Le maire d’Ottawa, le
drapeau canadien et les
chèques du fédéral
par Robert
Barberis-Gervais
Comme
disait Réjean Ducharme,
l’auteur de l’Avalée des
avalés qu’il a écrit en 1964
sur l’île
St-Ignace-de-Loyola, roman
publié chez le plus
prestigieux éditeur français
Gallimard, "parlons du
Canada, déployons de mornes
efforts".
Le maire
d’Ottawa Jim Watson a
répondu samedi soir sur
Twitter à ses détracteurs :
il a affirmé qu’il jouit du
même droit de parole que
n’importe quel citoyen
canadien.
Interrogé
sur cette question par
Radio-Canada, dimanche, il a
réitéré ses propos. « Je
suis canadien. C’est le
discours libre. Je pense que
c’est important pour tous
les Canadiens de respecter
le drapeau canadien. » — Jim
Watson, maire d’Ottawa
Jim Watson
s’est retrouvé au coeur
d’une controverse à la suite
d’un message qu’il a
lui-même diffusé vendredi
dernier sur Twitter à propos
de l’intention du Parti
québécois de retirer le
drapeau canadien du salon
rouge à l’Assemblée
nationale. Jim Watson a
affirmé qu’il était « déçu
que le gouvernement du
Québec ne croie pas
nécessaire d’honorer le
drapeau canadien » et que
malgré tout « il accepte des
chèques où on retrouve ce
même symbole ».
Cette
dernière remarque que je
qualifierais dans la langue
de Shakespeare de nasty
remark, m’inspire les
réflexions suivantes. En
adoptant la constitution de
Trudeau en 1982, le Canada
anglais n’a pas respecté un
principe que le Parlement
canadien devait accepter
plus tard à savoir que "les
Québécois forment une nation
dans un Canada uni". Comme
l’Assemblée nationale du
Québec, au nom des Québécois
qui forment une nation, n’a
jamais accepté de signer la
constitution du Canada,
comment peut-on dire que le
Canada est uni ! Le Canada
est profondément désuni et
cette désunion n’inquiète
pas du tout l’autre nation,
celle du Canada anglais. Ce
qui montre que le Canada est
un simulacre de pays. Un
pays anormal qui ne s’est
pas encore libéré de son
passé colonial.
Par
conséquent, le drapeau
canadien n’a pas d’affaire à
trôner à l’Assemblée
nationale du Québec car si
tel était le cas ce serait
nier la réalité politique
divisée du Canada. Ce serait
faire comme si cette
Constitution de 1982 avait
été adoptée par les
Québécois qui forment une
nation soit par l’Assemblée
nationale soit par
référendum. Ne pas placer le
drapeau du Canada à côté du
Président de l’Assemblée
nationale du Québec,
n’est-ce pas une excellente
façon de protester contre le
coup de force de Trudeau en
1981-1982 et d’être fidèle à
la mémoire de René Lévesque.
Nous pourrions honorer le
drapeau canadien s’il était
honorable mais hélas, il ne
l’est pas. A Tout le monde
en parle quand l’animateur a
demandé à Justin Trudeau
récemment ce qu’il pouvait
déplorer chez son père
Pierre Elliott, il répondit
: ne pas avoir gardé son
couple uni. Il aurait pu
faire une réponse politique
: avoir enfoncé dans la
gorge des Québécois une
constitution, celle de 1982.
Ce qui ne se fait pas dans
un pays normal qui respecte
les nations qui le
constituent.
Par
ailleurs, la remarque sur
l’acceptation des chèques
"où on retrouve ce même
symbole" me rappelle le
fédéralisme rentable de
Robert Bourassa. C’est une
allusion directe à la
péréquation et cela laisse
entendre que le Québec est
sur le bien-être social (BS)
par rapport au Canada. Or,
la question des avantages
financiers que le Québec
tirerait du Canada est
hautement controversée. On
peut se demander par exemple
si le Québec a un avantage à
financer sa part des
milliards des F-15 qui ne
vont faire que la politique
étrangère des Etats-Unis.
Hier, à la
fin de son discours du
budget, le ministre des
finances du Québec Nicolas
Marceau a affirmé que le
Québec ne serait pas coincé
comme il l’est s’il
bénéficiait des 50 milliards
en impôts et taxes que les
citoyens du Québec paient à
Ottawa. Voici sa conclusion
« Nous faisons le maximum
avec les moyens qui nous
sont impartis, mais nous
pourrons aller beaucoup plus
loin en disposant de tous
les moyens d’un pays
souverain. La fiscalité, par
exemple, est un outil
puissant. En la contrôlant
entièrement, nos mesures
pour stimuler
l’investissement privé
seront d’autant plus
performantes." (Nicolas
Marceau)
Pour
revenir au maire d’Ottawa
Jim Watson, s’il croit
vraiment que le Canada est
la vache à lait du Québec,
je me demande pourquoi il
accepte une telle situation.
J’ai même une proposition
gagnant-gagnant à lui
soumettre, il verra que je
suis un homme raisonnable.
Pour débarrasser le Canada
du boulet que constitue le
Québec, il n’a qu’à nous
foutre dehors. Fini le
bien-être social pour ces
fainéants corrompus que nous
sommes (ça va faire plaisir
à Lucien Bouchard ça), et
obligeons tous les
parlements provinciaux qui
resteront au Canada à se
couvrir de drapeaux
canadiens. Il va alors être
heureux et nous aussi.
A ce
moment-là, son Canada pourra
se dire vraiment uni. Ce
serait une excellente façon
d’exercer son discours
libre. Qu’il dise
ouvertement ce qu’il affirme
implicitement : Quebec, out
! et le plus vite possible
as soon as possible.
Le Québec
pourra alors garder les 50
milliards de taxes et
d’impôts qu’il n’enverra
plus à Ottawa et le Canada
pourra garder ses chèques
avec le symbole du drapeau
canadien. Le Québec sera un
pays à part entière, formera
une nation libre sans
condition et le Canada enfin
uni pourra honorer tous les
symboles qu’il voudra y
compris bien sûr tous les
symboles royaux avec la
nostalgie émouvante du
défunt empire britannique et
du glorieux temps où le
Canada était une colonie
britannique.