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mardi 18 mai 2004

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Le poids des mots 

Savoir choisir le terme massue, qui « fesse » d'aplomb 

Après avoir vainement tenté de nous faire prendre des vessies pour des lanternes en nous vantant les mérites prétendus d'une réingénierie qui n'est rien d'autre qu'une façon purement anglaise (reengineering) de décrire de très « amaigrissantes » restructurations, voilà que nos brillants spécialistes de l'enflure verbale ont décidé de remettre ça. Cette fois, ce sont les défusions qu'ils se mêlent de débaptiser sans ménagement! 

Ouais! à l'aube des lourdes consultations populaires auxquelles, pour une rare fois fidèle à ses promesses électorales, le gouvernement Charest s'apprête à procéder à grands frais, force est de le reconnaître : bien malin (ou retors?) celui qui a suggéré ou imposé l'utilisation systématique et exclusive du mot de démembrement – plutôt que de celui de défusion – dans l'ensemble des communications et documents portant sur la question! 

        En effet, messieurs-dames, y'a toute une différence entre donner son aval à un démembrement et voter en faveur d'une simple (?) défusion. 

Qui dit démembrement dit partition d'un tout, atteinte à une intégrité réputée indivisible : on passe de l'entier à la fraction. Appliqué à l'homme, le mot évoque les supplices moyenâgeux et les attentats-suicides : difficile d'être « pour », me semble-t-il… Demandez seulement à John Bobbitt, célèbre démembré (au-dessous de la ceinture!!!) « remembré » in extremis, ce qu'il pense du… démembrement. 

Quant à défusion, terme technique qui ne titille guère la fibre émotionnelle du bon peuple, cela correspond platement à une inversion de processus, à un retour en arrière : on délaisse l'entier gonflé artificiellement pour revenir, en quelque sorte, à une série d'entités de taille plus modeste (« à dimension humaine, comme avant », ne manqueront point de faire ressortir d'aucuns). Appliqué à un choix, le mot pourrait évoquer, aux yeux de certaines gens férus de tradition, un bon vieux set carré câlé : « Changez de côté, vous vous êtes trompés! » 

Tout ça pour dire que, comparé ou opposé à défusion, qui est somme toute plutôt « drable » et neutre, démembrement porte une très forte charge affective susceptible d'influer grandement sur la décision des personnes appelées à se prononcer sur l'avenir de « leur » grosse ville. 

Celui qui ne veut pas qu'on touche à son chat l'appelle tigre 

Par son choix de termes, le gouvernement ne montre-t-il pas de façon par trop évidente de quel côté il penche… à en tomber dans le ridicule le plus consommé? Or ça, excusez-moi, mais, comme disent nos bien chers cousins d'outre-Atlantique, c'est pas très « réglo » comme procédé! En fait, ménager les apparences est un art dont on semble pas mal « se fouter », du moins dans la gestion de ce dossier devenu embarrassant, ô combien! 

Désolé, M'sieu Chose, mais on vous voit et vous entend venir de loin avec ce gros sabot que vous vous êtes si bien enfoncé dans la bouche (un seul sabot aux pieds et l'autre entre les dents, non seulement ça marche mal, mais ça parle mal en diable!). De quoi me filer, contre toute logique bassement épicière destinée à « faire peur au monde », l'irrépressible envie de grossir les rangs de moins en moins clairsemés des défusionnistes, ces affreux « démembreurs », rien que pour le plaisir d'être désobligeant à mon tour – à ma façon et selon mes maigres moyens s'entend. 

Je ne vous dis donc pas merci – et encore moins félicitations – pour vot' « beau » programme! 

En passant et en terminant… La défusion risquerait, selon de savantes analyses un peu beaucoup tendancieuses, de nous « coûter un bras ». Est-ce pour cela que les gros maires et les « brasseux d'affaires » amis du pouvoir s'estiment fondés à agiter avec force « sparages » le spectre du démembrement? Pourquoi donc les soupçonné-je plutôt d'être prêts à toutes les entourloupettes, terminologiques ou autres, pour ne point perdre une partie de leur « royaume » gonflé à l'hélium? Je dois être de mauvaise foi… 

En guise de post-scriptum 

        Par dérision plutôt que par noble souci d'objectivité ou de « neutralité »… – À ceux qui seraient tentés de me demander si, en fin de compte, au tréfonds de mon être, je suis pour ou contre les défusions/démembrements, je ferai cette réponse classique de politicien désireux de ne pas se mouiller : « Ni pour ni contre, bien au contraire! »
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