Non
loin de chez moi, même rue, il y a un couple charmant qui, pour
« essayer » de dormir la fenêtre ouverte, doit désormais
composer avec le ronronnement non-stop de trois appareils installés dans la cour du nouveau
voisin : deux thermopompes, dont une trônant entre les deux
maisons, et un « filtreur » de piscine, rien de moins
(si je ne me trompe, Eustache)! Ma foi, on se croirait dans un rest
area américain, coincé pour la nuit entre deux dix-huit-roues,
monstres « au repos », mais dont les diesels, continuant
de tourner, ne se taisent jamais…
Non
mais, y'en a-tu qui sont « plaignards »! Pour un peu, je
les soupçonnerais presque d'être jaloux du confort d'autrui… Ce
ne sont pourtant pas les solutions qui manquent, me semb'. En voici
déjà quelques-unes qui me viennent à l'esprit et que je livre
gracieusement, dans le désordre, au malheureux couple en proie aux
« assauts décibéliens » de ces machines qui nous
pompent l'air :
1.
Encastrer un bon vieux climatiseur dans la partie inférieure
de votre fenêtre de chambre à coucher. Le vacarme que ça produit
devrait gommer tous les bruits extérieurs; consolation, si mince
soit-elle : ce sera « votre » vacarme, vous en
contrôlerez l'intensité et la durée – c'est pas beau, ça?
2.
Ériger une palissade antibruit. Hélas! la hauteur d'icelle
étant limitée à deux mètres, vous continueriez, depuis votre
chambre située à l'étage, d'avoir oreille imprenable sur la
machinerie sophistiquée d'à côté. Oublions-la, celle-là.
3.
Vous réfugier au sous-sol, du moins pour l'été. Je veux
bien croire qu'il n'est pas « fini » (je parle bien sûr
du sous-sol, pas de l'été), mais c'est tout de même plus frais et
plus… silencieux. Une fois la lumière fermée, vous n'aurez qu'à
vous imaginer au Ritz. Vous verrez – ou plutôt vous ne verrez
rien – ça marche, enfin presque!
4.
Déménager à Montréal – en condo ou sur le Plateau de préférence.
Ce serait peut-être pour vous un humiliant retour à la case départ,
mais comment diantre auriez-vous pu deviner que, un jour pas si
lointain, de nombreux quartiers « revitalisés » ou « gentrifiés »
de la grande ville se révéleraient, la nuit venue, moins bruyants
que votre verte banlieue?!
5.
Succomber à votre tour aux charmes de la thermopompe, c'est-à-dire
en installer une entre les deux maisons, en parallèle avec
l'appareil du voisin, pour satisfaire vos propres besoins en matière
de fraîcheur et de confort « tôtal ». Toutefois,
il importe de ne pas agir ou réagir dans un seul esprit revanchard,
car la vôtre de « pompe à chaleur » ne pourra être
« achalante » pour le voisin en question, déjà coupé
de la touffeur et de la cacophonie extérieures, se riant de la
canicule et relaxant derrière ses fenêtres à triple vitrage, hermétiquement
closes comme il se doit. If
you can't beat them, join them! En vous joignant au concert
nocturne de la « nouvelle » banlieue bourdonnante, tout
ce que vous risquez, n'est-ce point de créer un autre voisin mécontent…
et jaloux? Tant pis pour lui! Il n'aura qu'à faire comme vous. Il
faut s'adapter ou périr, oui! faire installer « toutt' le kit »
pour enfin bien dormir, en paix, sinon avec les autres, du moins
avec soi-même.
6.
Vous résoudre à dormir la fenêtre fermée. Réjouissez-vous
m'sieu-dame : ce sauna finlandais dont vous rêviez tant, eh
bien, vous l'aurez enfin… trois mois par année, et gratos!
C'est cool, non?
7.
Et enfin, essayer d'engager une conversation sur le mode
raisonnable avec votre cher voisin. Bonne chance! car force est de
préciser que, ici, c'est lui qui tient le gros bout du bâton!
Toujours au frais et le front bien sec, il restera souvent sourd ou
de glace face aux récriminations de ses voisins liquéfiés par la
chaleur et abêtis par l'omniprésent fond sonore; en un mot comme
en cent, leur petit malheur qui sent le réchauffé, ça le laisse
froid. Soucieux d'abord de rentabiliser son « investissement
confort », il préférera rester bien à l'abri dans sa bulle
climatisée, s'efforçant d'en profiter au max. En ce bas monde du
chacun-pour-soi érigé en système, que dire, que faire quand un
parfait spécimen d'homo
thermopompus vous sert « à froid » l'imparable
argument massue : « Mon installation est conforme aux
normes; les lectures prises par le gars d'la ville à l'aide d'un décibelmètre
en font foi. Alors, si t'es pas content, va te faire cuire un œuf
sur le trottoir!» – fin de la discussion à sens unique… et pas
très « chaleureuse ». Donc, vaut sans doute mieux
l'oublier, celle-là aussi.
En passant et en terminant,
quelqu'un ne pourrait-il pas enfin expliquer à tous ces valeureux
fonctionnaires « mesureurs de bruit » que, une fois
l'obscurité redevenue maîtresse de not' p'tit monde, la rumeur au
pis agaçante qui sourd d'entre les maisons se transforme – comme
par désenchantement – en un vrombissement intolérable couvrant
jusqu'au chant des grillons?!?
Oh!
j'allais oublier : le seul personnage de Bobino que je n'aie
jamais pu piffer, c'est, vous l'aurez deviné, Tapageur…
Jean-Paul Lanouette