'inéluctable, au gros bon sens

Début de la digression – En passant, c'est drôle, je suis antisioniste – je suis même prêt à me déclarer antirouille, voire Anticosti ou Antiphlogistine, s'il le faut… Trêve de plaisanterie! je suis antisioniste pour de vrai, et depuis un bon «boutte» à part ça[1]. Mais je n'en parle guère, et sûrement pas assez, c'est vrai; en tout cas, je ne m'en vante surtout pas, ni n'oserais le crier sur les toits. Peur de titiller de travers la fibre ultrasensible de certaine organisation très «chatouilleuse» qui accuse cette tendance plutôt fâcheuse à confondre antisionisme et antisémitisme, deux notions fort distinctes l'une de l'autre, à tout le moins dans mon esprit? Oui, peut-être que j'ai un peu «la chienne» de m'attirer les foudres bassement terrestres de puissantes gens, je l'avoue! Pourtant, ce n'est pas tant la peur des représailles possibles que la conscience de mon impuissance qui explique cette relative discrétion de ma part sur ce sujet ô combien délicat. « Anyway, qu'est-ce que ça donnerait d'en débattre? » que j'me dis. Car c'est dans ma nature de percevoir comme des «chieries» imparables les choses déplaisantes qui arrivent à l'humanité souffrante. Maso? Non! Disons que je suis tout bonnement écœuré d'avoir vu neiger; ça ne sert à rien de chialer, faut la «scrêper», la neige, en attendant la prochaine bordée, bordel! 

Le message est clair, me semb' : que ce soit à l'échelle urbaine ou planétaire, le «surviveur» a tout intérêt à s'accoutumer au plus sacrant à l'environnement que lui ménagent les grands (?) décideurs, plutôt que de s'acharner à gueuler aux quatre vents ou dans le vide. Ouais! en un mot comme en mille : « Plie ou crève! » Fin de la digression. 

Mon seul souhait à l'aube du VDFR, c'est que nos valeureux policiers vont continuer à fermer les yeux sur les infractions que je commets chaque jour en me rendant au (et revenant du) travail. Je le confesse : je suis un jaywalker impénitent! Oui, je traverse systématiquement ailleurs qu'aux intersections... afin d'avoir juste deux côtés à checker. Avec le VDFR, encore moins question que jamais que je me remette à «fréquenter» les feux de circulation évitables! Pas fou, le casque! 

J'ai travaillé trois ans «à l'étranger» (Ottawa-sur-canal), et j'étais bien content de «reviendre» chez nous, car là-bas, les auteurs de traversées illégales (jaywalking) héritent à coup sûr de contredanses relativement salées. Ma faculté d'adaptation était comme qui dirait étouffée dans l'œuf, ne pouvait s'exprimer, t'sais veux dire? Au Québec en général et à Montréal en particulier, on sait vivre et laisser vivre : les «tickets», c'est pour les chars! Piétons et cyclistes peuvent faire tout ce qu'ils veulent… tant qu'ils ne se font pas «ramasser solide» ou «frapper d'aplomb» par un quatre-roues. Le VDFR va tout simplement ajouter un peu de piquant à tout ça, non?! 

Le gros bon sens me dicte de ne pas vous écœurer, mais, vous avez pu le constater, le gros bon sens, je m'en tamponne, surtout quand il me fait ch… et qu'il me force à changer mes petites habitudes pépères. Je vous écœure donc un brin, comme ça, juste pour le plaisir : côté feux rouges, c'est comment, Saint-Armand? et les p'tites routes du Vermont? Maudit chanceux! Jaloux? Oui! Comme je vous aime bien et que je ne voudrais point qu'on vous estropiât (« On finit par s'attacher à "toutte", même à ça! » aurait dit ma maman), j'espère que vous n'êtes pas obligé d'aller «puncher» à La Presse en vélo, que vous pouvez vous y rendre dans votre guimbarde impayable! 

Je ne vous demande pas de faire preuve d'empathie, car paraîtrait que c'est d'la grosse merde granole, ça, l'empathie : se mettre dans la peau de l'autre, ben voyons! Non! j'veux rien'q vous rappeler que le gros bon sens de l'un, eh bien! l'autre s'en passerait parfois, préférant rester «niaiseux» et... entier. 

Je suis toujours antisioniste, mais pas du tout antirouille en fin de compte (étant donné mon faible assez fort pour les rouquines et pour les jolies taches de rousseur dont est constellé leur épiderme laiteux), et, plus que jamais, je tiens à m'affirmer anti-VDFR. En effet, je demeure résolument opposé à ce tue-monde «potentiel» qu'est le virage à droite au feu rouge, mais qu'y puis-je? Je promets donc de ne plus aborder la question… pour m'attacher désormais à m'y faire, à ce nouvel écueil planté sur l'étroit chemin de ma p'tite vie. « Merci, Hara-Kiri! » 

Quant à vous, Monsieur, vous n'êtes pas un sale con, loin s'en faut, mais un vieux «grippette» qui aime faire réagir ses lecteurs… et ça marche! La preuve… C't-y assez téteux à vot' goût? 

Que la lumière soit avec vous, fût-elle rouge! 

Jean-Paul Lanouette
jplanouette@sympatico.ca


[1] En vérité, comme quiconque déplore le fait qu'un peuple donné puisse s'arroger le droit et le pouvoir de déposséder manu militari un autre peuple de son territoire ancestral, j'étais antisioniste avant même de savoir ce que «sionisme» veut dire.

 

vendredi 17 janvier 2003