lundi 17 décembre 2012
Guide de
lecture du dernier sondage CROP
par Robert
Barberis-Gervais
Je m’adresse ici
à de jeunes lecteurs
inexpérimentés. Je ne prétends
pas faire une analyse exhaustive
ou « scientifique » du dernier
sondage CROP mais seulement
quelques remarques qui me
semblent pertinentes.
Un sondage, ce sont d’abord des
chiffres n’est-ce pas ?
L’enquête de la maison CROP a
été réalisée du 5 au 10 décembre
auprès de 1000 internautes. La
note méthodologique nous dit que
« les résultats ont été pondérés
afin de refléter la distribution
de la population adulte du
Québec selon le sexe, l’âge, la
région de résidence, la langue
maternelle et le niveau de
scolarité des répondants ».
Imaginez les opérations
mathématiques exigées par cette
pondération en fonction de cinq
facteurs et considérez toutes
les inexactitudes qui peuvent en
résulter. La note méthodologique
nous dit : « de plus, une série
de questions tirées de notre
étude annuelle Panorama ont été
ajoutées au questionnaire afin
de pondérer l’échantillon en
fonction des valeurs
personnelles des répondants à
partir d’un échantillon
probabiliste ». Voilà une
pondération qui résulte d’une
autre opération mathématique
complexe.
La note méthodologique ajoute :
« Notons que compte tenu du
caractère non probabiliste de
l’échantillon, le calcul de la
marge d’erreur ne s’applique pas
». Donc on ignore la marge
d’erreur mais on peut être sûr
qu’il y en a une, une marge
d’erreur.
Cela fait beaucoup de
pondérations vous ne trouvez
pas, cher jeune lecteur !
Le plus intéressant toutefois
est à venir. Citons le
journaliste libéral Denis
Lessard qui écrit le 15
décembre.
« Le PQ en avance
L’insatisfaction envers le
gouvernement ne se transpose pas
dans les intentions de vote,
cependant. Le Parti québécois
(PQ) conserve une bonne longueur
d’avance sur ses adversaires. Si
des élections avaient eu lieu
cette semaine, le PQ aurait été
en meilleure position que le 4
septembre avec 36% des suffrages
après répartition des 13%
d’indécis et de personnes qui
ont refusé de répondre. Le PQ
avait obtenu 32% des voix aux
élections. Pour le PQ, on
revient aux chiffres d’octobre
et novembre, avant le budget. »
On nous informe qu’il y a 13%
d’indécis et de personnes qui
ont refusé de répondre. Et que
le 36% donné au PQ a été obtenu
« après répartition des 13%
d’indécis et de personnes qui
ont refusé de répondre. » Comme
on nous ne le dit pas, on peut
supposer que les analystes CROP
ont donné au moins le tiers de
ces 13% d’indécis ou de refus de
répondre au PQ. Or cette
opération mathématique simple
qui donne 4% au PQ est
extrêmement périlleuse car les
indécis ou refus de répondre
sont plus souvent des libéraux
que des péquistes potentiels. Si
on enlève disons 3% on aboutit à
33% des intentions de vote pour
le PQ soit presque le même
résultat qu’aux élections du 4
septembre qui était de 31.95%
Un sondage Léger Marketing
publié dfans Le Devoir
d’ailleurs conclut « qu’après
100 jours de gouvernance, le PQ
pointe à 33% d’appuis,
essentiellement son résultat
électoral du 4 septembre » et
que « les turbulences
rencontrées par le gouvernement
Marois n’ont pas entamé les
appuis du Parti québécois ».
Ce qui veut donc dire qu’à cause
des facteurs d’inexactitudes
cités plus haut résultant de
toutes les pondérations,
facteurs auxquels il faut
ajouter le 13% d’indécis ou de
refus de répondre mal répartis,
on peut conclure que le 36% des
intentions de vote alloué au PQ
est surestimé et que tous les
chiffres que Denis Lessard
manipule avec volupté relèvent
de la pensée magique et qu’on
doit les prendre avec un grain
de sel. Ce qui ne veut pas dire
que le hasard ou le talent
d’analyste de Denis Lessard dit
toujours des choses fausses.
Mais il n’y a pas moyen de
savoir si les fluctuations de
chiffres reflètent la réalité.
Un exemple. Citons le
journaliste.
« La cohorte des insatisfaits
grossit. Ils comptaient pour 48%
des répondants au début du mois
de novembre avant de passer à
51% après le budget. Ils sont
désormais 54% de citoyens à être
mécontents du gouvernement
Marois ».
Lessard compare les résultats de
deux sondages. Or celui de
novembre a été fait avec un
échantillon de 800 internautes
seulement ce qui ajoute une
possibilité de plus grande
d’imprécision que quand
l’échantillon est de 1000
internautes.
Certes, il y a des citoyens qui
sont insatisfaits du
gouvernement Marois. Combien,
quel pourcentage, je prétends
qu’on ne le sait pas et que les
chiffres du sondage CROP ne nous
l’apprennent pas. Essayer de
faire croire que ces chiffres
sont exacts comme le fait Denis
Lessard et La Presse, c’est ça
qu’on appelle d’un terme que le
Harrap’s shorter dictionary de
la « bullshit » en indiquant «
not in polite use » et traduit
par « foutaise ».
Devant une telle manipulation,
on nous excusera de ne pas être
poli. Le bas 25% d’intentions de
votes obtenues par le Parti
libéral dresse la table à une
remontée spectaculaire que
notera CROP quand le nouveau
chef aura été choisi à moins que
la Commission Charbonneau dise
la vérité sur les rapports
durables entre le monde de la
construction, les contrats
donnés et le financement du
Parti libéral du Québec (genre
Bibeau-Zambito) qui subirait
alors le même sort que son grand
frère fédéral après la
Commission Gomery.
Mais n’oubliez pas, jeune
lecteur, que si le Parti libéral
ne remonte pas dans l'opinion
publique, la CAQ est là comme
solution de rechange puisque le
but des fédéralistes est de
battre le PQ, but que,
paradoxalement, ils partagent
avec Québec solidaire et Option
Nationale.
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