dimanche 23 décembre 2012
Le digne fils
spirituel de Gilles Vigneault
Fred
Pellerin reçoit l’Ordre national
du Québec
par Robert
Barberis-Gervais
Il vient des
moments où il faut laisser la
place aux autres plus importants
et plus talentueux. Après avoir
envoyé à Vigile qui l’a publié
sur sa page Actualité le « Bilan
des 100 jours du gouvernement
Marois » de Jean-François Lisée
que j’en profite pour entériner,
voici ce qu’a dit Fred Pellerin
quand il a reçu de Pauline
Marois, au nom de tous les
Québécois, en ce mercredi
après-midi du 19 décembre 2012 à
l’Assemblée nationale, l’Ordre
national du Québec, en présence
de sa femme et de ses trois
enfants. La vidéo de ce discours
est sur la page Actualité de
Vigile en cliquant sur
Radio-Canada. En voici le texte
que vous pouvez conserver.
Cet honneur devait lui être
rendu au printemps dernier, mais
Fred Pellerin avait refusé de se
présenter à une cérémonie dans
le contexte de la crise
étudiante.
C’est un discours empreint
d’émotion.
« Ça va être dur.
Salutations à madame la Première
ministre, ministres, élus,
députés, gens du Québec, membres
de l’Ordre, amis, famille. Merci
de manger ça sur vos vacances et
votre temps de magasinage et de
pelletage, je connais des portes
de garage qui ouvriront pas t’a
l’heure. Et ça va être un peu à
cause de ce que je porte icitte
; on me l’a mis sur un crochet ;
on nous a avisé avant d’arriver
d’avoir quelque chose d’un peu
rigide, c’est mon premier veston
à vie. On nous installe un petit
rack qui va être là pour
recevoir la pinaison pour qu’on
n’ait pas l’air de zigonner
après le manteau trop longtemps.
La cime de la pinitude a l’air
d’une grande sobriété mais les
racines sont creuses et vont
loin dans le coeur.
C’est un grand jour pour moi pis
s’il fallait jouer sur les mots,
il y aurait quelque chose
d’échevelé dans la chevalerie
aujourd’hui, pis on ferait
peut-être des Échevaliers à
St-Elie-de-Caxton si cet
ordre-là tenait de la
caxtonnerie.
Pour moé, dans l’Ordre national
du Québec, il y a le Québec. Il
y a dans le Québec quelque chose
qui m’habite assez régulièrement
et assez profondément parfois
par grande fierté, parfois par
la douleur, parfois par question
de flou parce qu’apprendre à
aimer le Québec et en découvrir
la flouitude qui l’entoure, par
moments, c’est dur. Pourtant, je
sais qu’il existe le Québec
parce que, pis je suis pas tout
seul, on le sait, on l’entend,
on le marche, on le travaille,
on l’habite, on l’habille.
S’il est flou le Québec dans son
territoire et dans son sens, il
y a au moins une clarté qui est
celle d’avoir un peuple qui
l’habite, un peuple avec qui on
pourrait s’entendre sur certains
frissons qu’on partage, sur
certaines peurs, sur certaines
hésitations, sur certaines
saisons, que ce soit l’hiver
comme on en a de la belle
aujourd’hui, de l’été, de
l’automne et parfois même du
printemps.
Des fiertés qu’on partage entre
Québécois, celles-là peuvent
participer peut-être à enlever
un peu de flou dans les
frontières territoriales et de
sens. Qui aurait pu dire que le
conte se rendrait là, que le
Caxton viendrait icitte ? Pour
moi, ça confirme une chose,
c’est que le Québec est vaste,
et riche, il échappe au moule,
il est encore ouvert, immense à
bâtir, et fait la bienvenue,
beaucoup. (...)
Saluer mes enfants, recevoir ça
devant mes enfants, c’est
énorme. (vive émotion et
applaudissements).
On est là, on parle de poésie,
de littérature et de fondements
d’une littérature, il y a un
point dans cette marche de la
littérature du Québec qui est le
point de Louis Hémon avec des
phrases sur lesquelles on
frissonne encore dont celle-là
qui dit : "Ces gens sont d’une
race qui ne sait pas mourir." On
est encore à se dire qu’on ne
sait pas mourir. Pour moi, il se
trace sur ces fiertés-là quelque
chose qui me fait aspirer que
les enfants pourront dire qu’on
est une race qui sait exister.
Merci.
Désolé pour l’émotion, c’est
incontrôlable. »
Félicitations à Fred Pellerin et
salutations au digne fils
spirituel de Gilles Vigneault.
Retranscrit par Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil, 22 décembre
2012
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