Lettre ouverte à René Homier-Roy, morning man le plus écouté, selon les derniers sondages BBM. « Écouté », oui, mais non encore « vu », ce qui, hélas, ne saurait tarder s'il ne tenait qu'à certains bonzes radiocanadiens.

Une « rédio » en images? Non merci! 

        Mon cher René, si je me permets de jouer les « m'as-tu-écouté » auprès de vous, c'est dans l'espoir de vous empêcher de consentir à faire votre « m'as-tu-vu »… à la radio!?! 

        La crème glacée, c'est vraiment délicieux, on en convient tous. Idem pour les gros cornichons d'Annette (certains, allez savoir pourquoi, disent plutôt à l'aneth). Mais les deux ensemble… ouache! beurk! et pouah! T'sais veux dire? Or, vous qui « goûtez » sur une base quasi continuelle à la radio et à la télé, vous qui nous en payez une bonne tranche sur la Première Chaîne et à ARTV, ne vous doutez-vous point une minute que deux bonnes choses, une fois amalgamées, ça ne donne pas forcément du meilleur? 

        « Écoutez pour voir!» qu'on nous dit. Eh bien! justement, il me suffit d'écouter pour voir. M'entendez-vous? La radio télévisée, ce n'est déjà plus de la radio, de la vraie radio je veux dire, ni tout à fait de la télé digne de ce vocable. Un hybride, une sorte d'entre-deux, voilà ce qu'on voudrait nous servir au moment où nous sommes le plus en appétit – une radio animée se doublant d'une télé statique. Très peu pour moi, sans façon! Je ne regarderai pas cette radio-là, ni n'écouterai cette télé nouveau (?) genre…  

        Non, pas question pour moi de laisser la chance au coureur… qu'on viendrait d'obliger à enfiler une paire de palmes! Chacun ses ondes, les « performances » seront sauvegardées, pourrait-on dire. Car il faut bien s'en rendre compte : une radio qui se fait voir à la télé, c'est une radio qu'on adapte à la télé. La présence en studio de caméras – fussent-elles ultralégères et mobiles à souhait –, ça va se sentir à la radio, croyez-moi, et surtout, ça va s'entendre!  

        Ma plus grande crainte dans tout ça? Y'a pas d'pub à la radio-Canada; y'en a en masse à la télé-Canada. Alors, y va se passer quoi, vous croyez? Poser la question, n'est-ce point y avoir déjà répondu? 

        Tenez, je « vois » ça d'ici, mon cher René : l'Insatiable (lire : la publicité) qui pousse sournoisement un premier tentacule par la porte ainsi entrouverte par vos boss. Ce qui commencera en douceur par une p'tite gigue ou danse à claquette tout innocente dégénérera bien vite en sarabande style party Molson Ex Light – de quoi nous « meubler », en douleur autant qu'en couleur, quelque quinze minutes de chaque heure! Ça vous décrisse une intimité radio, ça! 

        Je ne voudrais surtout pas avoir à vous conjuguer à l'imparfait (« C'était bien meilleur le matin »), vous et votre bande qui, dans le cadre actuel – strictement audio, s'entend – êtes presque… parfaits… « comme le gros Giguère », ne manquerait pas d’ajouter in petto votre compagnon de micro Marc Laurendeau, Cynique autoréformé mais toujours opérationnel, ô combien! Or, n'importe quel bijoutier vous le confirmera : un diamant parfait, on ne touche pas à ça, le moindre « gossage » supplémentaire risquant de le gâcher irréversiblement.

Soyez-en assuré, mon cher René, il en va des émissions de radio à hautes cotes d'écoute comme des bonnes idées ou des pierres précieuses : un rien suffit à les pervertir!

À bon « entendeur », salut!