Aberrations
citadines
–
Scène de chasse sur fond de tour penchée
La
chasse, non pas celle dite à courre, mais la tout court : sans
doute y a-t-il autant de « bonnes » raisons d'être aveuglément pour
qu'il y en a d'être férocement contre!
Si
cette activité « sportive » n'a point l'heur d'être ma tasse de
thé, cela ne m'empêche aucunement d'admirer à plein un homme
comme le regretté Serge Deyglun, artiste polyvalent s'il en fut,
qui maniait aussi bien la plume ou le micro que… le fusil et la
canne à pêche. Les plus de 50 ans ne manqueront pas de rappeler
aux plus jeunes que ce chroniqueur hors pair nous a également laissé
de merveilleux documentaires sur sa grande passion de nemrod.
La
question n'est pas de savoir s'il faut bannir la chasse, mais s'il
est normal et prudent d'en tolérer la pratique… en ville!
Un
drôle de pistolet
J'espère
qu'on n'attend pas qu'un accident bête et malheureux se produise
pour réagir. Il y a quelques années, alors que je courais le long
du fleuve, côté sud, j'ai croisé à la hauteur du pont
Jacques-Cartier un Rambo d'opérette en treillis militaire : l'air
égaré et légèrement bovin, fusil en bandoulière que j'espérais
non chargé, le type errait d'un pas incertain, tournant sans arrêt
la tête à gauche, puis à droite… à la recherche de canards,
avait-il pris la peine de me lancer, histoire sans doute de me
rassurer!?! À la vérité, tout de même pas très rassurant,
pareil épisode, non?
Depuis lors,
l'automne venu, je confine sagement mes sorties matinales de course
à pied à la base de plein air de Longueuil, « à l'intérieur des
terres », où je ne risque pas, du moins en principe, d'essuyer une
volée de plombs égarés, et d'où je peux admirer, dans le ciel
gris-bleu strié de longs et minces nuages orangés, les grands «
voiliers » criailleurs migrant plein sud… Mais cela, sans
pouvoir, hélas! me soustraire les tympans aux éclatantes pétarades
« décimeuses » produites par les mâles canardeurs embusqués
dans leurs caches avec vue directe sur « notre » stade olympique.
J'ose
suggérer aux chasseurs banlieusards de changer de cible… et
d'instrument. Oui! je les invite à s'inspirer de la majorité des
hockeyeurs frais retraités qui, on le sait, passent volontiers de
la glace au green, sans
nous faire de dépression post-forum.
« Aventuriers du week-end, qui êtes en quelque sorte les émules
rigoureusement sédentaires de Pierre-Esprit Radisson et de Médard
Des Groseilliers, je vous en conjure
: délaissez progressivement votre calibre 12 pour un bâton…
de golf, troquez la cartouche contre la balle, puis apprenez à vous
contenter de la "chasse" aux oiselets, aigles et autres
albatros sur les nombreux 18-trous municipaux (ou…
d'arrondissement) du nouveau territoire longueuillois, version
"enrichie"! C'est pas une bonne idée, ça? »
Une lueur d'espoir?
À
la suite du départ – pour des horizons plus larges – du grand
« sportif » qui sévissait depuis des lustres à titre de rédac
chef de l'hebdo rive-sudien au plus fort tirage, le lobby pro-chasse
en milieu urbain vient-il de perdre son membre sinon le plus
influent, du moins le plus visible? – Il convient de préciser ici
que le journal en question servait à notre homme à la fois de
tribune privilégiée… pour raconter ses exploits chasse & pêche,
et de vitrine grand format… pour exposer en photos ses trophées
ou captures. Nous disions donc : le chasseur
de ville aurait-il enfin perdu un peu de ce « poids »
politique qui, envers et malgré toute logique, le maintient en
place aussi fermement avenue du Bord-de-l'eau, à Longueuil-sur-rive?
Il faut l'espérer!
Car, en pleine ville, sur les berges du Majestueux, me semb' que la
mire télescopique du chasseur se trouve pas mal moins à sa place
que la longue-vue de l'ornithologue amateur, non?! Ces détonations
intempestives qui, chaque automne, déchirent le silence matutinal
sont depuis longtemps anachroniques, voire injustifiables… Décidément,
il y a de ces droits acquis qui se défendent plutôt mal! Là-dessus, comme
dirait l'autre, je suis plutôt d'accord avec moi-même…