Lucien Bouchard est un lobbyist comme les autres

par Robert Barberis-Gervais Ph.D.

Dans les médias de samedi 22 septembre, on a lu: "Lucien Bouchard critique durement Pauline Marois". Lucien Bouchard a dénoncé ce qu'il a appelé "la confusion" dans les propos de Martine Ouellet. A l’époque de la création par le gouvernement libéral du comité d’étude environnementale, on avait dénoncé l’absence de personnes critiques par rapport au gaz de schiste. Parenthèse, tout ce qu’a fait le gouvernement libéral dans ce domaine comme en d’autres est tout croche. La ministre Martine Ouellet n’a fait que le répéter en disant avoir plutôt confiance au BAPE. Sauf que maintenant, elle est ministre. Elle parle avec autorité. Elle ne prévoit pas d’avenir pour l’industrie du gaz de schiste. C’est clair et précis.

Que lit-on aussi dans les journaux de samedi ? Selon un nouveau rapport rédigé à la demande de l’Union européenne, "l’exploitation du gaz de schiste pose des « risques élevés » pour le sol, l’air, l’eau de surface et l’eau souterraine. C’est exactement ce que dit la ministre Martine Ouellet et elle ajoute qu'elle ne voit pas dans un avenir prévisible comment l'industrie pourrait trouver des techniques de forage sécuritaires par rapport à l'environnement.

Et qui est celui qui se permet de critiquer. C’est le porte-parole de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), Lucien Bouchard. La multinationale Talisman Energy de Calgary est l’employeur de Lucien Bouchard pour faire la promotion de l’industrie du gaz de schiste. A ce sujet et pour montrer que Lucien Bouchard est devenu un lobbyist, il faut citer un texte de Josée Legault daté du 27 janvier 2011.

"La compagnie albertaine Talisman Energy Inc. s’occupera de la rémunération de Lucien Bouchard lorsqu’il prendra la tête de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) le 21 février prochain. Talisman est une compagnie pétrolière et gazière dont le siège social est à Calgary.

En entrevue téléphonique cet après-midi, le directeur général de l’APGQ, monsieur Stéphane Gosselin, confirmait que le C.A. de l’APGQ ne paierait pas de salaire à M. Bouchard, me précisant toutefois que pour sa rémunération, ce dernier avait une « entente » avec Talisman Energy Inc., dont les détails ne seraient pas connus par les membres du C.A. de l’APGQ.

Rejoint ensuite par téléphone, un porte-parole de Talisman à Montréal, monsieur Stéphane Perreault, confirmait l’existence de cette entente tout en ajoutant que Talisman avait également proposé la candidature de M. Bouchard au C.A de l’APGQ.

Il confirmait l’existence d’une entente entre Talisman et le cabinet d’avocats Davies Ward Phillips & Vineberg pour retenir les services de M. Bouchard. Le porte-parole de Talisman, dont la maison mère est à Calgary, ajoutait ne pas en connaître les détails précis."

Continuons à citer Josée Legault.

"D'aucuns seront tentés de penser qu’une pétrolière vient de s’offrir les services d’un ancien premier ministre comme principale voix de cette industrie au Québec.

Quant à ceux qui espéraient voir ce dernier prôner le dialogue ou, pour reprendre les termes mêmes de M. Bouchard - qu’il remplirait son mandat « dans la conciliation des préoccupations et des enjeux de toutes les parties intéressées, mais surtout avec la certitude de devoir travailler dans le meilleur intérêt de notre collectivité » -, peut-être verront-ils aussi que les intérêts défendus ici en premier lieu risquent d’être surtout ceux de l’industrie du gaz de schiste." (fin de la citation)

Pour le moment, Talisman n’en a pas eu pour son argent (combien ? un million de dollars ?) qui a été gaspillé en rémunération payée à Lucien Bouchard.

Comme le disait Steven Guilbault d’Equiterre, après la déclaration cinglante de la ministre Martine Ouellet contre toute exploitation des gaz de schiste, "Lucien Bouchard peut bien déchirer sa chemise, mais aucun projet n’est prévu pour bientôt au Québec."

La preuve vient d'être fournie que, comme l'écrivait Josée Legault, "les intérêts défendus ici en premier lieu risquent d’être surtout ceux de l’industrie du gaz de schiste." Constatant l'échec de son lobbying, le président de l’association gazière et pétrolière du Québec vient d'annoncer qu'il exigera de la part du gouvernement des compensations financières pour les sommes investies pour les puits de forage…qui seront inutilisés. Même plus, l'avocat d'affaires menace de faire un mégaprocès au gouvernement du Québec si les compensations sont jugées insatisfaisantes par l'industrie du gaz de schiste.

Il faut aller plus loin dans l'analyse. Quelle est la motivation profonde de Lucien Bouchard dans sa campagne médiatique contre le Parti québécois à l'occasion de la publication de son petit livre? Toutes ses déclarations dénigrantes du Parti québécois conduisent à conclure que la seule solution pour Lucien Bouchard est la chute du gouvernement du Parti québécois et son remplacement par la CAQ ou le PLQ.

Lucien Bouchard a monnayé auprès de Talisman son image d’ancien fondateur du Bloc, de leader du OUI au référendum de 95 et de premier ministre du Québec. Lucien Bouchard travaille pour la compagnie Talisman qui le paie grassement. Il ne défend plus les intérêts de la collectivité québécoise.

En un mot, Lucien Bouchard est devenu un simple lobbyist ni plus ni moins. Le malaise vient du fait que les médias lui donnent la place d’un ancien premier ministre du Québec. Or, Lucien Bouchard n’est même pas une belle-mère. Il ne peut plus se réclamer de son passé péquiste et souverainiste. C’était du passé.

Le présent, c’est la déclaration des lucides qui a constitué un appui objectif au gouvernement Charest. Le présent, c’est le négociateur patronal à 1,200$ de l'heure choisi par le Conseil d’administration de la SAQ plein de libéraux nommés par Jean Charest. Le présent, c’est celui qui appuie le laisser-aller du gouvernement Charest sur la langue française et sur les accommodements raisonnables. Le présent, c’est celui qui appuie la hausse des frais de scolarité. Le présent, c’est celui qui a poussé François Legault à fonder son propre parti. Le présent, c’est celui qui tire à boulets rouges sur le gouvernement Marois. Le présent, c’est un ancien homme politique qui, par sa partisanerie mercantile, fait de la petite politique. Et qui, quant à moi, n’a plus aucune crédibilité.

Ce que je demande c’est que les médias traitent Lucien Bouchard comme ce qu’il est vraiment : un lobbyist comme les autres, un porte-parole de l’industrie du gaz de schiste, une industrie potentiellement nuisible à l’environnement, eau, sol, air et à l’environnement humain. Qu'ils cessent de lui dérouler le tapis rouge à chaque fois qu'il fait une déclaration en lui donnant du "monsieur le premier ministre" comme le fait Anne-Marie Dussault à 24 heures en soixante minutes devant un Lucien Bouchard qui glousse de plaisir.

Robert Barberis-Gervais, vieux-Longueuil,
barberis@videotron.ca