jeudi 27 juin 2013
La découverte
de la démocratie par des paysans
et pêcheurs chinois
par Robert
Barberis-Gervais
Les expropriations de terres
sont devenues un problème aigu
en Chine, où des paysans
accusent les cadres locaux
corrompus de s’allier à des
promoteurs véreux pour
s’enrichir sur leur dos.
Mardi, le 18 juin 2013, aux
Grands reportages à RDI : "un
village chinois bat la
corruption".
LA RÉVOLTE D’UN VILLAGE CHINOIS.
Un documentaire qui retrace les
5 mois de combats menés par les
résidents d’un petit village
chinois qui se sont soulevés
contre le chef du parti local
qui se remplissait les poches
par le biais d’expropriations
immobilières malhonnêtes.
Les habitants du village de
Wukan ont pris conscience que
seule la démocratie peut
défendre l’intérêt collectif.
En septembre 2011, les habitants
de ce village de 13 000 âmes se
révoltent contre le chef du
parti communiste local, accusé
d’avoir bradé un tiers des
terres du village. Onze semaines
plus tard, les autorités
provinciales donnent raison aux
manifestants. Les cadres
corrompus sont emprisonnés et
des élections libres sont
organisées.
Si les chefs de village sont
élus en Chine depuis les années
1980, le scrutin est
généralement confisqué par le
parti communiste qui gère les
candidatures. L’élection de
Wukan en mars 2012 est le
premier exemple de scrutin
libre. Sept personnes, dont des
leaders de la révolte, sont élus
au comité de village.
Le reportage raconte les
péripéties de cette découverte
de la démocratie par un village
dont les principales ressources
proviennent de la pêche et de
l’agriculture.
L’objectif était de récupérer
les terres agricoles. Il fallait
remplacer les cadres corrompus
par des représentants élus
démocratiquement. Des leaders
naturels ont animé des
assemblées publiques. Ces
gens-là n’avaient jamais
participé à un processus
démocratique. Il y avait 7
districts et sept représentants
à élire. La question s’est posée
: est-ce qu’on allait tirer au
sort les sept personnes. Non, et
c’était le gros bon sens, il
fallait choisir selon la
compétence et non selon le
hasard, la compétence étant
définie comme l’intégrité,
l’engagement, l’intelligence des
enjeux.
Mais qu’arrivera-t-il si les
élus ne sont pas à la hauteur de
la tâche ? L’assemblée pourra
les démettre de leurs fonctions.
Lors d’une assemblée électorale
les candidats firent des
discours. Les leaders de la
révolte furent éloquents. La
fille d’un manifestant mort
après une manifestation se
présenta : à la mémoire de son
père, elle devait s’engager. Ce
fut touchant. Les candidats sont
des leaders authentiques. Ce qui
frappe c’est leur simplicité et
leur plaisir de dire qu’ils
agiront au nom du bien commun.
Ils sont convaincants.
Sauf un ancien cadre du parti
communiste qui osa se présenter.
Il avait de l’expérience et de
la proximité…avec les autorités
communistes. Pendant son
discours, un vieil homme dans
l’assemblée lui tourna
ostensiblement le dos. Les
jeunes l’ont vu et ont ri. A la
fin du discours, le vieux se
leva, monta sur la scène et dit
: "N’écoutez pas ce menteur". Il
fut applaudi.
Pendant les deux journées
d’élection, la bonne humeur
régnait. Sept représentants
furent élus dont le mandat était
de récupérer les terres
agricoles.
Avant que les autorités
provinciales n’approuvent la
démarche des villageois de Wukan,
la révolte des paysans et des
pêcheurs s’exprima dans des
manifestations violemment
réprimées par l’escouade
anti-émeute au service du
pouvoir en place. On nous
informe qu’il y a plus de
100,000 manifestations par année
en Chine et qu’il en coûte 8
milliards par année pour
"’maintenir l’ordre".
L’escouade anti-émeute est très
contrariée par des films qui
sont tournés des événements dont
certains auront une diffusion
mondiale. Quand j’étais jeune,
de la buanderie de la rue Robin
entre les rues Montcalm et
Amherst, j’ai gardé l’image
d"une petite femme chinoise au
dos arrondi, modeste, humble,
aimable et serviable. Quel
contraste, pendant les
manifestations, de voir des
femmes chinoises qui engueulent
vertement les policiers !
Des paysans et des pêcheurs
chinois ont compris que c’est
par la démocratie qu’on peut
défendre le bien commun. Aux
élections, le taux de
participation a été de 80%.
C’était leur première expérience
vécue dans le rire et la bonne
humeur.
Ce fut un grand reportage fort
instructif et fort utile pour
combattre le cynisme ambiant.
Comme mon sujet est la
découverte de la démocratie par
des paysans chinois pour contrer
l’expropriation de terres
agricoles par des promoteurs
immobiliers, il fallait
s’attendre à ce qu’un obsédé de
l’île Bizard rapplique. Certains
sont visiblement en guerre
contre Pauline Marois en passant
par son mari, un homme
d’affaires qui a réussi en
prenant les moyens habituels
utilisés par les promoteurs
immobiliers pour réussir. On
peut le déplorer, mais ils sont
très nombreux les projets de
développement immobilier autour
de Montréal, dans la couronne
nord (Laval etc) comme la
couronne sud
(Longueuil-St-Hubert etc), qui
ont exigé du dézonage agricole.
Est-ce qu’à chaque fois, il
fallait en faire un drame et
déchirer ses vêtements sous le
coup de l’indignation ! Dans le
cas de l’île Bizard, on est
devant un beau cas d’indignation
sélective...
Si on blâme Claude Blanchet et
ses associés et la Commission de
protection du territoire
agricole de l’île Bizard, il va
falloir blâmer pas mal de monde
qui se sont enrichis en
réalisant des projets de
développement immobilier sur la
couronne nord et la couronne sud
de Montréal et ailleurs aussi
dans tout le Québec. Cela
s’appelle, je crois, l’étalement
urbain. Il va falloir aussi
blâmer, quant à y être, le
capitalisme lui-même.
La conclusion c'est que le
dézonage des terres agricoles
qui a été souvent fait chez nous
ne se compare pas à ce qui s’est
passé dans ce village chinois où
les paysans n’avaient que leurs
terres pour vivre.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
jeudi 27 juin 2013
barberis@videotron.ca
|