mardi 30 octobre 2012
Jean Cournoyer
à Tout le monde en parle
par Robert
Barberis-Gervais
Jean Cournoyer
vient de publier son
autobiographie : "Dans le feu de
l’action". Ce qui l'a fait
inviter à l’émission Tout le
monde en parle dimanche le 21
octobre 2012.
Il est passé tout
de suite après Lino Zampito
qu’il a planté en disant que si
tous les 25,000 entrepreneurs en
construction étaient comme lui,
le Québec serait en faillite.
"C’est pas toutes des gars comme
lui" a-t-il dit en le regardant
de travers avec un certain
mépris. Appelé à réagir par
l’animateur, Zambito a encaissé
sans broncher et sans dire un
mot ce qui ne l’a pas empêché de
dire plus tard : "J’ai beaucoup
de respect pour monsieur
Cournoyer".
J’ai été agréablement surpris
par son plaidoyer en faveur de
la gratuité scolaire qu’il
réclamait il y a plus 50 ans (il
a 78 ans) comme président des
étudiants de l’Université de
Montréal. Une société comme le
Québec doit investir en
éducation et ne peut pas se
payer le luxe d’échapper un seul
talent empêché d’étudier pour
des raisons financières. Jean
Cournoyer approuve donc la lutte
qu’ont menée les étudiants ce
printemps. Pourquoi ne l'a-t-il
pas dit au moment du conflit
alors que les étudiants avaient
besoin de tous les appuis
possibles? N'est-ce pas parce
qu'il est un bon libéral qui ne
voulait pas nuire è Jean
Charest!
Il s’est aussi prononcé en
faveur de la fermeture de
Gentilly 2 car on a suffisamment
d’électricité produite par
Hydro-Québec. Le nucléaire,
c’est dangereux a-t-il dit et je
suis contre le nucléaire.
Tellement qu’en badinant Dany
Turcotte lui a dit : "Mais vous
êtes péquiste, monsieur
Cournoyer".
Après Pierre Foglia qui approuve
toutes les décisions prises par
le gouvernement Marois depuis
son élection, ajoutons Jean
Cournoyer. C’est intéressant de
noter que Foglia et Cournoyer
sont des esprits libres.
Mais sur le financement des
partis politiques et le rapport
entre les hommes politiques et
leurs organisateurs, Jean
Cournoyer a tenu des propos qui
contrastaient grandement avec la
sévérité qu’il avait montrée à
l’égard de Lino Zambito.
S'agit-il d'aveuglement
volontaire? Sur ce sujet, Guy A.
Lepage s’est montré très faible.
Parlons de sa carrière
politique.
Lors d’une élection partielle le
9 octobre 1969, Jean Cournoyer a
été élu député du comté de
St-Jacques pour l’Union
nationale. Il fut nommé ministre
de la fonction publique du
Québec en décembre 1969 et, en
plus, en mars 1970, ministre du
Travail et de la Main-d’oeuvre.
Le 29 avril 1970, il est défait
comme candidat du Parti de
l’union nationale de
Saint-Jacques lors des élections
générales remportées par le
Parti libéral du Québec dirigé
par Robert Bourassa. Le 29
octobre 1970, le premier
ministre libéral, Robert
Bourassa, le nomme de nouveau
ministre du Travail et de la
Main-d’œuvre du Québec pour
remplacer Pierre Laporte décédé
le 17 octobre précédent suite à
son enlèvement par des membres
du Front de libération du
Québec.
Le 9 février 1971, il est élu
député du Parti libéral dans la
circonscription de Chambly à
l’Assemblée nationale du Québec.
Le 29 octobre 1973, à l’occasion
des élections générales au
Québec, il est élu député du
Parti libéral de Robert-Baldwin
à l’Assemblée nationale du
Québec et confirmé dans sa
fonction de ministre du Travail
et de la Main-d’œuvre du Québec
par le premier ministre, Robert
Bourassa. Le 15 novembre 1976, à
l’occasion des élections
générales, il est défait comme
candidat du Parti libéral dans
la circonscription de Richelieu
où se trouve Sorel, sa ville
natale.
En quoi suis-je impliqué
personnellement dans cette
carrière politique où Jean
Cournoyer a été très souvent
dans le feu de l’action ? J’ai
habité le comté de St-Jacques
dans ma jeunesse. J’étais
responsable des communications
pour Pierre Marois candidat du
Parti québécois dans le comté de
Chambly en février 1971 contre
Jean Cournoyer, candidat libéral
qui a gagné. J’ai enseigné 36
ans au cégep de Sorel-Tracy qui
est actuellement à Tracy mais
qui a été longtemps à Sorel au
coeur du comté de Richelieu.
J’ai publié un essai
anti-libéral en 1971 : "De la
clique des Simard à Paul
Desrochers en passant par le
joual". Il m’arrivait de parler
dans mes cours de l’actualité
politique…contre les
fédéralistes et les libéraux en
particulier. De telle sorte que
le soir de la victoire écrasante
des libéraux le 29 octobre 1973
par 102 députés à 6, les
libéraux étaient réunis à Sorel
pour célébrer leur victoire : un
de mes étudiants a entendu
distinctement la mère de Jean
Cournoyer dire : "Et on va
s’occuper du p'tit crisse de
Barberis." Ça ne s'invente pas.
J’ai ensuite publié "Ils sont
fous ces libéraux" qui fait une
synthèse des tactiques
électorales employées par les
libéraux en octobre 1973 en
insistant sur le terrorisme
intellectuel
anti-indépendantiste. Ces deux
livres "De la clique des
Simard"et "Ils sont fous ces
libéraux" (ce doit être mal
écrit) ne sont jamais cités par
les biographes ou hagiographes
de Robert Bourassa ni non plus
les deux romans remarquables de
Claire Pontbriand qui sont
indispensables pour comprendre
l’orientation sexuelle de Robert
Bourassa et ses conséquences sur
sa vie de couple avec Andrée
Simard.
Avec Robert Bourassa que Jean
Cournoyer appelait familièrement
"Robert", on est au coeur du
sujet de l’éthique en politique.
Une des causes de la défaite du
parti Libéral en novembre 1976
fut le thème de la corruption.
Le journal Québec-presse avait
fait sa spécialité de dénoncer
les cas de patronage et de
favoritisme sous le régime
Bourassa. Sans parler de la
malhonnêteté intellectuelle
encore plus grave qui consistait
à essayer de faire peur.
Que Jean Cournoyer à Tout le
monde en parle en octobre 2012
vienne nous dire qu’il n’a
jamais rien vu de croche de 1970
à 1976 sur le financement du
Parti libéral et en général sur
les moeurs électorales du Parti
libéral, cela affaiblit beaucoup
la crédibilité de son jugement
accusateur et péremptoire sur
Lino Zampito. On aurait aimé
qu’il montre la même sévérité
sur le Parti libéral de Robert
Bourassa première manière.
Puisqu’il a admis que l’homme
politique reste toujours
responsable de ce que ses
organisateurs font en son nom
(sans qu’il le sache dit-il mais
ça c’est un peu trop facile),
peut-être aurait-il pu montrer
plus de lucidité sur l’époque où
il a été ministre libéral avec
"Robert".
Jean Cournoyer a pris le relais
de Lino Zambito qui a affirmé
que 80% des politiciens sont
honnêtes et qu’ils ne
connaissent pas les
malversations que "les
organisateurs" ou les
"collecteurs de fonds" leur
cachent. "Quatre-vingts pour
cent des politiciens sont «
honnêtes », « de bonne foi » et
ils ne sont pas au courant des
malversations parce que
volontairement tenus dans
l’ignorance par leur entourage,
estime Lino Zambito, témoin
vedette de la commission
Charbonneau. C’est une couleuvre
qu’on essaie de nous faire
avaler pour excuser Line
Beauchamp ou Nathalie Normandeau.
Demandez au peuple comme dirait
l’autre. Le peuple demande la
démission de Gérald Tremblay et
de Gilles Vaillancourt. Suite
aux révélations de la Commission
Charbonneau, ces deux élus sont
politiquement morts.
Pourquoi pensez-vous que Jean
Charest a tout fait pour
retarder la mise sur pied de la
Commission Charbonneau. Pour que
les élections aient lieu avant
qu’on sache. Quand on aura fini
de savoir, on verra que, le 4
septembre 2012, le 31% obtenus
par le Parti libéral et ses 50
comtés ont été obtenus
frauduleusement.
Jean Charest allait rencontrer
tous les entrepreneurs italiens
collusionnaires dans le cadre de
leur fondation: il savait donc
ce qu’il faisait en mettant du
bois dans les roues de la mise
sur pied de la commission
Charbonneau. Il savait que ses
amis qui financent le Parti
libéral passeraient un mauvais
quart d’heure devant la
Commission Charbonneau.
Quand Jean Cournoyer aujourd’hui
plaide l’ignorance devant tout
ce qui se passait au Parti
libéral sous Robert Bourassa et
que l’animateur ne trouve aucun
exemple pour le contredire,
c’est pathétique. Jean Cournoyer
comme l’autruche s’est mis la
tête dans le sable et personne
n’a été capable de lui rappeler
certains faits "historiques"
pour qu’il cesse de nous prendre
pour des valises.
Sauf votre respect maître
Cournoyer grand Sorelois devant
l’Eternel qui, dans le feu de
l’action, s’est aveuglé
volontairement. Montrer de
l’aveuglement volontaire quand
on est un écrivain, un
communicateur, un homme
politique qui a été utile, somme
toute un citoyen honorable,
c’est infiniment triste.
Sur Wikipedia, on peut lire :
le gouvernement Bourassa "fut
mis en cause dans des scandales
de corruption qui contribuèrent
à sa défaite électorale en
1976."
Pour des informations sur le
deuxième mandat Bourassa, de
1985 à 1994, si vous avez déjà
été amateur de vies de saints et
si les hagiographies vous
intéressent, lisez
Georges-Hébert Germain, payé par
la fondation Robert Bourassa
pour redorer l’image de l’ancien
premier ministre.
Mais si vous voulez comprendre
les tactiques utilisées par
Robert Bourassa après l’échec de
Meech et de la société distincte
pour neutraliser le mouvement
national d’émancipation du
peuple québécois, ce qu’il a
malheureusement réussi, il faut
lire les deux chefs-d’oeuvre de
la littérature politique écrits
par Jean-François Lisée : Le
Tricheur et le Naufrageur.
Mais à ce propos, Jean Cournoyer
n’a pas été interrogé. C'est
bien dommage. Ça aurait été
intéressant d'entendre ses
réponses.
Lisée permet de mieux voir
l’imposture qui se cachait sous
une phrase célèbre de Robert
Bourassa.
"Le Canada anglais doit
comprendre de façon très claire
que, quoi qu’on dise et quoi
qu’on fasse, le Québec est,
aujourd’hui et pour toujours,
une société distincte, libre et
capable d’assumer son destin et
son développement."
(Discours prononcé le 22 juin
1990 à l’Assemblée nationale
suite à l’échec de l’Accord du
lac Meech.)
Bourassa a neutralisé la
dynamique indépendantiste en
gagnant du temps et et niaisant
la Commission Bélanger-Campeau.
Cette oeuvre de sape est bien
plus grave que d’avoir nommé son
beau-frère Claude Simard
ministre.
Robert Barberis-Gervais, 29
octobre 2012
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