Lettre ouverte[1] à Sol et à son «père» Monsieur
Marc Favreau et Monsieur, Jamais je n'avais imaginé à quel point il pourrait se révéler embêtant de… vous / t' écrire : dois-je vous «voutoyer» ou te «tuvoyer»? Comme il y a deux personnes en vous / toi, l'une que l'étiquette et un profond respect me commandent de vouvoyer, l'autre – l'égale de toutes et de tous, de la plus grande au plus petit – que je ne peux que tutoyer, je me rabats lâchement sur le pluriel dit de majesté. Vous n'y verrez, Monsieur, aucun inconvénient, du moins je l'espère, et toi, cher Sol, puisses-tu ne point te laisser effaroucher par ce voussoiement gros comme le bras et quelque peu «distanciant»… J'en viens sans autre préambule à l'objet premier de la présente : «vous» trouverez ci-annexé copie d'une courte lettre[2] que, au lendemain de l'hommage essercien (c'est-à-dire de la SRC – Société Radio-Canada) à Sol, j'avais osé soumettre au Devoir, qui, vous le pouvez constater, a jugé pertinent de la publier. Donnez-vous la peine, je vous prie, de la lire, puis de me faire savoir si j'ai vu juste ou si plutôt, comme l'a laissé entendre le talentueux Marc Labrèche à son émission La fin du monde est à sept heures, je suis plein de…[3]!
J'étais sûr de
mon affaire, mais, après le «traitement télé» précité, la réaction de mon entourage…
celle (réaction)
de mon ado de fils surtout, aux yeux de qui le sieur Labrèche est un «infaillible
des ondes». Mis en balance avec l'opinion d'une telle vedette du petit écran,
il va sans dire que mes arguments
de poids ont vite pris une allure de «plumes
au vent». Pas très bon pour l'ego
d'un père, ça! Que M. Labrèche récupère une petite lettre innocente
pour s'en faire du «matériel», je comprends parfaitement; qu'il affirme
péremptoirement au sujet de mon exposé qui se voulait sans prétention :
« C'est d'la marde! », je le prends plus dur, comme on dit, mais je
m'incline devant la maestria
d'un grand comique dont le mandat consiste à nous divertir, et je ris. M.
Labrèche n'a pas à essayer de voir plus loin que le bout de son punch
: seul le résultat immédiat compte, pas vrai? N'empêche que je ne puis
résister à l'envie de lui rappeler qu'une personne dans sa position
avantageuse peut très facilement faire mal à quelqu'un, même sans le
vouloir. Trouvez-moi un papa digne de ce nom qui se prétende capable de
supporter, sans sourciller ni tressaillir de l'intérieur, de se voir
ridiculiser sur la place publique en présence de son fils, et je vous
montrerai un fieffé menteur… ou un pauvre inconscient! …
oui! après la percutante intervention de Marc Labrèche, la réaction
«mitigée» de mes proches à cette «trouvaille» dont je n'étais pas
peu fier a copieusement douché mon enthousiasme juvénile, semant du même
coup en moi le germe insidieux et ravageur du doute. Me v'là donc la fale
basse! Depuis ma tendre enfance, me serais-je à ce point abreuvé de vos
«prestations» verbales que je puisse être, aujourd'hui et à jamais,
affligé de «solite» aiguë? Si bémol transformé en Bim
et Sol : aurais-je donc vu la main
(c'est-à-dire le génie) de Marc «Sol» Favreau où il n'y eut
jamais, en définitive, que simple accident
de vocabulaire… ou invention heureuse d'un obscur scripteur n'ayant
jamais cru bon de revendiquer sa légitime paternité?
Si, dans tout
cela, seul mon orgueil devait pâtir, je «prendrais ma pilule» à sec et
baisserais un brin les yeux, le menton… Mais il y a aussi la curiosité,
cette «crapaude», qui le mental me taraude… jusqu'à «pus capab'».
Faites-moi une fleur : dites-moi ce qu'il en est, même si vous ne me
devez «rien en toutt'» (c'est plutôt le contraire; en effet, il est
plus juste d'affirmer que c'est moi qui vous en dois pas mal, moi ainsi
que tous ces enfants devenus grands… et presque vieux… dont vous avez
su recouvrir de couleurs «pétantes» les moments de grisaille par vos
divagations et pirouettes verbales parfois «si tant tellement plus»
pleines de sens que le réel décrit en français dit standard).
Apprendre que j'ai fabulé ou carrément déraillé ne me dérangera
pas trop si ça vient de vous, et si, par bonheur ou par impossible, il
s'avère que je n'ai point erré, je pourrai rassurer mon fils en lui démontrant,
parole de Favreau à l'appui, que plus de quarante ans de Sol ne m'ont pas
trop bousillé le ciboulot.
Vous remerciant d'avance de votre attention, je vous prie d'agréer
, Monsieur, cher Sol, l'expression de mes sentiments les plus débridés.
Ni l'un ni l'autre, vous n'êtes «barrés à quarante»! – et cela,
vous vous attachez à nous le démontrer jour après jour… avec grand
succès. Jean-Paul Lanouette [1] Ce que je propose ici, c'est une version légèrement retouchée d'une lettre envoyée à M. Marc Favreau le 10 mars 1999… et restée sans réponse jusqu'à ce jour. [2] Note aux lectrices et aux lecteurs : Il s'agit d'une lettre par laquelle je livrais mon interprétation toute personnelle quant à l'origine du nom de Sol. En gros, j'y expliquais que «Bim et Sol», premier duo de clowns dont ait fait partie l'ami Sol, ce n'est rien d'autre qu'une déformation – par contrepèterie ou, si vous préférez, par interversion des consonnes b, m et s –… rien d'autre qu'une déformation de si bémol. Je renvoie à mon texte précédent (Sol, drôle de nom pour un clown drôlement «bien engueulé»!) quiconque désire en savoir plus sur ce chapitre pas vraiment essentiel de la belle Histoire du Québec… sur le plan des Arts. [3] L'on est ce que l'on fait, et versa-vice. Ainsi, celui dont les écrits sont qualifiés de «marde» par quelqu'un est tout à fait fondé à croire que ce même quelqu'un assimile sa personne à ladite substance. En clair, se faire dire qu'on produit de la «marde» équivaut à se faire traiter de plein de… Voilà!
samedi 22 mars 2003
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