lundi 13 janvier 2014
Jean Garon et le zonage
agricole
par Robert Barberis-Gervais
VLB éditeur a publié en 2013 les
mémoires de Jean Garon, « Pour
tout vous dire ». C'est un
livre excellent qui rappelle
celui de Jean Cournoyer: ce qui
rapproche les deux hommes
politiques, c'est leur
franc-parler. Jean Garon est
un homme d'action intelligent,
tenace, pratique qui a travaillé
toute sa vie pour le bien-être
des Québécois: pour lui, le bien
commun n'est pas un vain
mot. Pendant toute sa vie
politique, il a eu une relation
privilégiée avec René Lévesque.
C'est le ministre qui a donné
au Québec la Loi de protection
du territoire agricole.
Ce livre a le
mérite de nous faire réfléchir
de nouveau sur le problème du
zonage agricole qui avait servi
de prétexte, en 2012, à une
contestation de Pauline Marois
en passant par son mari Claude
Blanchet à propos de dézonage
sur l'île Bizard où se trouvait
la magnifique maison de la
famille Blanchet-Marois qui a
été vendue récemment. Le journal
The Gazette avait tenté
auparavant de nuire à Pauline
Marois en sortant un dossier qui
lui a valu une poursuite de 2
millions pour atteinte à la
réputation à l'automne 2007.
Cette poursuite a abouti en
mars 2011 à une entente hors
cour où le journal anglophone de
Montréal a dû débourser une
somme d'argent non dévoilée.
Avec raison, Jean
Garon est fier de sa loi sur le
zonage agricole. Dans ses
Mémoires, il raconte les
péripéties de son adoption, sans
cacher les appuis et les
oppositions qu’il a rencontrés,
les combats qu’il a dû mener, et
finalement, il dresse un bilan.
Il accuse les libéraux d’avoir
saccagé la loi et de l’avoir
dénaturée au profit de leurs
copains et de leur caisse
électorale. il va jusqu’à mettre
sur le même pied les reculs des
libéraux de Charest dans la
protection du territoire
agricole et la « vente » des
garderies aux amis du parti
libéral. Le vieux bagarreur de
Lévis est encore capable de
décocher quelques bons coups à
ses adversaires.
Plus d’un an
avant la sortie de ce livre,
certains olibrius avaient repris
le dossier de The Gazette et,
malgré l'entente hors cour,
avaient tenté de déstabiliser
Pauline Marois en accusant son
mari Claude Blanchet d'avoir
contourné la loi du zonage
agricole sur l’île Bizard. Ils
n’ont pas réalisé que pour la
construction du Château des
Blanchet-Marois, la parcelle
dézonée n’était plus un
territoire agricole. Il y avait
bel et bien un chalet sur le
terrain, et des photos nous
montrent bien plus une savane et
des bois sauvages qu’un vert
pâturage où paissent vaches et
brebis bien grasses. Mais il est
fort probable qu'à propos de
l'île Bizard, là comme ailleurs,
les critiques de Jean Garon
contre le dézonage agricole
exigé par ceux qu'il appelle
"les spéculateurs" auraient leur
pertinence.
C’était l’époque
où le leadership de Pauline
Marois était remis en question.
Certains adversaires de Pauline
Marois qui auraient voulu que
Gilles Duceppe la remplace ont
enfourché la rossinante du
danger pour la chef du Parti
québécois des démarches de
dézonage agricole de son mari
Claude Blanchet pour la
construction de leur château et
la réalisation de d’autres
projets immobiliers. Avant la
pseudo-affaire de l'île Bizard,
on n'avait jamais vu les auteurs
d'une tentative de putsch contre
la chef du Parti québécois se
plaindre du dézonage agricole.
A propos de
dézonage agricole, on ne
reprochait rien d’illégal à
Claude Blanchet. On allait même
jusqu’à dire que ce genre de
procédures était courant dans le
monde des affaires. Au fond, ce
qu'ils reprochaient à Claude
Blanchet, c'est d'avoir réussi
en affaires alors qu'eux-mêmes
ou bien n'avaient jamais fait
d'affaires ou bien avaient fait
faillite. Les gens qui ont
l'habileté de réussir en
affaires, en respectant les
lois, méritent notre respect et
parfois notre admiration. Je
pense ici à un de mes anciens
élèves du collège de Sorel-Tracy
qui s'illustre dans le monde des
assurances.
Quant au fond de
l’histoire, le zonage agricole,
on doit constater que cette loi
est devenue au fil des ans une
véritable passoire. En vertu du
fameux "étalement urbain", tout
ce qui entoure Montréal a été
dézoné, ou à peu près, pour
permettre à des promoteurs de
réaliser des projets. L’île de
Laval, les couronnes nord et sud
ont été systématiquement
dézonées pour faire place à des
résidences ou à des centres
commerciaux.
Par ailleurs,
l'île Bizard n'a pas qu'une
vocation agricole: elle
contient deux célèbres clubs de
golf, celui de Montréal et de
St-Raphaël qui ont accueilli des
tournois de golf internationaux
auxquels j'ai assisté. C'est au
club de golf de Montréal que
Tiger Woods n'a pas évité la
coupe. Le couple Blanchet-Marois
vient de vendre sa maison et son
terrain pour un peu moins que 7
millions de dollars. Alors, ce
dossier est du passé et l’île
Bizard ne les concerne plus. Ce
dossier est donc clos.
Les Mémoires de
Jean Garon, le père de la loi
sur le zonage agricole nous y
ont fait quand même penser. Ce
qui est acquis, toutefois, c’est
qu’il faudra trouver autre chose
que les transactions d’affaires
de Claude Blanchet pour
justifier une contestation du
leadership de Pauline Marois qui
est maintenant bien en selle
comme première ministre du
Québec, qui fait très bien son
travail et à qui il faut
souhaiter, dans l'intérêt du
Québec, un gouvernement
majoritaire aux prochaines
élections.
Car on constate,
suite à l'échec de la loi 14 sur
la langue française, du succès
de la loi sur les mines et des
tractations à venir sur la loi
60 sur la charte des valeurs
québécoises que toutes les
décisions législatives
importantes dépendent de l'appui
de la CAQ, ce qui lui donne un
pouvoir qui, à mon avis, ne
correspond pas à l'appui réel de
la population pour ce parti.
* olibrius:
personne fanfaronne et
incapable. Yves Michaud avait
traité le député de Richelieu
Sylvain Simard d'olibrius parce
qu'il refusait de s'excuser
d'avoir voté une motion de
l'Assemblée nationale blâmant
Michaud à propos de ses
déclarations sur le vote juif
massif pour le NON au référendum
de 1995.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
lundi 13 janvier 2014
barberis@videotron.ca
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