La télé dans le métro, c'est pas les gros chars!
En tant que « sud-banlieusard »
usager du métro, je n'y peux rien : la
ligne jaune, celle qui passe sous le Majestueux,
fait partie de mon circuit quotidien. Extrémité sud (station Longueuil–Université-de-Sherbrooke),
ça va, à l'aller comme au retour. C'est du côté nord (station Berri-UQAM)
que ça se gâte,
surtout au retour en fin d'après-midi.
Je m'explique… Depuis
quelque temps déjà, sur le quai d'embarquement nord-ouest de
la ligne jaune, où s'agglutinent
les gens plus ou moins pressés de retourner chez eux, dans le « 450 »,
j'ai noté une baisse notable – et ma foi, plutôt fâcheuse – du niveau
d'éclairage : probablement des néons qui ont rendu l'âme à l'unisson et
qu'on tarde à remplacer, me suis-je dit d'emblée. Or, une couple de
semaines plus tard, force m'est de déplorer la « stagnance » de cette
déplaisante situation. Toujours plongé dans une quasi-pénombre en
attendant qu'arrive enfin la rame « gobeuse de monde », je peste
intérieurement contre la lenteur de réaction de la maintenance « estémienne »
(lire : de la STM).
Puis, un
jour récent, sans doute mû par un réflexe trop longtemps conditionné, je
lève les yeux pour examiner la rampe lumineuse censée courir sans
interruption tout le long du quai. Ce sont des luminaires rectangulaires
– renfermant chacun deux tubes fluorescents – qui, installés bout à
bout, forment ce « rail » de lumière. Chose curieuse, bon nombre
des luminaires en question ne fonctionnent pas! Mis hors tension
délibérément? Défectueux? Affligés de néons grillés? Je ne saurais dire;
quoi qu'il en soit, le résultat est le même : l'éclairage en a pris un
sacré coup dans l'aile! Économies de bout de métro? C'est ce que
je pensais, jusqu'à ce que…
…Jusqu'à ce que cela me
saute en pleine face. C'est afin que nous puissions mieux voir les
écrans de Métrovision (« la télévision urbaine de
Montréal », plus souterraine qu'urbaine, en fait, mais pas du tout
underground, loin s'en faut!). Ouais! c'est pour attirer sur
d'insipides images animées l'œil de l'indécrottable téléphage qui,
paraîtrait-t-il, sommeille en chacun de nous qu'on s'est ingénié de la
sorte à réduire l'intensité de l'éclairage ambiant!
Échelonnés parallèlement à la plèbe en attente sagement alignée et
entassée, cinq écrans géants, aussi « muets » qu'autant de carpes,
décorent la partie supérieure du quai d'en face. On y passe en boucle
des images de la veille, repiquées de RDI et agrémentées de sous-titres
des plus laconiques, le tout entrecoupé d'incontournables pubs.
Oui! des
pubs! car, il ne faut pas se le cacher, les seuls vrais
responsables de tout ce « réaménagement de sous-sol en cinéma métro »,
ce sont les vendeurs du temple, cuvée du XXIe siècle, qui,
tous les moyens étant hélas jugés bons quand il s'agit précisément de
« vendre », n'allaient certes reculer devant aucune bassesse pour élever
leur visibilité jusque sous terre. Eh bien! voilà, c'est fait! Grâce à,
ou plutôt à cause de Métrovision, ces chers messieurs ont
désormais « pignon sur rail »…
Décidément, y'a vraiment rien de trop beau pour la classe ouvrière,
puisque, en prime, on nous sert l'heure et la température, sans oublier
le nombre de minutes à patienter avant l'arrivée du prochain train!
Heureux mortel que l'homo subterraneus bien « informé »…
Un p'tit chausson aux pommes virtuel avec ça?
Alors, ça y est! Comme dans
la vraie vie d'en haut, comme « à la surface », quoi, la pollution
visuelle « version électronique » est finalement venue rejoindre
sa salope de grande sœur, la « version papier », plus classique
et, à la vérité, fort ancienne, qui continue de laisser traîner çà et là
des détritus divers (et d'été) : boîtes et verres en carton, bouteilles
de plastique et, surtout, journaux gratuits qui finissent trop souvent
par terre en dépit des bacs de « récup » verticaux installés depuis peu.
De trop, la p'tite nouvelle? Je vous en passe un papier, voire mille!
Vraiment pas la peine de baisser
l'éclairage!
Nous
enlever de la lumière pour ça? Vraiment, ça ne valait pas la peine!
Personnellement, je peux dire que cette télé infirme, je n'en ai rien à
cirer – comme ne manquerait d'ailleurs pas de s'exclamer tout
shoeshine boy prié d'astiquer une paire de souliers de
course en toile… En d'autres termes, per se (comme
ne pourrait s'empêcher de « latiniser » m'sieu Landry… au lieu de dire
tout simplement : en soi), cet autre divertissement gratos
ne me « dérange » pas le moins du monde, ni en bien ni en mal; s'il me
défrise tant, c'est uniquement par la réduction du nombre de
candelas
que, pour être bien « vu », il nécessite dans le voisinage des écrans
et, bien sûr, des projecteurs installés, eux, au-dessus de la tête des
voyageurs… devenus spectateurs captifs parce que « prisonniers de
l'attente ».
Vivre et
laisser vivre, je veux bien, mais comment ne point trouver un peu fort
de café de devoir me retrouver, « tous les jours que le métro m'amène »,
dans une salle de mauvais cinéma, étrangement étroite, et dont les
places assises se comptent sur les doigts d'au plus trois ou quatre
paires de mains?!
C'est à
pleurer, d'autant que les amateurs de lecture ont désormais tendance à
délaisser leur roman ou leur journal, histoire de ne pas s'arracher les
yeux sur les caractères d'imprimerie en attendant de se laisser avaler
par la grosse chenille bleue à rayure blanche… dont les
entrailles, elles, sont heureusement bien éclairées, mais pour combien
de temps encore?