lundi 12 novembre 2007
Dérangements déraisonnables
– Invitation à découvrir
pourquoi la simple vue du côté pile d’une pièce de cinq cents me file de
l’urticaire
À
l’heure où l’on semble n’en avoir que pour les accommodements
raisonnables, souffrez que je vous entretienne un court instant de
dérangements déraisonnables, plus précisément de ces petits irritants
qui, à force de passer en boucle dans notre quotidien, provoquent de
véritables réactions allergiques chez nombre de sujets « surexposés »,
dont moi, tiens donc!
Ce dont
je m’apprête à vous causer ici, c’est la quasi-douleur qu’en viennent à
nous infliger certaines pubs récurrentes mettant en vedette des
personnages qui, tout virtuels qu’ils se veulent, n’en sont pas
moins réellement casse-pieds…
Pour
bien comprendre ce qui va suivre, pensez au classique, mais ô combien
efficace supplice chinois; vous savez, la goutte d’eau qui tend à
s’alourdir avec l’usage, finissant par devenir marteau sur front
transformé en enclume! S’il vous faut un exemple plus près de nous,
prenez le robinet qui fuit, à deux heures du mat’. Ça vous donne une
goutte moins assassine, certes, mais énervante au cube : le « plic-plic-qui-rend-fou ».
Qui n’a pas subi ça une veille d’examen de mathématiques peut se désoler
d’être passé à côté de belles émotions fortes…
Eh bien,
ce qui, à moi et à bien d’autres, nous fait l’effet de gouttes
tambourinant sur fond d’évier, ce sont les pas très subtils Jules et
Bertrand, imbuvables castors qui, un jour, fonçant bille en tête avec
leurs grosses « palettes » bien affûtées, ont débarqué dans notre
univers médiatique – le télévisuel, surtout. On n’était pas sortis du
bois! Depuis lors, ces fichus rongeurs… de freins dépourvus… sévissent
urbi et orbi, sans démordre, multipliant les prestations aussi
agressantes que tonitruantes! C’est pas compliqué : leur baratin
commercial débité à vitesse grand V nous passe six pieds par-dessus la
tête! D’une part, que d’énergie, que d’argent gaspillés en pure perte!
Et, d’autre part, que de patience mise à rude épreuve!
Ce n’est
pas tout, hélas! Mon mini-supplice se poursuit grâce à deux « plogues »
hydroquébécoises qui se passent de présentations. Ces prises de courant,
bavardes impénitentes à grande visibilité, déversent en effet leur
« jus » dans nos oreilles depuis des années. Mais, voilà, le courant ne
passe plus, si tant est que le contact ait jamais été établi! Nous avons
lâché… prise; on s’en… fiche, quoi! Pourtant, ces fameuses « plogues »
parlantes, elles sont encore et toujours là, fidèles à tous les
« postes », à nous agacer le paratonnerre, à nous mettre sous haute
tension devant le petit écran. Coupez!!! Ça urge! En passant, vous ne
trouvez pas un brin étrange que des publicitaires que l’on suppose
« branchés » – donc, en principe, « allumés » – aient jugé pertinent de
gratifier leurs prises électriques, parties dites femelles, d’organes
vocaux mâles?
Désolé
d’avoir à doucher l’enthousiasme des gens haut placés de Bell et d’Hydro
qui ont cru – ou veulent encore croire – à l’efficacité de ces pubs.
Sachez-le : les laïus « vendeurs » qui flirtent avec mes nerfs ont
tendance à perler sur ma réceptivité comme l’eau sur le dos d’un
« vrai » castor. Ouais! heureux mortel que je suis, j’arrive à entendre
sans écouter. Même plus besoin de « zapper », ce qui ne servirait
d’ailleurs à rien contre « nos » ubiquitaires rongeurs, lesquels
réussissent à déballer leurs incisives inepties sur trois grandes
chaînes à la fois! Je me contente donc de faire le vide trente secondes,
en suivant le décompte affiché à l’écran. Merci pour la pause, même si
ce n’était vraiment pas nécessaire!
Des
castors qui n’ont pas que la queue de plate, des « plogues » qui donnent
envie de se débrancher illico. Pas très reluisant, tout ça, non?
Comme dirait l’autre, ça la fout mal. Et pourtant, c’est au menu tous
les soirs!
Jamais
de punch dans ces pubs trop énervantes, trop « sonores » pour
être soporifiques. Pas la moindre touche d’humour fin ou subtil non
plus; aucune des trop nombreuses pubs « castoriennes » et « ploguières »
diffusées ad nauseam n’a réussi à faire naître l’ombre d’un
sourire sur mon visage. Que diable a-t-on pu faire ingérer aux membres
des focus groups pour qu’ils trouvent « ça » génial? Sûrement pas
de l’huile de « castor » (ricin)!
Ils
auront beau me travailler au corps soir après soir, avant le Téléjournal,
les « rongeux » Antipatico sont condamnés à se casser les dents
sur la balustre bétonnée de ma froide indifférence. Quant aux
« plogues », je l’ai dit plus haut, ça fait longtemps qu’elles m’ont
fait sauter les plombs, et, en ce qui les concerne, ma réserve de
fusibles est épuisée ad vitam æternam…
Réalisez
un petit sondage auprès de vos collègues, parents et amis, « juste pour
voir ». Vous serez étonnés de constater le large éventail de sentiments
délétères que peuvent générer à leur endroit ces « inoffensifs »
personnages virtuels sur lesquels je viens de m’épancher!
Convergence onirique, genre
Je me
prends à rêver éveillé de « convergence publicitaire ». Mordez un peu ce
topo : deux Bell bêtes hyperactives en train de gruger de concert
un poteau d’Hydro dégustent en plein dans les gencives une maxi-décharge
– oh! rien de mortel – qui leur grille irrémédiablement les cordes
vocales. En prime, comme ce malheureux (?) incident a provoqué une
interruption de courant, un tristement célèbre duo de « plogues »
logorrhéiques en a, ipso facto, le sifflet coupé net frette sec,
ENFIN!!! Eh oui! pour nos gueulards plus honnis que chéris, je rêve
d’électrocution, rien de moins! Fameux coup double ce serait : castors
aphones et « plogues » réduites au silence! Personnellement, tout ce que
je risque à rêver ainsi en couleurs, c’est un « choc » non pas trau-,
mais chromatique.
Pourtant, au rythme où ils apparaissent au petit écran, dans nos
journaux et ailleurs, il me semble que Jules et Bertrand se sont déjà
« brûlés » eux-mêmes. Pourquoi alors persévérer, s’accrocher? Dans votre
cas, chers castors, le stade de la simple odeur de roussi a été franchi
il y a longtemps : c’est le carbonisé que ça sent, jusque dans mon
salon! Et vous persistez, envers et malgré tout!
Virtuel
rimerait-il à ce point avec éternel? Vite, toucher du… bois! Dire que
l’excellent Benoît Brière craignait justement de se brûler avec ses pubs
qui, elles, avaient l’heur d’être à la fois drôles et intelligentes! À
quand « son » retour (à Monsieur B)… ou « leur » remplacement (à Bert et
Julot)?
Nous ne
pouvons certes point nous attendre à ce que les médias mordent la queue
du castor qui les nourrit aussi richement, hélas! Ils n’ont pas toujours
les moyens de déplorer tout haut ce qu’ils pensent peut-être tout bas!
Jean-Paul Lanouette