Bernard Landry appuie-t-il
la Charte des valeurs oui ou
non ?
par Robert Barberis-Gervais
A l’occasion
du début de la Commission
parlementaire sur la loi 60,
un certain nombre de textes
d’analyse ont été publiés
dans les média. Par exemple,
sur le site de Radio-Canada,
le 14 janvier 2014, Isabelle
Maltais écrit : « Les
politiciens n’ont pas été en
reste dans cette polémique.
Plusieurs ténors du
mouvement souverainiste ont
critiqué le projet du
gouvernement Marois,
notamment les anciens
premiers ministres Jacques
Parizeau, Lucien Bouchard et
Bernard Landry, et l’ancien
chef du Bloc québécois
Gilles Duceppe. » Des
adversaires de la Charte des
valeurs québécoises font la
même affirmation. Pour
embarrasser Bernard
Drainville et le
gouvernement Marois, ils ne
cessent de répéter que
Parizeau, Bouchard et Landry
sont contre la Charte. Et
cette énumération qui
contient les noms de trois
anciens premiers ministres
péquistes est sans cesse
répétée dans les émissions
politiques ou dans les
nouvelles à RDI, LCN, TVA et
Radio-Canada. Or, que ce
soit volontaire ou non,
cette énumération est
trompeuse et induit en
erreur. Je dirais même
plus : c’est une fausseté.
Ce serait un
travail à plein temps que de
rectifier toutes les erreurs
qui ont été proférées ou qui
le seront à propos de la
Charte des valeurs. Mais la
place importante qu’occupe
Bernard Landry dans le
mouvement indépendantiste
impose une obligation de
rigueur.
D’abord
établissons clairement que
Bernard Landry appuie la
Charte du gouvernement
Marois. Trois preuves, s’il
faut le prouver. Une lettre
ouverte publiée dans les
journaux qu’il a signée le
1er novembre 2014 donne sa
position qui appuie la
Charte. Son appui au
mouvement des Jannette
auquel s’est joint son
épouse Chantal Renaud.
Enfin, son affrontement avec
Maria Mourani à l’émission
24 heures en soixante
minutes où il s’est montré
un ardent défenseur de la
Charte en exprimant sa ferme
réprobation des attaques de
Maria Mourani contre
l’interdiction du port de
signes religieux
ostensibles.
En novembre,
Bernard Landry s’est
distancié très clairement
des objections qu’a émises
Jacques Parizeau concernant
l’interdiction des signes
religieux ostentatoires. il
est d’accord avec le projet
de loi déposé par le
ministre Drainville, sa
seule réserve portant sur
l’utilisation du terme
« valeurs québécoises » au
lieu de « laïcité ».
Alors,
comment expliquer qu’en date
du 14 janvier 2014, on fait
encore l’énumération des
trois premiers ministres qui
seraient opposés à la
Charte ? On peut l’expliquer
sans recourir à la théorie
du complot. Le Devoir du 3
octobre 2013 titrait :
« Selon Jacques Parizeau, la
charte va trop loin. »
L’article disait :
« Concernant l’interdiction
du port des signes
religieux, Jacques Parizeau
pense « qu’on devrait se
limiter aux recommandations
du rapport Bouchard-Taylor,
c’est-à-dire de l’appliquer
aux policiers, aux
procureurs, aux juges et
généralement à ceux qui ont
le pouvoir de contraindre.
Je n’irais pas plus loin
pour le moment ». Le
lendemain, un autre titre du
Devoir : « Charte : Lucien
Bouchard suit Jacques
Parizeau. »
Puis Bernard
Landry entre en scène.
Voyons le compte-rendu de
Martine Turenne sur le
Blogue de l’actualité de
Yahoo. Ce compte-rendu
correspond exactement à mon
souvenir. Le titre vaut
mille mots : « Charte des
valeurs : les belles-mères
du PQ sur la même longueur
d’ondes ». Voyons ce
qu’écrit Martine Turenne.
« Après
Jacques Parizeau hier, et
Lucien Bouchard ce matin,
c’est au tour de Bernard
Landry d’émettre ce midi des
doutes sur certains aspects
de la Charte des valeurs.
Sur les
ondes de Radio-Canada,
l’ex-premier ministre, qui
avait pourtant appuyé le
projet lorsqu’il en a
d’abord été question en
août, dit qu’on doit revenir
aux conclusions du rapport
Bouchard-Taylor.
Ce
rapport n’interdisait pas le
port des signes
« ostentatoires » pour tous
les employés de la fonction
publique, mais seulement
ceux en état d’autorité.
« Comme Bouchard, Parizeau
et moi avons servi l’État
québécois, cela nous donne
un regard pénétrant sur la
société », a-t-il dit.
Bernard
Landry croit que les grands
principes de la Charte sont
bons, mais que le projet est
« améliorable » et nécessite
un « compromis ». Et tout
comme Jacques Parizeau, il
souhaite qu’on parle de
Charte de la laïcité, et non
pas des valeurs. « On a une
occasion unique de réunir
les trois partis autour
d’une Charte de la
laïcité ». (…)
Cette sortie
en cascade de ces trois
« belles-mères » péquistes
est inusitée : il est très
rare que les trois hommes
partagent les mêmes points
de vue politiques. »
C’était la
conclusion spectaculaire
mais exacte d’un article
daté du 4 octobre 2013. Cela
est confirmé sur Twitter par
Josée Legault, le 4 octobre
2103, suite à cette entrevue
de Bernard Landry à la
radio : "Bref, B. Landry
s’est dit d’accord avec J.
Parizeau et L. Bouchard à
propos de la Charte contre
l’interdiction élargie des
signes religieux."
C’est sans
aucun doute ce qui explique
que Bernard Landry soit
inclus dans la liste des
anciens premiers ministres
du Québec qui sont contre la
Charte. Il a embarqué de
façon prématurée dans le
train Parizeau-Bouchard, il
en paie aujourd’hui le prix.
Quant à comprendre pourquoi
il a parlé trop vite, il
faudrait qu’il se demande
pourquoi il aime tant être
vu, être entendu et
paraître. Son engagement
indépendantiste indéfectible
n’explique pas tout, ne
justifie pas tout et n’exige
pas qu’il monopolise
l’industrie du commentaire
surtout quand, parfois, il
tombe dans la boursoufflure
comme, par exemple, quand il
s’arroge « un regard
pénétrant » sur la société
québécoise. Son regard était
tellement pénétrant en
octobre 2013 qu'il a ensuite
changé d'idée.
Car depuis
lors, sa position a évolué.
La nouvelle position de
Bernard Landry est exprimée
dans une lettre ouverte
datée du 1er novembre 2013.
« La « Charte des valeurs
québécoises » devrait
redevenir celle de la
« laïcité ». L’interdiction
du port de signes religieux
ostentatoires devrait être
étendue aux enseignants, de
la maternelle à
l’université. Pour lui, pas
question de permettre des
exceptions, un droit de
retrait sur une base
institutionnelle ou même
géographique - le Québec
doit être rassembleur de
Ville de Saguenay à Ville de
Mont-Royal. »
A cette prise
de position du premier
novembre 2013, il faut citer
l’expression de sa
solidarité avec sa femme
Chantal Renaud quand
Jannette Bertrand a appuyé
ouvertement la Charte des
valeurs. Et enfin, il faut
ajouter son débat émotif
avec Maria Mourani où il a
défendu la Charte devant les
déformations de l’ancienne
députée du Bloc qui joindra
bientôt les rangs du parti
de Justin Trudeau.
Puisque
Jacques Parizeau et Lucien
Bouchard s’opposent à
l’interdiction des signes
religieux ostentatoires sur
les heures de travail
contenue dans la loi 60 et
que Bernard Landry est en
faveur de cette
interdiction, c’est une
fausseté que de dire et
d’écrire aujourd’hui que
Bernard Landry s’oppose à la
Charte des valeurs
québécoises "comme Jacques
Parizeau et Lucien
Bouchard". Je crois en avoir
fait la démonstration
irréfutable.
Les
journalistes, les hommes et
femmes politiques de
l’opposition et les
adversaires de la Charte
sont donc priés fermement de
cesser de répéter cette
fausseté. Ils sont invités à
dire une vérité à savoir que
Bernard Landry est en faveur
de la loi 60.