jeudi 21 février 2013
Jean Charest a
provoqué une crise étudiante qui
a coûté 90 millions, pourquoi?
par Robert
Barberis-Gervais
Dans l'intérêt de
notre démocratie, il faut
essayer de comprendre pourquoi
il y a eu une crise étudiante
suivie d'élections en 2012. Ceci
est une tentative plausible
d'explication.
Après les révélations faites à
la Commission Charbonneau, on
sait que la loi sur le
financement des partis
politiques qui a été changée
récemment à l'initiative de
Bernard Drainville n'a pas été
respectée.
Mais il y a plus grave que ce
que nous apprend la Commission
Charbonneau. Le ministre de l’Education
Pierre Duchesne a montré lors de
l’Étude des crédits du ministère
de l’Enseignement supérieur en
commission parlementaire du 7
février 2013 que le conflit
étudiant a coûté 90 millions de
dollars. Selon le Ministre, les
universités ont dépensé environ
13 millions de dollars en
salaires supplémentaires pour
les chargés de cours; elles ont
subi 12 millions de pertes pour
des cours annulés; elles ont dû
dépenser 4 millions pour la
sécurité. Au total, 29 millions
seulement pour les universités.
Pour les cégeps,
la grève a coûté un autre 30
millions de dollars en heures
supplémentaires. On évalue à 30
millions de dollars les coûts
liés aux services de police: 20
millions à Montréal ; 6,7
millions pour la Sûreté du
Québec ; 1 million à Québec ;
800 000 $ à Longueuil ; 700 000
$ à Gatineau ; 400 000 $ à
Sherbrooke. À ces montants, il
faut ajouter un autre million de
dollars en publicités que le
gouvernement libéral a diffusées
pour tenter de gagner l’opinion
publique alors que les
manifestations quotidiennes se
multipliaient. Au total la crise
a donc coûté 90 millions.
Or, quand on étudie la
chronologie des événements, on a
suffisamment d'indices qui
permettent de conclure que c’est
le gouvernement libéral de Jean
Charest qui a volontairement
provoqué ce conflit avec les
étudiants. Voici deux indices
importants: d'abord le refus de
négocier du gouvernement libéral
puis la loi 78. Pourquoi le
gouvernement libéral a-t-il
adopté cette stratégie? Pour que
les 75% de Québécois
insatisfaits du gouvernement qui
réclamaient une enquête publique
sur le monde de la construction
oublient le bilan négatif du
gouvernement de Jean Charest et
continuent à voter libéral pour
maintenir l’ordre menacé par les
débordements de toutes sortes
causés par la crise étudiante.
Jean Charest a donc poussé le
cynisme et le machiavélisme
jusqu’à causer un gaspillage de
90 millions de dollars pour
assurer sa réélection. 90
millions, c’est beaucoup plus
que tout ce que pourra nous
apprendre la Commission
Charbonneau sur le financement
des partis politiques. Cette
description de la motivation
principale de Jean Charest est
la seule capable d’expliquer
l’attitude du gouvernement
libéral pendant le conflit
étudiant. Je mets quiconque au
défi d'en trouver une autre.
Même si elle refuse de
l'admettre, la ministre de l'Education,
Line Beauchamp, a participé à ce
scénario jusqu'au moment de sa
démission causée par son
opposition à la loi 78 comme
elle l'a expliqué dans une
entrevue publiée dans le Journal
de Montréal du samedi 2 février
2013 avec comme titre: "J'ai été
naïve".
Voici trois citations.
« La guerre repose sur le
mensonge » ; « L’art de la
guerre » Sun Tzu (5è siècle
avant notre ère).
« Il faut tenir compte de ces
événements dans le choix que
nous ferons le 4 septembre
prochain. » Discours de Jean
Charest à Victoriaville, 11 août
2012.
« Jean Charest a voulu gagner
ses élections contre les
étudiants. » Vincent Marissal, à
l’émission Bazzo, le 7 février
2013.
Comme premier ministre du
Québec, Jean Charest était censé
défendre le bien commun. Or,
pendant tout le conflit, il a
manoeuvré avant tout pour créer
un climat pourri dont il
pourrait tirer un avantage
électoral. Il a été en guerre
contre les étudiants qu’il a
refusé de rencontrer jusqu’à la
dernière minute. Or, selon Sun
Tzu,« la guerre repose sur le
mensonge ». Le mensonge, c’était
de laisser croire que le premier
ministre voulait le bien commun
alors que ce qu’il cherchait,
c’était sa réélection.
C’est Jean Charest lui-même qui
l’a dit à Victoriaville aux
électeurs : « Il faut tenir
compte de ces événements dans le
choix que nous ferons le 4
septembre prochain. » Il parlait
des événements survenus pendant
la crise étudiante. C’est clair
et c’était sa stratégie. Placer
les citoyens devant un choix :
les désordres de la rue et des
carrés rouges ou la loi et
l’ordre soi-disant incarnés par
le gouvernement libéral.
C’est bien ce qu’a constaté
l’observateur de la scène
politique Vincent Marissal qui a
dit, chez Bazzo, le 7 février
2013 : « Jean Charest a voulu
gagner ses élections contre les
étudiants ».
Après neuf ans au pouvoir, le
gouvernement libéral sentait
venir sa fin. Il a donc essayé
de profiter politiquement de la
crise qu’il avait lui-même
causée. Cyniquement et
machiavéliquement, Jean Charest
a projeté de faire une élection
sur la crise étudiante. Ce
serait plus facile de faire une
élection là-dessus que sur le
bilan de son gouvernement.
Il fallait préparer les
élections le plus rapidement
possible. Il fallait provoquer
les manifestations. Il refusa de
rencontrer les leaders
étudiants, il multiplia les
déclarations incendiaires pour
faire monter la pression
toujours plus, il a mis en
danger la paix sociale au
Québec. Rappelez-vous, au lieu
de calmer le jeu et de s’asseoir
avec les étudiants, Jean Charest
a fait des farces plates en
invitant les étudiants à
s'éloigner le plus possible de
Montréal et de Québec en prenant
des jobs dans le Nord. Le
gouvernement libéral lança
sciemment de l’huile sur le feu
en passant une loi spéciale, une
loi inique, inapplicable. Une
loi qui a été aussitôt critiquée
par le Barreau du Québec, par
tous les défenseurs des droits
et libertés et même par l’ONU.
Après avoir tout fait pour ça
aille mal et que le conflit
étudiant dégénère, Jean Charest
déclencha des élections pour le
4 septembre. Contre toute
attente, il faillit gagner son
pari obtenant plus d’un million
de votes et 50 députés. Mais 90
millions avaient été gaspillés
en vain puisqu’il a été battu.
Le bien commun était absent de
toute cette opération. Jean
Charest a fait passer pendant
neuf ans ses intérêts personnels
et électoraux et les intérêts de
ses amis (comme ceux du gaz de
schiste avec Lucien Bouchard en
tête) avant le bien commun du
peuple québécois.
Il était urgent que le
gouvernement change.
Robert Barberis-Gervais, 20
février 2013
barberis@videotron.ca
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