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mercredi 13 mars 2013

Le fiasco d’Agnès Maltais ?

Par Robert Barberis-Gervais

Les péripéties entourant le projet de réforme de l’aide sociale de la ministre Agnès Maltais m’ont rappelé un livre de Michel-Antoine Burnier publié en 1986 en collaboration avec Frédéric Bon et intitulé : "Que le meilleur perde". Cet essai politique publié cinq ans après la victoire de la gauche en 1981 décrit d’une manière humoristique les erreurs pathétiques de la gauche qui ne manquait jamais une occasion de faire les choses de travers comme si elle tenait absolument à se nuire elle-même, ce qui portait à conclure qu’elle n’avait pas besoin d’adversaires, elle s’occupait parfaitement elle-même de se faire du tort devant l’opinion publique.

Soit dit en passant, le titre de cet essai ainsi que certains de mes déboires électoraux comme candidat à différents postes sur l’exécutif syndical de mon collège pendant trois décennies m’ont inspiré une des pensées politiques qu’il ne faut jamais oublier quand on parle d’élections : "dans une élection, ce n’est pas le meilleur qui gagne, c’est celui qui a le plus de votes". Ce qui est arrivé dans une vingtaine de comtés où le libéral ou le caquiste a gagné le 4 septembre 2012 parce que le vote progressiste ou indépendantiste s’est divisé en trois, Parti québécois, Québec solidaire et Option nationale, ce qui, selon l’analyse de Pierre Serré publiée dans l’Action nationale risque malheureusement de se reproduire aux prochaines élections générales d’ici deux ans au plus tard.

Imitant la gauche française, Agnès Maltais a tout fait pour que son projet soit contesté. Si on entre dans sa psychologie profonde, quand elle a reçu le mandat du Conseil du trésor d’économiser une vingtaine de millions dans l’aide sociale, elle savait que sa modeste réforme serait comparée aux compressions budgétaires de l’assurance-emploi de l’affreux gouvernement Harper. S’en en suivi une série d’actes manqués.

D’abord donner l’impression que vous voulez procéder en catimini. Sous prétexte que le conseil des ministres n’avait pas encore approuvé le projet, ne pas en dire un mot à la commission parlementaire de l’étude des crédits et donner l’occasion à la grande défenderesse des pauvres et des opprimés Françoise David de déchirer ses vêtements "comme parlementaire" puisque c’est dans La Gazette officielle que les détails de la réforme ont été dévoilés, ce qui est exactement ce qu’il fallait faire pour donner l’impression que le projet était coulé dans le ciment.

Puis pour calmer le jeu, annoncer que des consultations auront lieu pour que puissent s’exprimer tous les défenseurs des parents ayant un enfant de 5 ans et moins ou des travailleurs de plus de 55 ans ou des toxicomanes menacés de perdre 129$ par mois et donc de revenir au montant minimum d’aide sociale de 604$ par mois. Par ailleurs, donner l’occasion à Stéphane Bédard du Conseil du Trésor d’affirmer que la réforme est bonne et nécessaire et laisser croire qu’elle ne sera pas tellement modifiée. Et ainsi minimiser l’importance des 45 jours de consultation.

Ensuite, au moment où les journalistes ont le plus soif d’information, partir pour New-York pour participer à on ne sait trop quelle réunion de l’ONU dont personne ne voit la nécessité ou l’urgence. Répondre aux questions au téléphone avec une voix caverneuse et donner l’occasion à nos experts en information continue tronquée et imprécise de ne prendre que de brefs extraits incomplets qui ne font qu’ajouter de la confusion.

Donner ainsi l’occasion à des commentateurs de montrer comment Agnès Maltais fait exactement la même chose avec l’aide sociale que ce que le gouvernement honni de Stephen Harper a fait avec l’assurance-emploi : tenter d’étrangler les plus mal pris de la société. Car il ne faut pas oublier que pendant que la ministre concevait son projet, elle est allée à Ottawa demander à la ministre fédérale si elle avait fait des études d’impact sur les conséquences désastreuses de sa réforme de l’assurance-emploi ce qui a donné l’occasion à une porte-parole des chômeurs affamés d’accuser la ministre québécoise d’hypocrisie, ce qui a été repris avec volupté par tous les acharnés contre le gouvernement Marois.

Par sa série d’actes manqués, Agnès Maltais nous a donc montré tout ce qu’il faut faire pour se mettre dans le trouble. Je tenais à le souligner peu de jours après la journée internationale de la femme. Même si cela n’est pas typiquement féminin puisqu’on pourrait faire une analyse semblable des actions de Jean-François Lisée à propos de la nomination d’André Boisclair comme sous-ministre après l’avoir nommé comme délégué général à New-York (on aurait dû faire l’inverse : le nommer sous-ministre puis, deux semaines plus tard, l’envoyer à New-York) ou à propos de l’opportunité de demander aux employés de la Société montréalaise de transport de parler anglais donnant ainsi raison à la Portugaise qui a porté plainte contre un employé qui avait affiché : « Au Québec, c’est en français que ça se passe. » Comme si l’anglais était en péril à Montréal et les pauvres touristes traumatisés si on leur parle français dans un "pays" où le français est la langue officielle et la langue de travail…du moins en théorie. C’est justement pour ça qu’il y a un problème, c’est que le Québec n’est pas un pays.

Pour finir de remonter la côte en justifiant sa réforme basée sur un renouveau du concept de difficultés à trouver un emploi qui ne s’appliquerait pas aux parents ayant un enfant de 5 ans ou moins (ils sont deux parents et y a des garderies…) ou aux personnes entre 55 ans et 58 ans qui n’auraient pas tant d’obstacles à trouver un emploi puisque les besoins de main-d’oeuvre sont là, passer à Tout le monde en parle et parler des 195$ par mois offerts aux 55 ans et plus qui s’inscriraient vraiment dans un parcours de recherche d’emploi. Mais vous avez vu comment elle a été obligée à ramer à contre courant

Ainsi après La Gazette officielle et les voyages à Ottawa et New-York au plus mauvais moment, la ministre sera retombée sur ses pieds et nous avec. Sa tentative de réforme est justifiée et n’a aucune commune mesure avec celle de l’assurance-emploi. Mais elle a tout fait pour qu’on fasse une tempête dans un verre d’eau. Saviez-vous que la coupure de 129$ ne s’applique pas aux 55 ans qui sont déjà dans le système. Ils continueront de recevoir 733$ par mois. La coupure ne s’applique qu’aux cas nouveaux qui se verront offrir 195$ par mois s’ils acceptent de s’insérer dans un parcours de recherche d’emploi et qui seront rencontrés un par un individuellement "ce qui ne s’est jamais fait" a dit la ministre. Mais Agnès Maltais a reçu de Jean Lapierre le prix du mauvais coup de la semaine. Elle ne l'a pas volé. Au point de vue des communications, nous venons d'assister à un fiasco. Cela nous rappelle la lutte féroce et sans appel de la députée de Taschereau en faveur de la construction de l'aréna multifonctionnel de Québec qui a provoqué l'implosion de la députation du Parti québécois et qui a failli entraîner la chute de Pauline Marois.

Robert Barberis-Gervais, Vieux-Longueuil, 12 mars 2013

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