L’article sur La Baie
Lavallière paru dans le
Sorel-Tracy Express m’a
interpellé au plus haut point.
L’intérêt que je porte à ce
magnifique marais aménagé ne
date pas d’hier. La première
fois que j’ai mis les pieds dans
La Baie, j’avais à peine 8 ans.
Technicien forestier de
formation, ma passion pour la
nature et mes nombreuses
expériences m’ont transformé en
technicien de la faune. J’ai eu
la chance de participer à la
presque totalité des études qui
ont été réalisées sur cet
écosystème si fragile. Depuis
1989, je me suis impliqué pour
la mise en valeur de ce milieu
exceptionnel, entre autres, en
faisant partie des membres
fondateurs de la Société
d’aménagement de La Baie
Lavallière dont je suis
maintenant directeur général. Je
tiens à préciser que j’écris cet
article à titre personnel.
Au fil des années, la baie
Lavallière a changé, à tel
point, qu’il y a 15 ans, un cri
d’alarme a été lancée auprès du
gouvernement provincial,
propriétaire de La Baie
Lavallière. Le marais présentait
des signes de déséquilibre :
changement dans la végétation,
perte du milieu ouvert et
sédimentation ou envasement
prononcé des cours d‘eau. C’est
alors que fut mise sur pied une
équipe de chercheurs pour
identifier la source du
problème.
Les données recueillies sur
la qualité de l’eau, sur la
quantité de sédiments
transportés, sur l’état santé de
la faune ichtynienne (les
communautés des poissons), sur
l’état santé de la forêt
entourant La Baie et la revue du
paysage agricole des années 70 à
nos jours ont permis de dresser
un diagnostic sur la santé de La
Baie Lavallière.
L’étude a révélé que la
sédimentation est causée en
majeure partie par un changement
du type de culture pratiquée. Le
passage du mode fourragé
(culture du foin ou pâturage) à
la grande culture du maïs et du
soya a eu comme résultat que
maintenant quand une goutte
d’eau tombe dans les champs, au
lieu de prendre plusieurs jours
avant d’arriver dans la rivière
Yamaska, elle prend moins d’une
journée.
Ce phénomène qui a pour
conséquence un niveau d’eau très
élevé après la moindre petite
pluie, soit de 5 à 10
millimètres. Les terres
agricoles les plus affectées
sont les terres les plus basses.
Elles sont situées à la fin du
bassin versant du système
hydrique de La Baie Lavallière.
Comme cela n’était pas
suffisant, le climat est en
changement. Les pluies
diluviennes du sud nous
atteignant chaque été et/ou
chaque automne donnent une trop
grande quantité d’eau à gérer
par les tributaires de La Baie,
causants des inondations et
débordement catastrophique pour
les écosystèmes forestiers
bordant La Baie Lavallière.
De plus, la rivière Yamaska
déjà saturée de sédiments, joue
mal son rôle d’évacuateur d’eau
vers le fleuve ce qui cause des
débordements dans La Baie
Saint-François, qui elle aussi,
est en train de s’envaser.
En 2007, les conclusions de
cette étude ont été présentées
au bureau de l’Union des
producteurs agricoles (UPA),
afin de trouver des solutions
pour palier à ce phénomène. Un
comité a été formé regroupant
les principaux intervenants de
La Baie lavallières soit : la
Société d’aménagement de La Baie
Lavallière, le Ministère des
Ressources naturelles et de la
Faune du Québec, Canards
illimités Canada, OBV (organisme
de bassin versant) de la Yamaska,
Club agroenvironnemental La
Vallière, MRC de Pierre-de-Saurel,
Ministère du Développement
durable, de l’environnement et
des parcs du Québec, etc.
Des pistes de solutions ont
été identifiées et une ressource
a été engagée par le
groupe-conseil en agriculture,
le Club agroenvironnemental La
Vallière, pour effectuer des
diagnostics ferme par ferme,
pour résoudre les problèmes
d’érosion et la perte de terre
arable (re-profilage et la
végétalisation des berges,
création de bassin de
récupération des sédiments, etc).
Ce programme étant sur une base
volontaire, seulement quelques
fermes du bassin versant s’en
sont prévalues et ont été
visitées; les résultats ne sont
pas encore connus.
Les récentes menaces de
poursuites judiciaires de la
part de l’Union des producteurs
agricoles (UPA) aux organismes
environnementaux, au
gouvernement du Québec et à la
MRC Pierre-de-Saurel, me font
craindre pour la survie de La
Baie Lavallière.
Mon opinion et mes constats
personnels sur toute cette
affaire, sont que le bassin
versant de La Baie Lavallière
est très malade. Si dans les
prochaines années, rien n’est
mis en œuvre concrètement sur le
terrain, nos belles érablières
sont vouées à disparaître et la
situation pour les agriculteurs
ne s’améliorera pas. La baie va
changer ; d’autres espèces vont
prendre la place de celles qui
sont vouées à disparaître. Petit
à petit, elle va étouffer.
En terminant, je dois
souligner que durant une grande
partie de l’été le barrage de La
Baie Lavallière a été ouvert
asséchant le marais au complet.
Les niveaux d’eau enregistrés
dans La Baie durant cette
période ont été nettement plus
bas que ceux enregistrés dans
les terres agricoles situées en
amont. Ce qui révèle que la
majorité des tributaires ne
jouent pas leur rôle
d’évacuateur d’eau et qu’ils
sont obstrués par les sédiments.
Avant d’ouvrir ces derniers,
je crois qu’il serait important
de mettre en œuvre un programme
d’étude hydrique du bassin
versant de La Baie Lavallière,
d’identifier et d’intervenir sur
les terres qui produisent le
plus de sédiments. Des solutions
à ce problème existent et leur
mise en œuvre permettrait
d’éviter que le creusage des
cours d’eau doive être
recommencé presque à chaque
année.