lundi 10 décembre 2007
Sur mon rang
Le silence
Les nuits sont profondes sur ce rang de campagnes
Bruine, absence, fumée qui s’élève, champ tranquille
Il existe peu de mots pour décrire cette solitude qui m’accompagne
La voix
Cette scène n’est pas aussi claire qu’on voudrait le croire
Les îlots dansent devant moi. Hallucinant. On dirait bien que je perds
le contrôle de moi-même ce soir. De l’humain. Celui qui doit tout
prévoir, chaque jour, pour devenir ce qu’on lui suggère, ce qu’on veut
lui faire croire. L’absurdité qu’il enregistre. Comme la console qui
imprègne la voix, il ne croit toujours pas qu’il n’a pas sa place.
Mais sous cette noirceur lugubre. Il entend le son. La percée. De
lumière ou de désespoir. Il ressent sur ce rang cette rivière qui coule
comme le sang. Il ouvre le toit. Le même silence, les mêmes idées
préconçues. Il veut entrer, se laisser bercer. Poing en l’air, cœur en
hiver. Froid, il revient d’entre les perdants pour vous envoyer paître.
Quel homme, se dit-il.
Même s’il est en solo sur ce foutu rang, il continue à marcher. Se
voyant au ralenti, comme cet acteur du dernier méga succès au
box-office. Lui, personne ne le connaît, il est sans nom, comme la
marque. Il revient du fond de l’oubli. Il y repense.
Pourquoi es-tu revenu, que tu y as cru? Je ne sais pas. J’avais encore
du change, je crois. Je ne pouvais pas rester sans lueur. Ils ne
m’oublieront pas. Qui? Ceux que tu voulais impressionner? Ceux à qui tu
veux ressembler? Peut-être. On s’en fout. Il me restait du cœur à
l’ouvrage, un coup à donner, des rêves à briser. Vous n’avez qu’à vous
tasser vers la gauche. Le rang brumeux ce soir est vaste. Laissez-moi
doubler je cours vers ma place. Celle que j’ai abandonnée.
Une fois rendu en haut du rang, il rejoint ses deux mains. Il repense à
cette saloperie de passé. Celui qui le poursuit, le rattrape.
L’enfant-années-80-divorcé qu’il a été. Le fils de l’autre, sans frère.
L’enfant unique, le roi de rien. Toujours avec ses mains, il essuie ses
poings. Repense-y. Tu le caches. Le p’tit baveux, il est où? Le fuck the
world en puissance? Pas loin, près du cœur, plus calme. Caché derrière
les bonnes manières. Ce jeune qu’il était? D’un signe du doigt dans un
trou sans fond. Un drôle de rôle que nous jouons. Plus civilisés, les
chandails-tête-de-mort sont dans le rétroviseur. Il reste quelque chose
de tout ça. Les entrées dans le lit froid, les mauvaises soirées. Les
yeux bouffis par l’excès, les jointures délabrées par la colère. Le
petit tought. Même rage, même doute, autre costume. Dans la vitre,
vois-tu le bal de ta nouvelle vie? Ton ambition, ta certitude de merde.
Que tu pourras toujours les battre, les confronter. Qu’ils sont trop
aveugles pour voir ce que tu vois et penser ce que tu crois savoir. Même
gars, différent pas de marche.
La vapeur s’élève de l’asphalte et de la terre. Solo de guitare dans sa
tête. Métalica, bien sûr. Reviens chez toi, tu n’es plus à la mode. Rien
à foutre, enfin je crois. Les deux poings resserrés, il se battra.
Battra les barjos, les 450, ceux qui lui diront qu’il ne peut pas, qu’il
vaut moins. Il a toujours fait ça ce connard. Dis-lui qu’il ne peut pas
et il te crachera au visage. Un pugiliste dans l’âme. Tout jeune, avec
son père dans ce ring, il savait que rien ne pouvait lui assimiler
l’esprit. Sauf s’il le souhaite. Devenu plus fort, avec quelques KO, il
est toujours debout. Avec les mêmes bottines, des gants semblables, il
est prêt. Viens-t-en ma biche! Avance au centre de l’arène et montre-moi
ce que j’ai dans le ventre. Rien d’autre, il est comme ça cet ancien
fêtard.
Voilà, il est sorti du rang. Les lumières de la ville lui montrent le
chemin. Un soupir, les mains rangées dans les poches. Sourire en coin.
Personne ne sait qui je suis vraiment, derrière le rôle du quotidien. La
chemise à l’avant, les gants à l’arrière. Il entre dans ce vieux
dépanneur. Celui qui l’a vu sous toutes ses facettes. Bonjour Monsieur,
vous désirez? Oui, je voudrais revoir ma vie s’il vous plaît. Ah oui,
justement, nous avons un deux pour un cette semaine. Merci, je vais en
prendre seulement une.
le.passant@hotmail.com |
|
«« Poésie avec
»
|
|
|