samedi 13 novembre 2010
Qui a peur de
la Commission d’enquête sur la
construction?
J’ai assisté à la
dernière assemblée publique de
la MRC Pierre-De Saurel qui
s’est déroulée rondement sous la
houlette du nouveau préfet,
Gilles Salvas. À la fin,
au point affaires nouvelles,
choqué comme beaucoup de ses
concitoyens par les allégations
de corruption qui continuent de
tomber sur l’industrie de la
construction, éclaboussant au
passage la classe politique,
Denis Marion a demandé que la
MRC réitère sa demande, adressée
précédemment au gouvernement du
Québec, pour qu’une commission
d’enquête publique soit tenue.
Certains se sont prononcés en
faveur; d’autres contre,
alléguant, à l’instar du
gouvernement Charest, qu’il
fallait laisser la police et son
opération Marteau faire son
travail. La proposition,
secondée par le maire Claude
Pothier, a finalement été
adoptée à l’unanimité, en
l’absence d’une demande de vote.
Affaire réglée? Pas tout-à-fait.
Pendant l’intervention de M.
Marion et les échanges qui ont
suivi, une voix derrière moi a
soufflé : « Nous, on n’est pas à
la solde de Sylvain Simard.»
Ah!? Qui ça nous? Et pourquoi
déduire que, quiconque réclame
une commission d’enquête, est «
à la solde » de Sylvain Simard
et du Parti québécois?
C’est vrai, je suis péquiste.
J’en suis fière et j’appuie
entièrement la ténacité
exemplaire du Parti québécois
dans cette affaire. Mais
j’aimerais rappeler à ce
souffleur, à ceux autour de lui
qui ont opiné du bonnet, de même
qu’à tous ceux et celles qui se
retranchent derrière l’opération
Marteau pour justifier
l’inutilité d’une commission
d’enquête que, si le Parti
québécois exige sa tenue avec
force et ténacité, c’est au nom
et des Québécoises des Québécois
qui la réclament. Et ils sont
nombreux.
Selon le dernier sondage Léger
Marketing – Le Devoir, en
septembre dernier, pas moins de
78 % des Québécois ont dit
souhaiter la tenue d'une telle
enquête sur la collusion et la
corruption dans le milieu de la
construction. 78 % ! Tous
des péquistes ? Alors, vivement
les élections !
Même si je suis convaincue que
les péquistes forment
effectivement une large part de
cette majorité, il faut
reconnaître que nous sommes
accompagnés par quelques autres
voix. Notamment par celles de la
grande majorité, sinon la
totalité des journalistes de
toute allégeance. André Pratte,
de La Presse – qu’on peut
difficilement taxer de péquiste
– écrivait dans son éditorial du
12 novembre dernier : «Pourtant,
si la réputation des
institutions publiques est
entachée aujourd'hui, c'est en
raison de l'attentisme du
premier ministre lui-même, de
son refus entêté de mettre sur
pied une commission d'enquête
sur la corruption dans
l'industrie de la
construction.(…) en s'en tenant
aux seules enquêtes de police,
le gouvernement Charest empêche
que soit exposée la totalité du
système de perversion de
l'économie légale mis en place
par la mafia. »
Le voilà le véritable enjeu. Pas
que l’opération Marteau soit mal
menée. Pas qu’elle soit inutile.
Mais elle ne peut exposer et
démonter les tenants et
aboutissants d’un système
complexe et habilement monté. Ça
c’est le rôle d’une commission
d’enquête. Comme la CECO
(Commission d’Enquête sur le
crime organisé) et la Commission
Cliche sur l’industrie de la
construction l’ont fait au
milieu des années 1970 : leurs
efforts combinés ont permis un
nettoyage en profondeur de
l’industrie de la construction
et une destruction magistrale
des liens qui l’unissait au
crime organisé et atteignait,
dans certains cas, le milieu
politique.
Ça fait 35 ans. Après quelques
années de grâce, le système a
été remis sur pied, a grandi
tranquillement à l’abri des
regards pour finir par avoir,
depuis quelques années,
tellement de ramifications
partout dans la société que le
voile s’est fissuré. Des
journalise consciencieux, dont
ceux de l’émission Enquête, ont
vu la fissure et travaillent
depuis, avec compétence et
acharnement, à révéler des pans
de cette collusion malsaine,
attendant que le gouvernement
déclenche enfin une commission
d’enquête, seule capable de
démanteler le système.
Voilà pourquoi tout le Québec la
réclame, à l’exception du
gouvernement Charest et de la
FTQ – et là encore, le Syndicat
de la fonction publique
canadienne affiliée à la FTQ,
vient aussi de joindre sa voix
au tollé général. Commission
d’enquête ou élection? Dans un
cas comme dans l’autre, nous
sommes prêts!
Suzanne Lalande
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