« Pas cette fois-ci, maman… »
Qu’un adulte vacciné roulant allègrement dans la cinquantaine
avancée s’adresse par la voie des journaux à celle qui l’a mis au monde
(monde qu’elle-même a hélas quitté il y a de cela bien longtemps déjà),
qu’il ose l’appeler « maman » devant toute la galerie, cela peut sembler
sinon franchement cucul, du moins étrange, voire un brin déplacé, non?
Quoi qu’il en soit, j’espère que ma très chère – et encore plus
regrettée – mère ne m’en voudra pas de la joindre outre-tombe ailleurs
que dans mes pensées les plus tendres.
Vacciné, j’ai dit, mais
pas consentant une saprée miette! « Non maman, je n’irai pas… pas cette
fois en tout cas! » De quoi l’on parle, là? D’aller voter, pardi! ou
plutôt de s’abstenir de le faire…
Par les temps qui
« croulent », et d’un Atlantique à l’autre comme dirait ce dernier
(l’autre), nous, Canadiens et Canadiennes, macérons tous et toutes
ensemble dans l’immonde marmite aux idées creuses où nous ont plongés et
plongées quatre « électorophages » (bouffeurs d'électeurs et trices)
échappés d’autant de centres de crise manifestement mal aérés. Or,
voyez-vous, de cuire à mon corps défendant dans ce jus amer et infect
m’a un peu desséché la motivation et assombri l’humeur. Heureusement, ce
vilain bouton à quatre têtes que j’ai dans la face depuis avant Noël va
enfin aboutir lundi prochain : c’est la seule promesse garantie à cent
pour cent!
« Tout ça pour te dire,
maman, que lundi j’irai pas faire la queue dans un gymnase d’école pour
tracer mon X majuscule! Je sais, je sais, mon devoir de citoyen, auquel,
sois en sûre, je n’ai JAMAIS failli jusqu’ici dans mon existence
d'adulte fort (?) de son droit de vote. Tu m’as tenu tellement de
discours convaincus et convaincants sur le caractère sacré de ce “geste
d’isoloir” que je n’ai même jamais été seulement tenté de rester à la
maison un frisquet dimanche d’élections municipales! Ta foi dans la
chose était à ce point contagieuse – sachant le demeurer par-delà ta
mort – que même les arguments solides d’un Pierre Foglia, non-votant
affirmé dont je respecte au plus haut point l’intelligence (peut-être
parce qu’en dépit de sa “brillance d’esprit” il s’autoproclame
“non-intello” : ta race de monde, quoi!), que même Foglia, donc, n’est
jamais parvenu à m’infléchir dans le sens de l’abstention… du moins
jusqu’à ce jour. Car, cette fois, désolé maman, chus pas capab’,
vraiment! »
Comme le prétend
l’expression populaire reprise urbi et orbi, une image vaudrait
mille mots. Comment expliquer alors que celle, « drable » à souhait,
dont nous ont sursaturés nos quatre lascars sans couleur autre que celle
de leur bannière respective, sans véritable projet de société à
proposer, sans discours autre que celui de perroquets dépourvus d’âme et
n’entendant rien à la culture ni à la jeunesse, ouais! comment se
fait-il que cette image-là ne vaille même pas un foutu X à mes yeux?
Poser la question, c’est y avoir déjà répondu…
Voter pour le moins
« pire »? Exercer un choix « stratégique »? Non merci, très peu pour
moi : je préfère passer mon tour… « T’en fais pas, j’irai la prochaine
fois, maman, juré! À moins que… »