vendredi 24 mai 2013
Le printemps
érable, une crise fomentée par
le PLQ de Jean Charest
par Robert
Barberis-Gervais
Rappelons que le
mandat de la commission sur le
printemps érable comporte quatre
volets : « Analyser les
circonstances des manifestations
et des actions de perturbation
». « Déterminer les facteurs qui
ont contribué à la détérioration
du climat social et évaluer les
impacts ». « Dégager des
constats », et ensuite formuler
des recommandations.
En exergue, plaçons la phrase de
Jean Charest qui explique
l’essentiel du conflit étudiant
: "Aux élections du 4 septembre,
les Québécois auront à choisir
entre la loi et l’ordre, le
développement économique et la
rue."
Voici les conclusions
prévisibles de l'enquête de la
commission sur le printemps
érable.
Le 17 mars 2011, une mesure
budgétaire du gouvernement du
Québec qui consistait à
augmenter les frais de scolarité
universitaires de 325$ par année
pendant cinq ans a provoqué une
des mobilisations citoyennes les
plus remarquables de l’histoire
du Québec.
Cette mobilisation s’est faite
dans un contexte où le
gouvernement du Québec, avec un
taux d’insatisfaction de 75%,
était en déficit de crédibilité
à cause de son manque
d’intégrité et de sa complicité
avec la corruption dans le monde
de la construction, par le
patronage dans l’attribution des
places en garderies et, en
général, dans sa façon
méprisante et anti-démocratique
de traiter ses adversaires, on
se demande si c’est parce que la
chef de l’opposition était une
femme.
Le premier ministre Jean Charest
lui-même était accusé de
multiplier les mensonges comme
on l’a vu devant la Commission
Bastarache où tout le monde a dû
se poser la question : "Qui
ment, Marc Bellemare ou Jean
Charest ?"
Jean Charest avait caché pendant
dix ans un revenu (minimum
admis) de 75,000$ par année
venant du Parti libéral ; il
avait menti sur les pertes à la
Caisse de dépôt ; il avait
laissé les promoteurs de
l’industrie du gaz de schiste
creuser des puits le long de la
vallée du St-Laurent sans
l’accord de la population ; il
avait fait des centaines de
nominations partisanes à coups
de post-it comme si le fait
d’être libéral rendait compétent
pour tous les postes disponibles
; il fraternisait avec Paul
Desmarais et Nicolas Sarkozy qui
fit des déclarations
fédéralisantes sur l’avenir du
Québec ; il a appuyé des
ministres patroneux comme Tony
Tomassi et Robert Whissel qui
ont dû démissionner ; il a
autorisé les écoles passerelles
pour plaire à son électorat
anglophone et anglophile
(ex-immigrants) et ne fit rien
pour contrer le recul du
français à Montréal ; il a
tabletté le rapport
Bouchard-Taylor sur les
accommodements raisonnables et
la laïcité des institutions
québécoises.
Il en est résulté une grande
insatisfaction dans l’électorat
et une perte de crédibilité pour
Jean Charest lui-même. Son refus
répété de déclencher une
commission d’enquête sur
l’industrie de la construction
comme le réclamait presque toute
la société civile mécontenta
tout le monde et laissa planer
les pires soupçons quand aux
sources de financement du Parti
libéral.
Après neuf ans de pouvoir, pour
éviter d’avoir à rendre des
comptes sur ce bilan désastreux,
la crise étudiante se présenta
comme une bouée de sauvetage
inespérée pour Jean Charest qui
voulait un quatrième mandat.
Cette utilisation d’une crise
provoquée et prolongée
volontairement à des fins
politiques électorales est la
clef de l’explication des
principaux événements qui ont
ponctué le printemps érable.
Telle est la principale et la
plus importante conclusion qui
résulte de notre enquête.
En effet, c’est le gouvernement
libéral de Jean Charest qui a
volontairement provoqué ce
conflit avec les étudiants.
Pourquoi ? Pour que les 75% de
Québécois insatisfaits du
gouvernement oublient la
corruption du gouvernement et
votent libéral pour maintenir
l’ordre menacé par les
débordements de toutes sortes
causés par la loi 78 et le refus
de négocier du gouvernement
libéral.
Soulignons que le conflit
étudiant provoqué et entretenu
par les Libéraux a coûté 90
millions. Les universités ont
dépensé environ 13 millions de
dollars en salaires
supplémentaires pour les chargés
de cours. Pendant cette crise,
les universités ont subi 12
millions de pertes pour des
cours annulés. Les universités
ont dû dépenser 4 millions pour
la sécurité et pour couvrir les
dépenses liées à cette crise. Au
total, 29 millions seulement
pour les universités. Pour les
cégeps, la grève a coûté un
autre 30 millions de dollars en
heures supplémentaires. Il y a
eu ensuite les coûts des
services de police. On évalue à
30 millions de dollars les coûts
liés aux services de police pour
gérer cette crise que le
gouvernement a provoquée : 20
millions à Montréal ; 6,7
millions pour la Sûreté du
Québec ; 1 million à Québec ;
800 000 $ à Longueuil ; 700 000
$ à Gatineau ; 400 000 $ à
Sherbrooke. À ces montants, il
faut ajouter un autre million de
dollars en publicités que le
gouvernement libéral a diffusées
pour tenter de gagner l’opinion
publique alors que les
manifestations se multipliaient.
Au total la crise a coûté 90
millions.
Jean Charest a donc poussé le
cynisme et le machiavélisme
jusqu’à causer un gaspillage de
90 millions de dollars de fonds
publics pour assurer sa
réélection. 90 millions, c’est
beaucoup plus que tout ce que
pourra nous apprendre la
Commission Charbonneau. Cette
description de la motivation
principale de Jean Charest est
la seule capable d’expliquer
l’attitude du gouvernement
libéral pendant le conflit
étudiant.
Comme premier ministre du
Québec, Jean Charest était censé
défendre le bien commun. Or,
pendant tout le conflit, il a
manoeuvré avant tout pour créer
un climat pourri dont il
pourrait tirer un avantage
électoral. Il a été en guerre
contre les étudiants qu’il a
refusé de rencontrer jusqu’à la
dernière minute. Or, selon Sun
Tzu,« la guerre repose sur le
mensonge ». Le mensonge, c’était
de laisser croire que le premier
ministre voulait le bien commun
alors que ce qu’il cherchait,
c’était sa réélection.
C’est Jean Charest lui-même qui,
le 11 août 2012, l’a dit à
Victoriaville aux électeurs : «
Il faut tenir compte de ces
événements dans le choix que
nous ferons le 4 septembre
prochain. » C’est clair et
c’était sa stratégie. Placer les
citoyens devant un choix : les
désordres de la rue et des
carrés rouges ou la loi et
l’ordre soi-disant incarnés par
le gouvernement libéral.
C’est bien ce qu’a constaté un
observateur de la scène
politique qui a dit : « Jean
Charest a voulu gagner ses
élections contre les étudiants
».
Récapitulons.
En mars 2011, lors du discours
du budget, le gouvernement
libéral annonçait officiellement
sa décision : à partir de
l’automne 2012, les droits de
scolarité devaient être haussés
de 325 $ par année pendant cinq
ans, un total de 1 625 $. Les
étudiants ont commencé à
s’organiser contre cette hausse
brutale. Ils ont commencé à
expliquer leur point de vue et à
voter des mandats de grève
générale. Le gouvernement a joué
sur les mots en appelant ces
grèves des boycotts. Il a donné
tout le temps voulu à des
réactionnaires de droite comme
Richard "sangria" Martineau pour
faire de la démagogie et du
sensationnalisme sur le dos des
étudiants.
Or, après neuf ans de pouvoir,
le gouvernement libéral avait
perdu son autorité morale. Il ne
jouissait plus du respect de la
population. Son refus pendant
des mois et des mois de mettre
sur pied une commission
d’enquête sur la corruption lui
avait fait perdre toute
crédibilité et limitait sa
capacité à lancer des réformes
controversées qui divisaient la
population. Le gouvernement
libéral sentait venir sa fin. Il
a donc essayé de profiter
politiquement de la crise qu’il
avait lui-même causée. Jean
Charest a projeté de faire une
élection sur la crise étudiante.
Ce serait plus facile de faire
une élection là-dessus que sur
le bilan de son gouvernement.
La crise ne se résorbant pas, il
fallait préparer les élections
le plus rapidement possible. Il
fallait provoquer les
manifestations. On pouvait
compter sur les casseurs en noir
et masqués que la police
n’arrêtait pas leur donnant
ainsi le temps de faire du
désordre et sur certains
éléments de la police complices
des stratégies gouvernementales
pour fomenter de la violence
pendant les manifestations. On
refusa de rencontrer les leaders
étudiants, on multiplia les
déclarations incendiaires pour
faire monter la pression
toujours plus, on a mis en
danger la paix sociale au
Québec. L’infâme loi 78
provocatrice était voulue pour
créer encore plus de désordre
dans le but d’instrumentaliser
la crise. Au lieu de calmer le
jeu et de s’asseoir avec les
étudiants, Jean Charest a fait
des farces plates sur les jobs
dans le Nord pendant que des
étudiants se faisaient asperger
de poivre de cayenne dans les
yeux. Christine St-Pierre,
ministre dévoyée et indigne de
la Culture, accusa même un doux
barde comme Fred Pellerin de
porter un carré rouge et de
faire de l’intimidation.
Le gouvernement libéral lança
sciemment de l’huile sur le feu
en passant une loi spéciale, une
loi inique, inapplicable qui
révolta la population. Une loi
qui a été aussitôt critiquée par
le Barreau du Québec, par tous
les défenseurs des droits et
libertés et même par l’ONU.
Pris dans cette logique
infernale et voulue, après avoir
tout fait pour ça aille mal,
Jean Charest déclencha des
élections pour le 4 septembre.
Contre toute attente, il faillit
gagner son pari obtenant plus
d’un million de votes et 50
députés. Mais 90 millions
avaient été gaspillés en vain
puisqu’il a été battu.
Le bien commun était absent de
toute cette opération du
gouvernement Charest. Comme il
était absent des centaines de
millions gaspillés pour tenir
ouverte la centrale nucléaire de
Gentilly malgré un rapport
d’Hydro-Québec qui proposait la
fermeture et que Jean Charest
connaissait.
Pendant neuf ans, Jean Charest a
fait passer ses intérêts
personnels et électoraux et les
intérêts de ses amis (comme ceux
du gaz de schiste avec Lucien
Bouchard en tête) avant le bien
commun du peuple québécois. Il
était urgent que le gouvernement
change. La révolte des étudiants
contribua à la défaite libérale.
Les forces vives de la société
québécoise, jeunes et moins
jeunes, se sont mobilisées dans
le but d’obtenir la
démocratisation de
l’enseignement supérieur. Elles
ont montré la nécessité de
l’engagement pour obtenir des
changements et elles ont
terrassé le cynisme et la
passivité. Ces actions ont
suscité l’admiration dans le
monde entier. Elles ont bien
mérité le nom de "printemps
érable". Et elles permettent
d’entrevoir l’avenir avec
optimisme. Quand la jeunesse
d’un pays se lève, tous les
espoirs sont permis.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
vendredi 24 mai 2013
barberis@videotron.ca
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