mardi 19 novembre 2013
Réponses aux
objections contre la Charte de
la laïcité
par Robert
Barberis-Gervais
Je ne prétends
pas apporter des réponses
définitives aux objections qu’on
fait contre la Charte des
valeurs québécoises. Mais il ne
faudrait pas que ceux et celles
qui approuvent la Charte se
laissent impressionner par les
arguments des opposants et se
mettent à douter d’eux-mêmes.
C’est dans cet esprit que cet
article a été écrit en mettant
l’accent sur la question des
signes ostensibles religieux et
surtout sur le voile intégriste
musulman. J’approuve la loi 60
tout en me posant des questions
sur le temps qui serait alloué
pour que les gens concernés
s’adaptent à la loi.
Voici des
objections contre la Charte des
valeurs québécoises et les
réponses qu’on peut faire.
Objection. L’Etat
n’a pas à décider des vêtements
que portent les citoyens et
citoyennes. Réponse. Au nom de
la neutralité de l’Etat, il est
légitime de décider que les
signes religieux ostensibles ne
doivent pas être portés par les
employés des secteurs public et
para-public. Quand les
intégristes de la religion
musulmane imposent aux femmes
musulmanes l’obligation de
porter le voile dans un rapport
de domination de l’homme qui
veut contrôler la sexualité de
la femme, ne pas intervenir,
c’est être complice de cette
domination. Si tel vêtement est
un signe religieux, la personne
qui le porte projette sa
religion sur celui qui reçoit le
service. Cette projection n’est
pas souhaitable.
O. Porter le
voile est un droit fondamental
de la femme musulmane.
R. Porter le
voile n’est pas un droit absolu.
Au nom de la neutralité de l’Etat,
il est raisonnable d’exiger
qu’il n’y ait pas de signes
religieux ostensibles (dont le
voile) sur les heures de travail
pour les employés de l’Etat. En
dehors des heures de travail,
les femmes musulmanes peuvent
porter le voile si elles le
veulent. Ce n’est pas honnête
d’accuser la Charte de s’opposer
au voile en toutes circonstances
et en tout temps puisque ce
n’est pas vrai. Par conséquent,
quand les Canadiens anglais ont
dit que le Québec, sous la
Charte, rejetterait l’admirable
paquistanaise Malala parce
qu’elle porte le voile, ils font
l’erreur de donner plus
d’extension à la charte quelle
n’en a en réalité. Est-ce que
cette erreur répétée à
Radio-Canada est une preuve de
mauvais foi ? Je crois que oui.
O. Les femmes
qui portent le voile qui
travaillent dans des garderies
perdront leur emploi si elles
refusent d’enlever leur voile.
Et celles qui portent le voile
ne pourront travailler dans le
secteur public et para-public :
c’est de la discrimination à
l’emploi. R. Ces femmes sont
syndiquées ; elles ont de
l’ancienneté et des droits
acquis. Aucune ne devrait perdre
son emploi. Toutefois, du moment
où la loi est adoptée, le voile
serait interdit à toutes les
nouvelles employées des
garderies.
O. Pour
certaines femmes musulmanes, le
voile fait partie de leur
religion et est une obligation
incontournable. Elles ne peuvent
donc pas l’enlever sans trahir
leur religion musulmane. Il faut
respecter leur liberté de
religion et leur liberté de
conscience. R. Si vous allez sur
la page de Wikipedia sur le
voile (le hijab), vous apprenez
que des théologiens islamistes
sérieux affirment que le voile
n’est pas obligatoire selon le
Coran. Le Coran demande à la
femme la modestie dans le
vêtement. Ces théologiens disent
que si la femme qui porte le
voile est placée dans une
situation d’avoir à choisir
entre un emploi et le voile,
qu’elle choisisse l’emploi. Et
si certains prétendent le
contraire et font du voile une
obligation absolue, ces
théologiens de l’islam disent
que c’est une sorte d’intégrisme
incompatible avec l’islam
authentique. Ce serait ridicule
de dire que ces théologiens de
l’islam sont islamophobes. Ils
ne sont pas islamophobes : ils
sont contre une certaine forme
d’intégrisme qui est une
perversion de l’Islam.
O. Les avis
juridiques que le gouvernement
cache disent que la loi 60 est
inconstitutionnelle et ne
respecte pas les Chartes
canadienne et québécoise des
droits de la personne. C’est
l’opinion de la commission des
droits de la personne. R. C’est
bien possible et c’est normal
puisque la loi 60 veut modifier
la Charte québécoise des droits
de la personne. Quand ces
modifications auront été votée
par le Parlement québécois, les
règles du jeu seront modifiées
et les Tribunaux appliqueront
ces nouvelles règles. Et s’il le
faut, qu’on se serve de la
clause nonobstant comme l’a déjà
fait Robert Bourassa, ce qui est
rappelé dans la déclaration de
Fatima Houda-Pépin contre le
tchador et contre la position du
Parti libéral du Québec sur la
Charte des valeurs.
O. Vous n’avez
pas fait d’études à l’appui de
la loi 60. R. La neutralité de
l’Etat et son application
pratique chez les employés de l’Etat
est une question de principe. La
question du nombre précis de
personnes qui seraient touchées
par la loi 60 n’est pas
pertinente. A ce propos, Guy
Rocher a affirmé que ce qui est
visé c’est le vivre ensemble
présent et surtout à l’avenir :
il faut faire de la prévision et
ne pas attendre qu’il y ait
crise…comme ailleurs dans le
monde occidental dans de
nombreux pays où la vie sociale
est perturbée gravement par le
multiculturalisme qui encourage
la non-intégration à la société
d’accueil.
O. Vous vous
êtes basé sur des courriels et
des impressions vagues
recueillies dans la rue. R. Le
gouvernement a fait de larges
consultations sous toutes sortes
de formes et écoute une
population majoritairement
favorable à la loi 60. C’est un
mépris de la majorité de la
population que de parler
péjorativement de populisme. De
plus, la loi 60 remplit une
promesse que le Parti québécois
a faite pendant la campagne
électorale.
O. Une
variante de cette objection
consiste à parler de la tyrannie
de la majorité qui aurait
tendance à opprimer les
minorités en les privant de
leurs droits, en particulier
leurs droits religieux. R. Les
droits collectifs existent aussi
pas seulement les droits
individuels. Si au nom de la
collectivité, le Parlement de
Québec vote la loi 60, cette loi
devra être respectée par tous
les Québécois sans exception. En
démocratie, c’est la majorité
qui décide. Exiger l’unanimité
est une aberration. Une société
est autre chose que l’addition
de citoyens qui ont des droits
individuels. Il y a aussi des
droits collectifs. C’est au nom
des droits individuels des
immigrants qu’on s’opposait à la
Charte du français, Charte qui
était absolument nécessaire à la
préservation et au développement
d’une société française en
Amérique.
O. Par votre
loi, vous allez pousser les
femmes voilées à s’appuyer
encore plus sur les hommes
intégristes qui vont les
féliciter de continuer à porter
le voile malgré l’extrémisme
péquiste.
R. Au
contraire, la loi 60 est une
contestation de l’intégrisme
religieux. Elle devrait réussir
à faire réfléchir les femmes
voilées sur l’obligation absolue
qui leur est faite de porter le
voile et sur les motivations des
hommes qui imposent cette
obligation. Cela pourrait donner
l’occasion d’une libération de
la femme musulmane. J’admets
toutefois que les femmes placées
dans la situation d’avoir à
choisir entre leur voile et un
travail, devront remettre en
question l’intégrisme des hommes
musulmans et remettre en
question leur propre intégrisme
qui les a poussées à croire
qu’elles portaient le voile
librement. Ce ne sera pas
facile. Mais ces femmes pourront
s’appuyer sur la loi pour
résister aux pressions des
intégristes mâles qui ont un
agenda politique. Toute une
société les appuiera. Et
souhaitera leur inclusion dans
un Québec moderne qui ne se
laisse pas intimider par les
intégrismes religieux.
0. Ceux qui
prônent la loi 60 sont des
islamophobes.
R. On a raison
de combattre l’intégrisme
musulman qui nie l’égalité entre
les femmes et les hommes qui
s’exprime entre autres par
l’obligation absolue de porter
le hijab. Oui, on a la phobie de
l’intégrisme musulman. Cela ne
fait pas de nous des
islamophobes.
0. Vous êtes
intolérants et fermés aux
autres. Vous ne respectez pas
leurs droits. Vous ne respectez
pas leur liberté de religion et
leur liberté de conscience.
R.
L’intolérance est hélas un
reproche qu’on fait à ceux qui
veulent interdire le port de
signes religieux ostensibles sur
les heures de travail pour les
fonctionnaires et autres
employés de l’Etat au nom de la
neutralité religieuse. Pour
donner plus de poids à cette
accusation d’intolérance, on
fait comme si le voile était
interdit en dehors des heures de
travail ce qui est évidemment
faux. Parler d’intolérance comme
parler d’islamophobie, c’est de
la démagogie. L’alternative,
c’est d’accepter n’importe quoi
et laisser toute la place à
l’intégrisme musulman qui se
sert des Chartes canadienne et
québécoise pour promouvoir un
agenda politique.
Les tenants de
la loi 60 avec le gouvernement
Marois en tête sont accusés
d’intolérance, d’islamophobie,
de fermeture, de vouloir
l’exclusion, d’extrémisme. Ce
sont des accusations qui sont
des applications de la loi de
Godwin qui consiste à
discréditer l’adversaire
paradoxalement au nom de la
tolérance, de l’ouverture, de
l’inclusion, de la modération et
du respect des droits
individuels dans l’esprit du
multiculturalisme de Trudeau.
Avec comme boîte de résonnance
une télé fédérale
multiculturaliste dont le mandat
est de défendre l’unité
nationale contre les attaques
séparatistes.
Une dernière
objection se rapportait au
crucifix au-dessus du Président
de l’Assemblée nationale. Le
maintien du crucifix à cet
endroit symbolique allait contre
la neutralité de l’Etat. Et
bien, la question est réglée. Ce
n’est pas la loi 60 qui
tranchera, c’est le Président de
l’Assemblée nationale. Ça fera
une objection de moins.
Nombreux sont
ceux qui s’opposent à la Charte
de la laïcité parce que c’est le
gouvernement Marois qui la
propose et parce qu’ils ne
veulent pas que le gouvernement
Marois devienne majoritaire.
Certains adversaires de la
Charte des valeurs québécoises
comme Charles Taylor, Julius
Grey, Chantal Hébert, Philippe
Couillard sont des ennemis de
l’indépendance. Tout comme
certains qui se disent
indépendantistes mais qui sont
malheureusement contaminés par
l’idéologie trudeauiste.
On peut le
dire : au Canada, l’industrie
des droits de la personne se
porte bien mais c’est au
détriment de l’avenir de notre
patrie québécoise. Nous n’aurons
pas la naïveté et l’inconscience
de nous laisser intimider par
leurs vertueuses objections à la
Charte québécoise de la laïcité.
Comme pour la loi 101, nous
tiendrons le fort.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
mardi 19 novembre 2013
barberis@videotron.ca
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