mardi 05 novembre 2013
Pour
Radio-Canada, Lino Zambito est
un expert en démocratie
municipale
par Robert
Barberis-Gervais
Supposons que
nous assistons à la préparation
de l’émission du premier
novembre « d’Après tout c’est
vendredi » à Radio-Canada.
Des membres de l’équipe sont
présents. Les voici. Animatrice
: Anne-Marie Dussault.
Journalistes à la recherche :
Jean-Pierre Gosselin ; Julie
Perreault ; Isabelle Roberge.
Journaliste : Claude Fugère.
Assistante à la coordination :
Lydie Lacroix. Réalisateur :
Robert G. Hynes. Rédactrice en
chef : Dominique Rajotte.
Réalisateur-coordonnateur :
Mario Hinse. Premier directeur,
information télévision : Jean
Pelletier.
Vous voyez, c’est toute une
équipe. Il y en a de la matière
grise là-dedans. Le sujet a été
choisi. On est deux jours avant
les élections dans plus de 1,000
municipalités.
Ce sera : « La corruption
est-elle devenue plus forte que
la démocratie ? » Il faut
choisir les invités. La décision
est prise. Les invités
d’Anne-Marie Dussault seront :
Lino Zambito, ex-entrepreneur et
témoin vedette à la Commission
Charbonneau. Véronique Lalande,
militante, Initiative citoyenne
de vigilance du Port de Québec.
Laurence Bherer, professeure de
science politique à l’Université
de Montréal. Jonathan Brun,
porte-parole de Québec ouvert et
cofondateur de Montréal ouvert.
Sylvain Gaudreault, ministre des
Affaires municipales, des
Régions et de l’Occupation du
territoire, Québec.
Deux jeunes
plutôt idéalistes. Une
professeur d’université, le
ministre des affaires
municipales et qui ? Lino
Zambito. Lino Zambito sera au
centre de l’émission.
Il sera d’abord interrogé et
donnera son avis sur la
meilleure façon de favoriser la
démocratie municipale. Puis, il
participera à la discussion avec
les jeunes et la prof.
d’université.
Enfin, le ministre devrait être
interviewé en présence de Lino
Zambito qui est le pilier de
l’émission. Nous y reviendrons.
Lino Zambito, c’est l’homme
d’affaires qui a envoyé quarante
roses à la vice-première
ministre libérale Nathalie
Normandeau à l’occasion de son
quarantième anniversaire de
naissance.
Il a avoué avoir donné une
enveloppe contenant 10,000$ à un
organisateur du Parti Libéral du
Québec, Pierre Bibeau qui était
le mari de la ministre libérale
Line Beauchamp.
Il fait partie des sept accusés
dans le dossier de l’usine
d’épuration des eaux de
Boisbriand, dont l’ancienne
mairesse Sylvie Saint-Jean, qui
seront jugés dans un procès dont
la date a été fixée à janvier
2014.
Les sept accusés ont été arrêtés
par l’escouade Marteau de la
Sûreté du Québec en 2011. Ils
font face à des accusations de
collusion, d’abus de confiance,
de fraude et de complot.
Ils sont accusés d'avoir truqué
l’octroi du contrat pour la
construction de l’usine de
traitement des eaux de
Boisbriand, dans les
Laurentides. L’entreprise de M.
Zambito, Infrabec, avait obtenu
le contrat de 28 millions $.
Un procès distinct se tiendra en
février pour les accusés des
firmes de génie-conseil Roche et
BPR Triax.
De plus, le 26 avril 2012, Lino
Zambito a plaidé coupable, au
palais de justice de
Saint-Jérôme, d’avoir tenté de
convaincre des adversaires de
l’ex-mairesse de Boisbriand de
ne pas se présenter contre elle
aux élections.
La firme Infrabec avait décroché
plusieurs contrats publics à
Boisbriand. L’homme d’affaires,
qui avait initialement plaidé
non coupable aux accusations du
Directeur Général des Elections
du Québec, a finalement décidé
de changer son plaidoyer.
Le juge l’a condamné à une
amende de 1000 $ et il a perdu
son droit de vote aux élections
municipales et provinciales pour
les cinq prochaines années, ce
qui a été rappelé par
l’animatrice qui a donné
l’occasion à son invité spécial
et central de dire une fois de
plus qu’il est une victime d’un
système auquel il a été obligé
de participer sinon c’était la
fin de son entreprise. Or, à
Boisbriand, le système, c’était
lui, Lino Zambito.
L’émission allait bon train
jusqu’à l’entrevue avec le
ministre des affaires
municipales Sylvain Gaudreault
reconnu pour son calme et son
flegme.
Quand Anne-Marie Dussault lui a
demandé ce qu’il pensait des «
conseils » de Lino Zambito pour
améliorer la démocratie
municipale, le ministre
habituellement aimable lui fit
une réponse cinglante.
Il lui dit : « Nous n’avons pas
besoin des conseils de Lino
Zambito et nous ne l’avons pas
attendu pour agir. » Et il fit
l’énumération des lois passées
par le gouvernement Marois pour
assurer l’intégrité lors de
l’attribution des contrats
publics et de leur réalisation.
Cette colère quand même contenue
du ministre nous mit la puce à
l’oreille. Lino Zambito avait
participé à toutes les parties
de l’émission. Était-il possible
qu’on ait demandé au ministre de
faire l’entrevue en présence de
Lino Zambito et qu’il a refusé ?
C’est probable.
Deuxièmement, la réaction du
ministre nous fit instantanément
comprendre l’incongruité qu’il y
avait à inviter Lino Zambito
comme expert dans une émission
intitulée : « La corruption
est-elle devenue plus forte que
la démocratie ? »
Nous avons compris pourquoi
Anne-Marie Dussault avait le
sourire narquois d’une
collégienne qui vient de faire
un mauvais coup en posant une
telle question à un ministre
d’un gouvernement qui a
entrepris une lutte contre la
corruption, cette corruption
dont Lino Zambito a fait partie
comme il l’a avoué devant la
Commission Charbonneau.
Vous avez
remarqué que j’ai employé le mot
« incongruité » pour qualifier
la décision de placer un maître
de la collusion et de la
corruption au centre d’une
réflexion critique sur la
démocratie municipale compromise
par la corruption.
Poussons plus loin l’analyse et
demandons-nous si la décision de
transformer Lino Zambito en
expert en démocratie municipale
est totalement innocente.
Décidément, Radio-Canada n’a pas
fini de nous étonner. Sa mission
de faire de l’information
est-elle compatible avec de
telles incongruités qui
s’inspirent du sensationnalisme
qu’elle accuse régulièrement les
chaînes privées de pratiquer ?
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
mardi 05 novembre 2013
barberis@videotron.ca
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