Valeurs québécoises et
laïcité
Qu'on
pratique sa religion dans le
privé
par Robert Barberis-Gervais
Le ministre
Bernard Drainville a enfin
rendu publiques les
propositions du gouvernement
Marois sur la laïcité et les
valeurs québécoises. Je
suis sûr que certains vont
se demander si ça respecte
le programme du Parti
québécois. Dans ce contexte,
voici quel est le programme
officiel du Parti québécois.
1.3 Une
Constitution, une Charte de
la laïcité et une
citoyenneté québécoises
Les Québécois
formant une nation à part
entière, il est nécessaire
et normal qu’ils se dotent
d’instruments juridiques
encadrant la vie publique.
Un
gouvernement souverainiste :
-
a) Fera adopter, par
l’Assemblée nationale,
une Constitution
québécoise pour affirmer
et établir juridiquement
les éléments essentiels
de l’identité
québécoise. Ce texte
fondamental intégrera
une version amendée de
la Charte des droits et
libertés de la personne
de façon à ce que, dans
son interprétation et
son application, il soit
tenu compte du
patrimoine historique et
des valeurs
fondamentales de la
nation québécoise: la
prédominance de la
langue française,
l’égalité entre les
femmes et les hommes et
la laïcité des
institutions publiques;
-
-
b) Créera une assemblée
constituante à laquelle
seront conviés à siéger
tous les secteurs et les
régions de la société
québécoise ainsi que les
nations autochtones et
inuites du Québec afin
d’écrire la constitution
d’un Québec indépendant;
-
-
c) Élaborera une Charte
québécoise de la
laïcité. Cette charte
affirmera notamment que
le Québec est un État
laïque, neutre par
rapport aux croyances ou
non-croyances des uns et
des autres en matière de
religion; que la liberté
de religion ne peut être
invoquée pour enfreindre
le droit à l’égalité
entre les femmes et les
hommes ou le bon
fonctionnement des
institutions publiques
et parapubliques; que
les agents de la
fonction publique et
parapublique doivent
s’abstenir, dans
l’exercice de leurs
fonctions officielles,
du port de tout signe
religieux ostensible;
-
-
d) Instituera une
citoyenneté québécoise
et adoptera, après
consultation, une loi
précisant les modalités
d’attribution de la
nouvelle citoyenneté,
ainsi que les droits qui
y seront rattachés.
Le programme
du Parti québécois adopté en
congrès répond à la
question: quelles sont les
valeurs québécoises dont on
il est question dans
l'expression; "Charte des
valeurs québécoises"? Les
valeurs fondamentales de la
nation québécoise sont: "la
prédominance de la langue
française, l’égalité entre
les femmes et les hommes et
la laïcité des institutions
publiques".
Le programme
définit ce qu'il faut
entendre par "la laïcité des
institutions publiques" qui
est une valeur fondamentale
de la nation québécoise. La
Charte québécoise de la
laïcité "affirmera
notamment que le Québec est
un État laïque, neutre par
rapport aux croyances ou
non-croyances des uns et des
autres en matière de
religion; que la liberté de
religion ne peut être
invoquée pour enfreindre le
droit à l’égalité entre les
femmes et les hommes ou le
bon fonctionnement des
institutions publiques et
parapubliques; que les
agents de la fonction
publique et parapublique
doivent s’abstenir, dans
l’exercice de leurs
fonctions officielles, du
port de tout signe religieux
ostensible".
A cette
définition, il faut ajouter
le respect du patrimoine
historique de la nation
québécoise. Il y aura "une
version amendée de la Charte
des droits et libertés de la
personne de façon à ce que,
dans son interprétation et
son application, il soit
tenu compte du patrimoine
historique et des valeurs
fondamentales de la nation
québécoise: la prédominance
de la langue française,
l’égalité entre les femmes
et les hommes et la laïcité
des institutions publiques".
Il est bon
d'avoir sous les yeux le
texte du programme officiel
du Parti québécois pour
apprécier ce que le
gouvernement Marois propose.
On peut dire que les
propositions présentées pour
discussion par le ministre
Bernard Drainville dans une
sorte de livre blanc de la
laïcité respectent le
programme officiel du Parti
québécois.
Deux
ministres d'Ottawa, Denis
Lebel et Jason Kenney, le
ministre du
Multiculturalisme, ont
exprimé leur opposition au
projet québécois. Ils ont
dit que la Charte des
valeurs québécoises empêche
de pratiquer sa religion.
Depuis quand le fait de
porter un signe visible
religieux sur soi, un voile
pour une femme musulmane par
exemple, est-il à inclure
dans le concept de pratique
religieuse? On pratique sa
religion quand on prie ou
quand on va à l'église, à la
mosquée ou à la synagogue.
On n'a pas d'affaire à
"pratiquer sa religion" sur
les heures de travail comme
éducatrice dans une
garderie ou comme
enseignante au primaire.
C'est à l'enfant qu'il faut
penser d'abord et qui n'a
pas à subir la présence
constante d'un signe
religieux. L'éducatrice ou
l'enseignante sont des
figures d'autorité et des
modèles pour l'enfant: elles
doivent être neutres du
point de vue religieux.
A propos du
voile porté par certaines
infirmières, André Drouin,
le rédacteur du code de vie
très pertinent d'Hérouxville
a donné un exemple qui a été
porté à son attention. Dans
un hôpital, un copte a été
soigné par une infirmière
portant le voile. Or, en
Egypte, les chrétiens coptes
sont persécutés par les
musulmans qui ont tué des
membres de sa famille.
Gravement malade, ce patient
avait-il besoin qu'une
infirmière qui porte le
foulard lui rappelle
l'assassinat de ses parents
par des musulmans
fanatiques!
A bas les
signes religieux ostensibles
chez les employés de l'Etat,
juges, policiers et
policières, gardiens de
prison, fonctionnaires,
éducatrices en garderie,
enseignants-enseignantes du
primaire, secondaire,
collégial et universitaire,
infirmiers-infirmières et
employés des hôpitaux et des
CLSC.
Le fait de
pouvoir se soustraire à la
loi pendant cinq ans,
renouvelable, sur les signes
religieux ostensibles pour
les municipalités, les
cégeps, les universités,
les hôpitaux et les CLSC
n'est pas une bonne idée. Le
journaliste de la Gazette
Don MacPherson a tout de
suite compris les
conséquences et a posé la
question suivante au
ministre Drainville. Est-ce
que ça veut dire que
l'Université McGill ou le
Jewish Hospital seront
exemptés de la loi?
Et bien c'est
ce que ça veut dire. Le
ministre a alors montré une
naïveté consternante en
souhaitant que cela donne
du temps à la transition à
se faire et que cette
exemption soit temporaire.
On peut prédire sans crainte
de se tromper que partout où
il y aura suffisamment
d'anglophones ou
d'allophones, l'exemption
s'appliquera pendant cinq
ans et que ce sera renouvelé
pendant un autre cinq ans
puisque c'est renouvelable.
Jusqu'à ce que le
gouvernement change et
change la loi.
Cela me fait
penser à l'augmentation des
taxes scolaires suite aux
compressions budgétaires du
gouvernement. Quand on a
placé les commissions
scolaires dans une situation
qui les oblige à augmenter
la taxe scolaire, on ne peut
pas venir se plaindre
ensuite que les taxes
scolaires ont été
augmentées. C'est ce que
Bernard Drainville est en
train de faire. Des cégeps,
des universités, des
hôpitaux et des
municipalités vont se
prévaloir de "l'opting out"
par rapport à la Charte des
valeurs québécoises pendant
cinq ans puis pendant cinq
autres années. Il ne faudra
pas venir se plaindre
ensuite qu'ils l'aient fait.
Si on ne veut pas que "l'opting
out" s'applique, qu'on ne le
propose pas.
Certains
médias et l'opposition à
l'Assemblée nationale ont
systématiquement reproché au
gouvernement Marois de ne
pas respecter ses
engagements électoraux. Ils
appellent ça des reculs sans
tenir compte du contexte
imposé par un déficit de 1.6
milliard laissé par les
Libéraux et par le statut de
minoritaire. Et bien la
Charte des valeurs
québécoises était une
promesse électorale. Sauf
sur la clause de retrait de
cinq ans renouvelable qu'il
faut absolument revoir.