lundi 12 novembre 2012
La politique
d'expansion de Renaud-Bray et
les libraires indépendants
par Robert
Barberis-Gervais
René Forget de la
libraire Icitte à Longueuil vend
des livres neufs et usagés.
Comme nous discutions de « La
Constellation du lynx » de Louis
Hamelin, je lui appris que c’est
un roman dont le sujet principal
est la crise d’octobre 1970 et
traite du FLQ.
Ayant capté son intérêt, le
libraire me montra un livre qui
vient de paraître sur Pierre
Laporte qui a été enlevé par le
FLQ et est mort des suites de
ses blessures après s’être lancé
à travers une fenêtre pour
échapper à ses ravisseurs.
Cette biographie de Pierre
Laporte publié aux éditions du
Septentrion a été signée par
Jean-Charles Panneton et a été
bien reçue par la critique.
Je posai à René Forget la
question suivante : « Comment se
fait-il que vous ayez un livre
sur Pierre Laporte qui vient de
paraître ? » Réponse : « Je
viens d’acheter le fonds d’une
librairie indépendante de
St-Eustache qui a été poussée à
la faillite par Renaud-Bray qui
s’est installé tout près et qui
a fait une vente à 35%.
Renaud-Bray fait du capitalisme
sauvage. Le prochain sur la
liste, c’est Joliette. »
Je ne ferai pas l’historique de
Renaud-Bray. Le Fonds de
solidarité de la FTQ y a investi
1,7 million et la Société de
développement des entreprises
(la SODEC), 1.5 million.
Dans le numéro de l’excellente
revue gratuite Le Libraire de
septembre-octobre 2012,
Dominique Lemieux raconte ce qui
arrive à la libraire Morency qui
occupe depuis douze ans un local
des Promenades Beauport à
Québec. Mme Elizabeth Morency se
sent menacée parce que
Renaud-Bray a réservé un local à
proximité.
Selon Dominique Lemieux, «
Renaud-Bray répète le même
manège qu’à Granby ou qu’à
Lévis. Comme les libraires
indépendants de Joliette, de
Vaudreuil, qui se préparent à
l’arrivée de la chaîne à
proximité. La dynamique de
Renaud-Bray est la même : elle
s’installe près d’une libraire
existante, utilise sa force de
frappe pour fragiliser
l’indépendant et prendre le
monopole du secteur.
C’est légal, c’est stratégique,
mais ce n’est pas fair-play. Ce
n’est pas le genre de décision
qui enrichit l’écosystème du
livre. Ce n’est qu’un pas de
plus vers une uniformisation
malsaine, vers une hégémonie du
marché. Cette façon d’agir ne
fait que prouver – encore –
l’arrogance de la chaîne coup de
coeur. »
Ne pourrait-on pas résumer la
situation en disant que
Renaud-Bray passe des coups de
coeur aux coups de cochon. Je
partage le point de vue de
Dominique Lemieux, Directeur
général des librairies
indépendantes du Québec qui
compte 91 librairies qui sont
une richesse culturelle
indéniable. La politique
d’expansion de Renaud-Bray
menace l’existence de plusieurs
d’entre elles. Espérons que
Sorel-Tracy n'entre pas dans
leurs plans. Pour comprendre ce
qui se passe, imaginez si on
faisait le coup à la Librairie
Marcel Wilkie.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil, 12 novembre
2012
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