mercredi 03 avril 2013
Le faux
assassin et le cardinal
Foglia et
Lagacé entre le sensationnalisme
et le divertissement
par Robert
Barberis-Gervais
Il arrive à La
Presse de tomber dans le
sensationnalisme. Surtout dans
les titres.
Deux exemples récents. « Paul
Rose et la question qui tue » et
« Deux valises pleines de merde
».
Prenons ce dernier exemple. Yves
Boisvert s’est déchaîné le 21
mars suite au témoignage de
Rosaire Sauriol de Dessau devant
la Commission Charbonneau. Il a
décrit Sauriol se promenant
d’une mairie à l’autre au nom de
la firme d’ingénieurs Dessau
avec deux valises pleines
d’argent pour obtenir des
contrats. Il les a appelées :
les valises pleines de m. :
c’est du sensationnalisme. Au
moment de la Commission Gomery,
Jean Lapierre avait défini cet
argent corrupteur comme « de
l’argent sale ». Il me semble
que c’était suffisamment clair
et précis. La fausse facture de
75,000$ de Dessau à la firme de
communication Morrow pour
satisfaire aux exigences de
Bernard Trépanier, collecteur de
fonds du parti de Gérald
Tremblay, a été présentée comme
de l’argent sale. Cette
révélation qui n'a pas vraiment
été tirée au clair par le
passage d'André Morrow devant la
Commission nous a privé des
commentaires partisans et
répétitifs de Liza Frulla, la
femme d’André Morrow. Dommage
collatéral bienfaisant.
« Paul Rose et la question qui
tue », le sensationnalisme de ce
titre d’un article de Patrick
Lagacé suite à la mort de Paul
Rose est plus grave. Quand Guy
A. Lepage à TLMEP pose « la
question qui tue » à un de ses
invités, c’est anodin. Pas dans
un titre qui coiffe un article
qui commence par la phrase
suivante : « C’est une chronique
sur Paul Rose, l’assassin
felquiste de Pierre Laporte, qui
vient de mourir à 69 ans »(15
mars 2013) .
En mars 2013, avec toutes les
informations que nous avons,
avec le film de Pierre Falardeau
et le fait que Paul Rose n’était
pas présent sur la rue Armstrong
au moment des événements
entourant la mort de Pierre
Laporte, on ne peut pas écrire
brutalement : « Paul Rose,
l’assassin felquiste de Pierre
Laporte ». Certes, les
felquistes qui ont enlevé Pierre
Laporte sont responsables de sa
mort et d'avoir ainsi nui
gravement à la cause
indépendantiste, Mais on sait
que les blessures qui ont
conduit à sa mort ont été
infligées par une tentative de
s’échapper en se garrochant par
une fenêtre. Ce geste de
désespoir a été posé quand
Pierre Laporte a compris qu’il
avait été sacrifié à la raison
d’Etat et que l’arrogance de
Trudeau ("Just watch me") et le
refus de négocier du tandem
Trudeau-Bourassa prouvaient que
le pouvoir politique avait
renoncé à le sauver. Patrick
Lagacé fait du sensationnalisme
au lieu de faire de
l’information.
Or, dans une autre chronique du
21 mars intitulée « quelques
réponses de velours », Patrick
Lagacé écrit : « Après ma
chronique sur la mort de Paul
Rose, (deux) lecteurs (...)
m’ont écrit pour dire que le
felquiste n’était pas présent
quand Pierre Laporte a été tué.
Il est vrai que le rapport
Duchaîne a jeté un doute sur sa
présence ce jour fatidique
d’octobre 1970. Je sais tout ça.
Pourquoi, alors, amorcer cette
chronique avec les mots «
l’assassin felquiste de Pierre
Laporte » ? Parce que Paul Rose
et ses camarades de la cellule
Chénier ont toujours assumé une
responsabilité collective pour
la mort de Laporte. Sans jamais
en raconter les détails. Il y a
un flou dans la mort de Laporte.
Mais ce flou a été en grande
partie entretenu par les membres
de la cellule Chénier. C’est
leur droit. Mais le corollaire
de ce flou, c’est de porter
l’étiquette d’assassin. (…) Je
sais, il y a cette théorie :
Laporte serait mort dans une
mêlée avec ses ravisseurs,
accidentellement. Vrai que c’est
une théorie plus commode que
celle de l’assassinat de
sang-froid d’un homme sans
défense. »
Dans une histoire qui exige la
précision du scalpel, Lagacé
travaille à la tronçonneuse. Ses
tentatives de justification par
le flou ne sont guère
convaincantes. « Assassin »
n’est pas une étiquette. C’est
du sensationnalisme. Et en plus,
il le fait consciemment car il
dit : « Je sais tout ça ». On
peut avoir des doutes sur cette
affirmation. Si c’était vrai, il
n’aurait pas écrit ce qu’il a
écrit. A moins que ça ne fasse
l’affaire de je ne sais trop qui
de trancher en faveur « d’une
théorie », « celle de
l’assassinat de sang-froid d’un
homme sans défense » en faveur
de laquelle il cite René
Lévesque, hors contexte et de
façon contestable. J’aurais une
petite question à poser à Lagacé,
lui qui dit qu’il sait tout. A
quel moment les forces
policières ont-elles su à propos
de la rue Armstrong et combien
de temps ont-ils laissé passer
avant d’intervenir et pourquoi
ont-ils étiré le temps ? Ce
détail aiderait à répondre à la
question : qui est responsable
de la mort de Pierre Laporte ?
Oui, ce sont les felquistes.
Mais qui encore ? Les autorités
gouvernementales ? La police,
GRC, Sûreté du Québec ?
Mais dans cette chronique de
velours, un autre sujet plus
léger est abordé soit l’entrevue
de Céline Galipeau avec le
cardinal Marc Ouellet qui était
à ce moment « papabile ».
Patrick Lagacé a écrit une
critique de cette entrevue : «
La génuflexion de Céline
Galipeau » (6 mars) Il a dénoncé
la mièvrerie des questions
posées par la chef d’antenne de
Radio-Canada. Il a été blâmé par
Lysiane Gagnon et par d’autres.
Puis survient Pierre Foglia. Il
écrit le 11 mars : « Ben moi, je
l’ai trouvée très bien,
l’entrevue de Céline Galipeau
avec le cardinal Ouellet.
Respectueuse et tout. Très
respectueuse. Je sais, mon
collègue Patrick Lagacé n’est
pas de mon avis. Je vais vous
dire un truc sur Lagacé, vous
allez tout comprendre : il est
même pas baptisé. Contrairement
encore à Patrick Lagacé qui
disait pis que pendre de notre
cardinal, moi, j’aimerais bien
que Ouellet devienne pape ».
Dans « quelques réponses de
velours » (21 mars), Lagacé
écrit : « Lysiane Gagnon a
commenté ma chronique Galipeau-Ouellet
? (…) Foglia aussi l’a
commentée. Il a dit qu’il
l’avait trouvée très bonne,
l’entrevue Ouellet-Galipeau.
Quelques lecteurs en pâmoison
devant les gros noms se sont
fait un plaisir de me souligner
que Foglia m’envoyait une
taloche, bien sûr... Croisant
Foglia dans la salle de
rédaction de La Presse, je lui
ai demandé ce qu’il lui avait
trouvé de si bon à cette
entrevue... Réponse de Foglia,
sourire en coin : « Je ne l’ai
même pas regardée, l’entrevue.
Mais je suis sûr que c’était
comme tu l’as dit ! » Je vais
vous dire un truc à propos de
Foglia et vous allez tout
comprendre : ce n’est pas parce
que vous pensez qu’il rit avec
vous qu’il n’est pas en train de
rire de vous… »
Discutant avec un ami à propos
de Foglia qui rit de ses
lecteurs… et lectrices, je lui
ai demandé : « As-tu cru Foglia
quand il a dit qu’il était allé
voter aux élections italiennes ?
» Moi, non, je ne l’ai pas cru.
En effet, à propos de Foglia : «
ce n’est pas parce que vous
pensez qu’il rit avec vous qu’il
n’est pas en train de rire de
vous… » Sauf quand il parle de
sujets sérieux comme de ses
randonnées en bicycle, de Lance
Armstrong, de sport, de ses neuf
chats (signe de générosité à la
Paul Léautaud), de bouffe, de
ses lectures, de sa fiancée, de
son passé de typographe, de son
passé en France, du coyote qui
le regarde avec mépris, des
animaux qui rôdent ou des
oiseaux qui gazouillent, des
fleurs et des arbres, des
saisons… en somme de la nature.
Sûrement pas de sujets non
sérieux comme l’argent, la
politique, la religion, le sexe
ou les automobiles qui
fournissent une abondante
matière à humour. Ou sa santé et
son vieillissement qui sont des
sujets sérieux qu’il esquive car
trop personnels et qui ne nous
regardent pas.
Une question: qu’est-ce que
c’est que ces chroniqueurs de La
Presse qui essaient de nous
faire croire qu’ils font de
l’information alors qu’ils sont
ou dans le sensationnalisme ou
dans le divertissement !
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
mercredi 03 avril 2013
barberis@videotron.ca
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