Une loi
spéciale au Parlement de
Québec ou qui a le pouvoir?
par Robert
Barberis-Gervais
Des débats
d’une journée au Parlement
de Québec dimanche le 30
juin 2013 se dégagent les
conclusions suivantes
implacables et brutalement
tirées.
1- Si les
syndicats de la construction
du secteur industriel,
commercial et institutionnel
n’ont pas réussi à faire
céder le patronat sur ses
principales exigences qui
sont des reculs pour les
travailleurs, sur les
horaires, le salaire pour le
temps supplémentaire et la
mobilité de la main-d’oeuvre
alors qu’ils exerçaient leur
droit de grève et exerçaient
un rapport de forces,
comment peut-on dire comme
l’ont fait les partis
d’opposition que les parties
ont un an pour négocier et
pourront en venir à une
entente alors que les
travailleurs n’ont plus
aucun rapport de force ni
aucun moyen de pression. Le
patronat ne cèdera pas et
dans un an, on sera de
nouveau devant un blocage
des négociations à cause de
l’intransigeance patronale.
Le compromis du gouvernement
de donner deux ans aux
parties fut refusé par
l’opposition. De toute
façon, sa proposition
initiale sur quatre ans avec
des augmentations de salaire
était bien meilleure et
favorisait la stabilité sur
les chantiers de
construction pendant quatre
ans pour le plus grand bien
de l’économie québécoise.
2- La
proposition qui remplace 4
ans par un an a été adoptée
par un vote de 57 à 48. Les
libéraux et les caquistes
ont voté pour et les
péquistes et Françoise David
ont voté contre. Qui a le
pouvoir dans ce Parlement ?
Les libéraux et les
caquistes. Ce serait le
résultat de la sagesse des
électeurs diront certains
pseudo-analystes de la radio
poubelle. Permettez-moi de
penser exactement le
contraire. Ce dimanche
spécial fournit amplement
matière à réflexion sur les
inconvénients d’un
gouvernement minoritaire
incapable de faire adopter
des lois qui défendent
l’intérêt général.
3- Les
libéraux et les caquistes
sont pro-patronal. Imaginez
il a fallu insister pour
obtenir le 2% d’augmentation
de salaire pour les
travailleurs. Couillard
proposait moins et les
caquistes aussi.
4- Le fond
du problème, c’est qu’à
cause de la Commission
Charbonneau et de
l’engagement du gouvernement
Marois en faveur de
l’honnêteté dans le monde de
la construction (loi 1 entre
autres), comme la collusion
sera rendue plus difficile
et les extras plus limités,
les entrepreneurs feront
moins de profits. Pour
obtenir plus de profits
après avoir été gâtés
pendant dix ans par un
régime libéral encourageant
la corruption par la
collusion, les entrepreneurs
en construction dans
l’institutionnel, le
commercial et l’industriel
ont décidé de diminuer les
avantages obtenus par les
travailleurs dans des
négociations antérieures. En
faisant leur proposition sur
quatre ans, le gouvernement
Marois empêchait la partie
patronale de continuer son
chantage. En faisant une
proposition sur un an,
l’opposition favorise la
partie patronale qui
continuera de vouloir faire
autant de profits qu’à la
belle époque Charest,
pré-commission
Charbonneau…sur le dos des
travailleurs. Les
entrepreneurs vont souhaiter
un changement de
gouvernement lors des
prochaines élections. Ils
savent que les libéraux et
les caquistes sont
pro-patronal et
anti-syndical. Le parti
libéral se dit le parti de
l’économie, Jean-Marc
Fournier aime le répéter ad
nauseam : quelle farce ! La
Commission Charbonneau va
finir par nous montrer les
rapports entre le
financement du PLQ et la
corruption et la collusion
dans le monde de la
construction.
Parlant de
changement de gouvernement,
ce conflit dans le monde de
la construction et ce
dimanche spécial au
Parlement de Québec
devraient conduire les
progressistes et les
indépendantistes à la
conclusion qu’aux prochaines
élections, il faut élire un
gouvernement péquiste
majoritaire. Le gouvernement
Marois a eu un comportement
irréprochable pendant ce
conflit. Son projet de loi
de retour au travail était
excellent. Il a été trucidé
par les libéraux et les
caquistes comme ils se
préparent à édulcorer tout
projet sur la langue ou la
laïcité après avoir empêché
la création de la Banque de
développement. Laisser
entendre que la ministre du
travail aurait dû négocier
avec l'opposition et que
c'est de sa faute si les
libéraux et les caquistes
ont voté pour un an, c'est
vouloir minimiser la
responsabilité des partis
d'opposition qui sont les
seuls responsables de leur
prise de position
pro-patronale. Agnès Maltais
a beau avoir un style
abrasif, laisser entendre
que si elle avait été plus
souple, son amendement de
donner deux ans à la
négociation aurait passé,
c'est induire les gens en
erreur.
Selon
François Legault,
"reconduire les conventions
pour quatre ans et donner
des hausses de salaire
durant cette période
enlevait « tout rapport de
force à la partie
patronale ». « Le
gouvernement a essayé d’en
passer une petite vite, et
ça n’a pas marché ».
Conclusion : ce que la CAQ a
défendu, c’est la partie
patronale. C'est du
populisme de mauvais goût
que de parler de "p'tite
vite" ou de dire que le
projet de loi gouvernemental
était de l' improvisation et
de bricolage. En disant
n'importe quoi, François
Legault se discrédite.
Quant à Philippe Couillard,
il a fait le même
raisonnement pro-patronal :
sa proposition initiale
d’augmentation de salaire
était moins de 2%.
Il fallait
voir les libéraux et les
caquistes se bomber le torse
avec leur vote de 57 à 48.
Cette situation est
insupportable. Il va falloir
régler ça aux prochaines
élections. En espérant que
la majorité de la population
aura compris quel parti
défend ses intérêts. Et ce
n’est pas le Parti libéral
ni la CAQ.
Voilà les
conclusions politiques
éminemment pédagogiques
qu’on doit tirer des débats
entourant l’adoption de la
loi 54 sur le retour au
travail des 77,000
travailleurs de la
construction dans les
secteurs institutionnels,
commercial et industriels.
L'avenir dira si les
travailleurs auront gaspillé
deux semaines de salaire en
faisant la grève: ils auront
au moins sauvé un an avant
que les associations
patronales de construction
ne reviennent à la charge.