mardi 08 octobre 2013
L'étapisme de
Jacques Parizeau
Une
interprétation de: « Je n’irais
pas plus loin pour le moment »
par Robert
Barberis-Gervais
Ce midi jeudi 3
octobre, à LCN, une entrevue de
Pierre Bruneau avec Jacques
Parizeau est annoncée pour le
téléjournal du début de soirée.
Pierre Bruneau, en personne, a
dit : « Monsieur Parizeau
propose qu’on y aille par étapes
».
Sur quoi Pierre Bruneau se
base-t-il pour parler d’y aller
par d’étapes ? Pour répondre à
cette question, il faut aller
lire le texte de Jacques
Parizeau publié dans le Journal
de Montréal d’aujourd’hui.
Avant d’aller plus loin, il faut
déplorer que l’ancien premier
ministre fasse l’erreur de
supposer que les femmes
musulmanes portant foulard dans
les garderies perdront leur
emploi si le port de signes
religieux visibles est interdit
par la loi chez les employés des
secteurs public et para-public.
Bernard Drainville lui-même l’a
affirmé : "elles ne perdront par
leur emploi, nous sommes
humains." Dans la partie la plus
faible de son texte, Jacques
Parizeau écrit :
« Les Québécois ne sont ni
méchants ni vindicatifs. Quand
on leur dit que des femmes
pourront perdre leur emploi
parce que, pour des raisons
religieuses, elles ne veulent
pas renoncer à leur foulard, les
trois quarts d’entre eux (si on
en croit les sondages) répondent
que non, ce ne serait pas
correct ».
Comme il est de bonne foi, il y
a ici un énorme malentendu. En
fait, c’est une erreur grave qui
colore les perceptions et induit
en erreur. Le gouvernement
devrait être plus clair
là-dessus.
De l’intervention de Jacques
Parizeau, il faut retenir sa
crainte de voir les fédéralistes
être perçus par les
ex-immigrants comme les seuls
défenseurs de leurs droits.
Il est en faveur de la position
de la Commission Bouchard-Taylor
sur l’interdiction du port de
signes religieux ostentatoires
pour les personnes ayant le
pouvoir de contraindre : juges,
procureurs, policiers et autres.
Et il ajoute : « Je n’irais pas
plus loin pour le moment ». Ce
petit bout de phrase justifie
l’affirmation de Pierre Bruneau
: « Monsieur Parizeau propose
qu’on y aille par étapes. »
Les spécialistes des
tergiversations sur la façon de
présenter le projet
indépendantiste ne pourront pas
ne pas se demander si Jacques
Parizeau n’est pas en train de
proposer au gouvernement Marois
sur la question du port des
signes religieux dans la
fonction publique une forme d’étapisme
que Jacques Parizeau lui-même a
subi pendant des années de la
part du tandem Claude Morin-René
Lévesque puis de la part de
l’autre tandem du référendum de
1995, Lucien Bouchard-Mario
Dumont.
Ayant souligné ce paradoxe et
cet ironique retour des choses,
sa prise de position est comme
un contrepoint à sa déclaration
sur « l’argent et des votes
ethniques » présentés avec
raison comme principales causes
de la défaite du référendum de
1995, référendum qui a été volé
comme l’a prouvé Robin Philpot.
Déjà la CBC, CTV et les media
anglophones font l’éloge de la
modération et de la sagesse du
plus irréductible des
séparatistes. C’est un classique
hélas : se servir des
déclarations de Jacques Parizeau
pour embarrasser le Parti
québécois et maintenant, le
gouvernement Marois.
Ce que dit Jacques Parizeau,
c’est que « pour le moment »,
tant que nous sommes une
province, il est préférable de
ne pas s’aliéner certains
ex-immigrants francophones qui
pourraient appuyer le projet
indépendantiste et qu’il ne faut
pas pousser dans les bras des
fédéralistes. Quand nos
adversaires auront compris que
Jacques Parizeau a pris une
position fondamentalement
stratégique, on peut être
certain qu’ils admireront moins
celui qu’ils ont toujours
détesté. Ce qui est étonnant
c'est qu'il semble que Lucien
Bouchard et Bernard Landry
n'aient pas vu cet aspect
stratégique…que Jacques Parizeau
a refusé de confirmer dans les
nombreuses entrevues qu'il a
données car quand on fait de la
stratégie, on ne l'expose pas en
public.
Réjouissons-nous que la CAQ
maintienne sa position sur
l’interdiction des signes
religieux ostensibles pour les
enseignants des niveaux primaire
et secondaire qui sont un
prolongement des parents et qui
sont en position d’autorité. Ce
sera une étape décisive dans
l’affirmation de la neutralité
des institutions publiques
québécoises. Car, au fond, les
réalités politiques québécoises
fondées sur la « mentalité bonne
ententiste » des Québécois
n’imposent-elles pas une forme
d’étapisme qui fait de nous tous
des disciples plus ou moins
récalcitrants de Claude Morin.
Ils sont toutefois très nombreux
les Québécois qui s’identifient
à Patrick Roy qui a fait une
grosse colère parce qu’en fin de
rencontre où le Colorado menait
6 à 1, Ben Lovejoy, des Ducks, a
sorti la jambe pour frapper au
genou Nathan MacKinnon, premier
choix au total au dernier
repêchage. Oui, « les Québécois
ne sont ni méchants ni
vindicatifs ». Mais ils ont
aussi du caractère : c’est
pourquoi ils approuvent les
colères de Patrick Roy qui sont
aux antipodes du petit garçon
frisé avec son mouton des
parades de la St-Jean-Baptiste.
Approuver la Charte des valeurs
québécoises, n’est-ce pas faire
preuve de caractère et de
personnalité !
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
mardi 08 octobre 2013
barberis@videotron.ca
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