French Canadians ride again : Bienvenue
dans les Fifties !
De la béatitude à la mode Solidaire
Objet : Réplique à la non-réplique de Mme Françoise David (Québec Solidaire)
au Rapport Bouchard-Taylor
Me considérant homme de gauche - nonobstant la vétusté de dénominations pareilles -
j'éprouve d'emblée un « préjugé favorable » à l'égard de Québec Solidaire. D'autant
plus que le Parti Québécois (au plus grand plaisir de tous les Alain Dubuc et les
André Pratte de ce monde, pour qui l'Indépendance du pays de Gilles Vigneault et de Félix
Leclerc constitue une hérésie incompatible avec notre nature congénitale d'éternels
colonisés soumis comme par définition à l'« extériorité »)
a remisé au placard
l'essence même de sa signification à titre de parti politique voué
en principe à la libération
de la nation québécoise
(libération pleine, entière, définitive) du joug de son sempiternel
statut de minoritaire et de « subalternisé » en ce Canada anglais chroniquement obtus (et
tartuffe également, les veilles de référendums en particulier) face à l'autre peuple
fondateur de ce pays. Pays d'ailleurs chancelant, bancal même, depuis son tout premier
instant d'existence.
Qui remonte à 1867. Et non point 1608. N'en déplaise à la digne représentante du
colonialisme anglo-saxon dans notre propre maison - descendante
d'esclave (à l'instar de Cassius Clay, par exemple) ravie, de toute évidence, de jouer
maintenant l'esclavagiste des temps modernes. À retourner sans cesse sa veste, comme le
chantait Jacques Dutronc naguère, on finit par retourner son pantalon. Eût-il parfois des
allures de jupon.
Or je fus consterné, madame David, par la courte vue dont vous avez fait preuve dans votre «
analyse » - extrêmement rapide d'ailleurs, ceci expliquant peut-être cela - de ce dit
Rapport Bouchard-Taylor. C'est que, précisément, vous n'aviez rien à redire. Ou si peu. Ou
sinon, pour la forme. Bref : rien à dire. Bien que vous ayez dessiné une anfractuosité
médiatique (« Dessine-moi un mouton » ?) pour le dire tout de même. Ce rien-là.
Étonnant, voire édifiant - admettons-le entre quatre yeux, citoyenne - pour une cheffe de
parti politique qui s'engage de longue date à brasser la cage de ce troupeau de belles bêtes
à laine qui se donnent du John James Charest comme berger de la nation.
Pour ma part, et entre autres objets de récrimination : la banalisation de la souche
française qui
suinte de partout dans cette « étude » (« souche » largement
majoritaire au sein de la nation québécoise, est-il vraiment nécessaire de le préciser)
- banalisation qui du reste confine à la réduction de celle-ci à un
« groupe ethnique » parmi d'autres, et laquelle pose théorique s'ouvre comme par 'déduction
sociologique' sur le retour de la dénomination tout à la fois surannée, surréaliste,
ethnicisante, et pour tout dire imbuvable, de « Canadiens-Français » - m'apparaît constituer
une véritable injure, voire un désaveu aveugle et sans nuances, dans son tissu collectif
propre, de l'extraordinaire mesure que le peuple québécois (du Rapport Parent à La Grande,
du plébiscite hydro-québécois de 1962 à la Charte de la Langue française) a pris de lui-même
à la faveur du dernier demi-siècle.
Or en absence d'une authentique culture de convergence (langue nationale et valeurs
fondamentales en partage, et que Alain-G. Gagnon nomme tout justement « un pôle identitaire
principal ») - et laquelle en l'occurrence sinon celle de la majorité au sein de l'État
concerné ? - c'est à plus ou moins brève échéance, ou la guerre de tous contre tous, ou
l'assujettissement plus ou moins volontaire du plus grand nombre à la communauté la plus
violente dudit État.
Aussi en son coeur même - et nonobstant quelques éléments auxiliaires dont on ne saurait
disputer ni l'ouverture d'esprit, ni la pertinence : qui lèvera le nez, en effet, sur un
joli bonbon précieusement enrubanné (manifestement Mme David adore les sucreries) ? -
l'essentiel des recommandations de MM. Gérard Bouchard et Charles Taylor ne tient pas la
route eu égard à la réalité propre, infrangible et irréfragable de l'État du Québec comme
ultime incarnation, en Amérique, d'un peuple français spécifique qui s'est défini
clairement, avec énergie - et « pour les siècles des siècles » : Ave Crucifix ! [à
prononcer à la manière de : Idéfix !] - comme « Québécois ».
Non contents d'une nation généreuse, « solidaire », hospitalière, sincèrement curieuse de la
Différence et empressée de s'en nourrir avec intelligence, et ce en dépit de son statut
extrêmement fragile in Canada, in North America too, nos commissaires (vocable qui
pour l'occasion n'est pas sans rappeler
à mes oreilles, mutatis
mutandis, sa consonance soviétique d'une autre époque) réclament des Québécois
(d'ascendance « canadienne française » !) qu'ils se montrent plus ouverts encore.
Dommage que ceux-ci n'aient toujours point saisi que nous dansons d'ores et déjà - tous, et
depuis longtemps même - sur cette corde raide où « s'ouvrir les veines » et « s'ouvrir à
l'Autre », insensiblement,
sont devenus
des actes quasi synonymiques.
Et c'est ainsi, donc, que sur le rocher de Tarpe de l'Histoire nos éclairés clercs réclament
que nous fassions un pas de plus.
Jean-Luc Gouin,
Depuis la Tunisie, ce 9 juin 2008
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• Sur ces
questions - de Lisée à Gagnon, Cantin ou Facal, de Beauchemin à Bock-Coté, Bédard et Leroux
-
quelques articles complémentaires
tout à la fois récents et pertinents
:
http://www.ledevoir.com/2008/06/05/192717.html ,
http://www.vigile.net/Un-eminent-sociologue-critique-le ,
http://www.vigile.net/Les-malades-imaginaires ,
http://www.vigile.net/La-question-identitaire-est-mal ,
http://www.ledevoir.com/2008/06/07/193051.html ,
http://www.ledevoir.com/2008/06/05/192708.html ,
http://www.vigile.net/Marcuse-inspirateur-de-la ,
http://www.vigile.net/Les-bien-pensants ,
http://www.vigile.net/Un-texte-tres-inquietant ,
http://www.ledevoir.com/2008/06/09/193201.html ,
http://www.vigile.net/Une-fausse-couche ,
http://www.vigile.net/Canadien-francais-Bouchard-Taylor (liste nullement
exhaustive, il va sans dire)
Jean-Luc Gouin |
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