lundi 18 mars 2013
La mort de
Paul Rose, une occasion de
réfléchir sur la démocratie
québécoise
Par Robert
Barberis-Gervais
Pour donner suite
à mon dernier texte sur les
actes manqués d'Agnès Maltais,
je poserai une question sur le
fond de la question de l'aide
sociale: peut-on reprocher à une
ministre d'essayer de briser le
cercle vicieux de la dépendance?
Et je me rappelle une sainte
colère d'une de mes anciennes
élèves qui travaillait de
nombreuses heures chez Hurteau
sur la rue Hotel-Dieu à Sorel et
qui déplorait que ses voisins
sur l'aide sociale se vantent
d'avoir plus d'argent qu'elle en
travaillant au noir en plus de
recevoir leur chèque d'aide
sociale.
A l'occasion du décès de Paul
Rose, certains analystes comme
Patrick Lagacé ou Mathieu
Bock-Côté croient avoir tout dit
quand ils ont qualifié Paul Rose
de « terroriste » ce qui veut
dire personne qui utilise la
terreur et la violence pour
essayer d’imposer ses idées
politiques. C'est pourtant une
évidence que les enlèvements de
James Cross et de Pierre Laporte
sont des actions terroristes.
Mais ce serait plus intéressant
et plus pertinent de mettre
l'accent sur les circonstances
historiques de l'action des
felquistes de la crise d'octobre
1970. Et de s'interroger sur les
graves dysfonctionnements de la
démocratie québécoise dans les
années soixante-dix. Il faut
essayer de comprendre les causes
de ces actions que,
personnellement, je désapprouve.
Dans les films qui décrivent la
guerre de 1939 en Europe, les
Allemands traitent de «
terroristes » les Français de la
Résistance qui font dérailler
des trains ou attaquent des
convois militaires à l’explosif.
Par ailleurs, on se souvient du
général De Gaulle qui, lors de
son voyage du « Vive le Québec
libre », devant les acclamations
du peuple, a affirmé avoir cru
revivre l’atmosphère de la
libération de Paris à la fin de
la guerre. Magnifique, De Gaulle
est reparti vers la France sur
son bateau Le Colbert en
tournant le dos à Ottawa avec le
panache d’un Cyrano de Bergerac.
J’en aurais beaucoup à dire sur
Paul Rose, ses actions et
surtout sur les circonstances
historiques qui les expliquent
sans pourtant les justifier, à
mes yeux, en tout cas. Je l’ai
accompagné pendant toute une
semaine à Montréal en Renault 4
pour aller chercher à travers la
ville des témoignages sur la
violence policière pendant la
manifestation du 24 juin 1968
qui ont été publiés dans "« Le
Lundi de la matraque » (1968),
violence policière provoquée par
Pierre Elliott Trudeau qui
allait récidiver, plus gravement
encore, en 1970, par la violence
militaire de la loi des mesures
de guerre et l’emprisonnement
arbitraire de 450 citoyens et
citoyennes du Québec. Sans
parler de la violence politique
de la Constitution de 1982 d’un
pays qui a commencé en 1759-60
dans la violence par une
conquête par les armes,
Constitution qui a été imposée
aux Québécois sans leur
consentement et qu’ils n’ont pas
signée.
Et c’est mon beau-frère Michel
Viger (qui était contre la
violence et contre les
enlèvements) qui dans sa ferme à
St-Luc a caché ces militants qui
ont protesté avec raison contre
la fausse démocratie "canadian"
et les turpitudes bourassistes
qui sont décrites dans « De la
clique des Simard à Paul
Desrochers » et dans « Ils sont
fous ces libéraux » deux livres
qu’il est utile d'avoir lus pour
comprendre la révolte des
felquistes et singulièrement
celle de Paul Rose. Et surtout
pour avoir une idée de l'état
piteux de la démocratie au
Québec à cette époque.
Quand on parle de la violence
felquiste, il faut aussi parler
des violences fédéralistes que
je viens d'énumérer. Et des
violences du passé comme celle
des Anglais qui en 1839 ont
pendu le Chevalier De Lorimier
dont le Testament politique est,
à mon avis, plus fort que le
Manifeste du FLQ lu à la
télévision pendant la crise
d'octobre 1970.
Ce Testament politique écrit en
prison ne justifie en rien la
mort d'un ministre mais en voici
la conclusion:
"Je laisse des enfants qui n’ont
pour héritage que le souvenir de
mes malheurs. Pauvres orphelins
; c’est vous que je plains.
C’est vous que la main sanglante
et arbitraire de la loi martiale
frappe par ma mort. Vous n’aurez
pas connu les douceurs et les
avantages d’embrasser votre père
aux jours d’allégresse, aux
jours de fête. Quand votre
raison vous permettra de
réfléchir, vous verrez votre
père qui a expié sur le gibet
des actions qui ont immortalisé
d’autres hommes plus heureux. Le
crime de votre père est dans l’irréussite.
Si le succès eût accompagné ses
tentatives, on eût honoré ses
actions d’une mention honorable.
(…)
Quant à vous mes compatriotes !
Puisse mon exécution et celle de
mes compagnons d’échafaud vous
être utiles. Puissent-elles vous
démontrer ce que vous devez
attendre du gouvernement
anglais. Je n’ai plus que
quelques heures à vivre, mais
j’ai voulu partager ce temps
précieux entre mes devoirs
religieux et ceux dus à mes
compatriotes. Pour eux, je meurs
sur le gibet de la mort infâme
du meurtrier, pour eux je me
sépare de mes jeunes enfants, de
mon épouse,(…) et pour eux je
meurs en m’écriant :
Vive la Liberté, Vive
l’indépendance.
Chevalier de Lorimier
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil, 18 mars 213
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