Les
bizarreries de Richard Le
Hir
par Robert
Barberis-Gervais
Dans un
article récent où il affirme
la pertinence du Bloc
québécois, Richard Le Hir
annonce qu’il se présentera
comme candidat du Bloc dans
Papineau, le comté de Justin
Trudeau, aux prochaines
élections fédérales qui
auront lieu à l’automne
2015. Après avoir été député
et ministre, il affirme donc
son intention de revenir à
la politique.
En janvier
2012, à l’époque où il
contestait Pauline Marois,
il avait justifié ses
analyses contre Claude
Blanchet, le mari de Pauline
Marois, à travers le
dézonage agricole sur l’île
Bizard, en disant qu’il
voulait prévenir les
attaques des fédéralistes et
singulièrement de « La
Presse » contre Pauline
Marois. Attaquer Pauline
Marois en passant par son
mari Claude Blanchet, c’est
une mode comme on vient de
le voir à la Commission
Charbonneau. Selon de
l’écoute électronique, Jean
Lavallée en conversation
avec Michel Arseneault
souhaitait qu’une pression
soit faite sur Pauline
Marois, chef de
l’opposition, pour qu’elle
s’oppose à la création d’une
commission d’enquête sur
l’industrie de la
construction. Un « deal »
aurait été fait avec
Blanchet. Avec sa rigueur
habituelle, Radio-Canada a
transformé cela en « un deal
avec le PQ ». Selon Isabelle
Richer, le « deal » serait
un investissement de 3
millions de la SOLIM dans
Capital BLF, compagnie de
Claude Blanchet dans
l’immobilier. Tout le monde
sait que l’opposition
péquiste a demandé la
commission d’enquête deux
cent fois en trois ans. Mais
revenons à notre sujet. Le 5
janvier 2012, Le Hir
écrivait:
« Pauline
Marois occupe une fonction
stratégique pour les
indépendantistes québécois.
Nous avons tous beaucoup
investi dans le Parti
Québécois, et il ne faudrait
pas qu’au moment où il
deviendrait possible de
passer enfin aux actes, le
tapis nous glisse en dessous
des pieds parce qu’un média
quelconque, la grosse Presse
par exemple, ressorte des
vieilles affaires pour
discréditer notre démarche.
Vous savez fort bien qu’ils
en seraient parfaitement
capables et qu’ils ont en
mains des dossiers complets
sur tous ceux qui aspirent à
des postes de commande au
sein de notre mouvement, et
même sur ceux qui n’ont pas
de telles aspirations mais
qui « occupent » de
l’espace. Il est donc
nettement préférable que
nous fassions le ménage
nous-mêmes. Et puis, il ne
faudrait pas se résigner à
accepter l’inacceptable
parce que nos adversaires
font bien pire."
Le propos
paraît sincère et
convaincant pourtant dans
une partie de la philosophie
qui s’appelle « la
logique », ce serait un
extraordinaire exemple à
donner de sophisme : on
attaque soi-même quelqu’un
pour prévenir les attaques
des adversaires... C’est une
première bizarrerie.
Soyons
sincère à notre tour,
suivons son exemple et
appliquons-lui le
raisonnement qu’il a fait à
l’époque où il souhaitait le
départ de Pauline Marois
(« Bye bye Pauline »…) et la
traitait de « pusillanime »,
de « chochotte », de
« pouliche de Desmarais » ou
de quelqu’un qui dit des
« niaiseries de garderie ».
Comme vous voyez, il n’y
allait pas de main morte. Il
faut savoir que le mépris et
la condescendance sont
naturels à quiconque a un
complexe de supériorité.
Faisons-nous historien et
rapportons des faits.
En 2010,
l'ex-avocat a participé sur
Vigile, avec d’autres, à une
tentative de putsch avec
Bernard Landry et Gilles
Duceppe en coulisse. Ils ont
raté leur coup et Pauline
Marois est première ministre
du Québec. On se souvient
des démissions, en juin
2011, de Louise Beaudoin,
Lisette Lapointe, Pierre
Curzi et Jean-Martin Aussant.
On ne sait pas exactement
quelle influence politique
ont joué ces manoeuvres et
ces démissions, mais ce qui
est sûr, c’est que ça n’a
pas aidé et que le résultat
fut un gouvernement
minoritaire.
Revenons
en arrière et parlons de
« vieilles affaires ».
Richard Le Hir est connu
pour son rôle négatif lors
du référendum de 1995 comme
responsable des études qui
devaient rassurer la
population puisqu’elles
devaient démontrer que
« nous avions pensé à
tout ». Ce n’est pas aussi
pire que l’affaire des
Yvettes de Lise Payette en
1980 qui vient de nous être
rappelée par un documentaire
sur la féministe qui fut
ministre dans le
gouvernement de René
Lévesque suite à la victoire
du 15 novembre 1976. Mais ce
n’est guère mieux.
Richard Le
Hir est sorti de l’ombre
comme président de
l’Association des
manufacturiers puis comme
ministre responsable des
études sur la souveraineté
dans le gouvernement
Parizeau dans le contexte du
référendum de 1995. Tous les
gens bien informés affirment
que ce fut une grave erreur
de Jacques Parizeau d’être
allé le chercher dans le
secteur privé et, pire
encore, de l’avoir nommé
ministre des études sur la
souveraineté. Cette dernière
fonction ne lui a pas
réussi. L’expérience a été,
il le dit lui-même à Antoine
Robitaille du Devoir en
octobre 2010 « énorme et
difficile ». Les études
devaient informer et
rassurer la population et
elles ne l’ont pas fait.
Certains disaient même qu’à
chaque fois que le ministre
apparaissait à la
télévision, le camp du OUI
perdait des votes car il
n’inspirait pas confiance.
Il a
quitté ses fonctions de
ministre dans le désordre
et, conséquence de son
échec, il a gardé une
certaine animosité à l’égard
des péquistes. On comprend
qu’il n’aime pas qu’on y
revienne mais il faut
assumer son passé. Le fait
est qu’il a attaqué le camp
du OUI (voir « Pour en finir
avec 1995 » publié en en mai
2005, où il compare
bizarrement les assemblées
régionales du comité du OUI
à des tentatives de
manipulation à la Goebbels à
la grande satisfaction des
adversaires de
l’indépendance et du Parti
québécois). Il a fait une
profession de foi
fédéraliste en 1998 devant
les « Amis de Cité libre »,
cet antre du fédéralisme
trudeauiste. Ces deux textes
signés de Le Hir datés de
1998 et de 2005 facilement
accessibles sur Internet
font sûrement partie de ces
dossiers dont il parlait sur
ceux du mouvement
indépendantiste qui aspirent
à des postes de commande.
Le Hir a
même offert ses services à
Alliance Québec qui accusait
le camp du OUI d’avoir
annulé des votes dans les
comtés anglophones,
accusation qui a été rejetée
par le juge Allan Gold.
Rappelons que suite au
référendum de 1995, le juge
Gold a été saisi d’une
enquête pour déterminer si
des votes avaient été
annulés frauduleusement là
où le NON était majoritaire.
Bien qu’il soit juif et
anglophone, cette
responsabilité lui a été
offerte sur la base de son
intégrité. L’accusation a
été rejetée : il n’y avait
pas eu plus de votes annulés
lors du référendum de 1995
que d’habitude, à chaque
élection.
Ce qui
permet de redire que la
thèse du référendum volé
soutenue par Robin Philpot
tient toujours et que c’est
une erreur de soutenir le
contraire comme Richard Le
Hir l’a fait dans une
entrevue à Antoine
Robitaille, du Devoir : « 15
ans après le référendum
toujours « rien de réglé » »
(Le Devoir, 30 octobre
2010). On peut lire :
« Richard Le Hir refuse la
thèse du référendum volé.
Chaque côté a triché :
« J’ai l’impression que ça
s’est annulé. » Il a corrigé
plus tard cette affirmation
en admettant que le camp du
NON n’avait pas respecté les
lois québécoises sur le
financement comme
l’existence d’Option Canada
et les dépenses du Love In
le prouvent. Ce vacillement
est bizarre. Le livre de 205
pages de Robin Philpot
publié en septembre 2005 ne
rapporte pas « des
impressions » mais des
faits. C’est un exemple du
manque de rigueur de
l’ex-porte-parole des
manufacturiers qui dit
s’appuyer sur son expérience
unique de ministre pour
tenter de se présenter comme
non-partisan mais qui, en
fait, nie la réalité.
Ce qui
vient d’être résumé fait
partie du passé trouble,
controversé et pas du tout
glorieux de Richard Le Hir ;
ce qui vient d’être évoqué
est strictement exact et
documenté et exprime une
perception largement
répandue dans les milieux
indépendantistes informés.
Ce passé
autorise à se poser la
question suivante :
l’ex-avocat et ex-ministre
était-il un joueur d’équipe
dans le gouvernement
Parizeau ? Ses critiques ne
sont pas toutes futiles mais
il vient un moment où il
faut choisir son camp et,
sans renoncer à sa liberté
de pensée, ne pas faire le
jeu de l’adversaire en
adoptant son point de vue
entre autres sur « l’argent
et les votes ethniques ».
Depuis
quelques années,
l’ex-politicien qualifié par
euphémisme de maladroit par
maints observateurs dont
Michel David, publie des
textes sur le site web Vigile.net.
C’est là qu’il a publié
l’essentiel de son livre sur
Paul Desmarais et qu’il a
annoncé sa candidature pour
le Bloc.
Il est
utile de savoir que deux des
articles de Le Hir ont dû
être retirés de la Tribune
libre de Vigile après une
mise en demeure des avocats
de Claude Blanchet, le mari
de Pauline Marois. Le sujet
des l’article : l’île Bizard,
le dézonage agricole et
autres aménités qui ont
conduit à la construction du
« château » récemment vendu.
Les surtitres étaient :
« Les Bizard-reries de
Claude Blanchet (1 et 2). »
Il sont datés du 4 janvier
et du 12 janvier 2012 et ont
été retirés le 13 janvier
2012 par Bernard Frappier,
le webmestre et fondateur de
Vigile. Le Hir reprenait des
accusations déjà exprimées
dans le journal The Gazette
en les amplifiant. On sait
que le litige s’est terminé
par une entente hors cour et
que The Gazette a dû verser
une somme d’argent non
divulguée au couple
Blanchet-Marois pour avoir
nui à sa réputation. Le 21
janvier 2012, Daniel Breton
adhérait au Parti québécois
et renforçait le leadership
de Pauline Marois. Ne
cherchez pas la réplique aux
Bizard-reries (1 et 2)
intitulée : « Vigile...dans
la fosse à purin » du 7
janvier 2012 : elle a été
enlevée des Archives de
Vigile par une main
mystérieuse et la direction
actuelle de Vigile a refusé
de remettre le texte dans
les Archives. En 2009, 30%
des terres arables de l'île
Bizard étaient en friche.
Alors on voit mal comment le
dézonage d'un terrain
lui-même en friche pour
construire une maison a pu
nuire çà l'agriculture sur
l'île Bizard. Ce qui veut
dire en clair que l'histoire
de The Gazette reprise par
le duo Le Hir-Cloutier était
de la bullshit. Il faudra y
penser deux fois avant
d'essayer de nuire à Pauline
Marois en passant par son
mari Claude Blanchet.
Depuis ce
temps, les élections du 4
septembre 2012 ont eu lieu
et Pauline Marois est
première ministre. Aux
dernières nouvelles, après
ce parcours controversé, Le
Hir appuie le Parti
québécois. Il ne s’est pas
encore excusé de s’être
trompé et d’avoir fait une
erreur stratégique grave en
essayant de débarquer
Pauline Marois comme chef du
Parti québécois. Parlant de
Pauline Marois, son
intervention rapide au lac
Mégantic et son empathie
pour les sinistrés lui ont
valu l’éloge unanime des
acteurs et des commentateurs
politiques et un regain
d’estime dans la population.
Cette estime s’accroît à
cause de la loi 60 qui
donnera enfin au Québec une
Charte de la laïcité. Le
dernier sondage Léger
Marketing le confirme.
Pauline Marois et son équipe
ne travaillent-ils pas
actuellement, dans les
conditions difficiles d’un
gouvernement minoritaire,
dans l’intérêt collectif des
Québécois ! Certains de plus
en plus nombreux pensent que
tel est le cas, ce qui
pourrait conduire à un
gouvernement Marois
majoritaire comme l’indique
le gros titre du Journal de
Montréal du lundi 20 janvier
2014 suite au dernier
sondage.
Actuellement, Richard Le Hir
a pris la place de Bernard
Frappier qui est décédé en
septembre 2012 et dirige le
site Vigile.net.
Il est apparu dans
l’actualité par la
publication de deux essais,
l’un sur le financier Paul
Desmarais récemment décédé,
l’autre sur Charles Sirois,
président de la banque CIBC
et impliqué dans la
fondation de la CAQ. Il est
en train de préparer la
publication d’un autre livre
sur la Caisse de dépôt et
placement et Henri-Paul
Rousseau qui est passé
directement de la Caisse à
Power après une perte de dix
milliards dans les PCAA.
Un
danger inhérent à sa méthode
qui est utilisée dans son
livre sur Paul Desmarais est
une tendance à décrire des
coupables par association.
Par exemple, si Total ou
Power sont impliqués dans
Pétrolia pour l’exploitation
du pétrole sur l’île
Anticosti, c’est
nécessairement mauvais. On
doit se poser une question :
est-ce que tous ceux qui
sont dans le monde de la
finance à la bourse, dans
les banques ou dans les
sociétés d’investissement
comme Power sont des
prédateurs ? Si oui, il
s’agirait d’une critique
radicale du capitalisme.
Mais je doute que Richard Le
Hir aille jusque là bien que
son essai sur Paul Desmarais
nous pousse vers cette
conclusion extrême.
Rappelons-nous l’éloge
dithyrambique qu’il a fait
de la nomination de
Pierre-Karl Péladeau par
Pauline Marois comme
président du Conseil
d’administration
d’Hydro-Québec. A propos de
l’intention de Richard Le
Hir de se présenter pour le
Bloc dans Papineau, pour
moi, c’est la dernière de
ses bizarreries. Si son
intention se concrétise de
revenir à la politique
active, on ne s’ennuiera
pas. On aimerait être
certain qu’il a beaucoup
appris de son passage
désastreux dans le
gouvernement Parizeau et de
sa tentative ratée de
déstabiliser Pauline Marois
qui a répondu chez Mongrain
en se référant aux Parizeau,
Bouchard et Landry : « Moi,
je ne démissionne pas ».
En 2005,
dans son texte intitulé
« Pour en finir avec le
référendum de 1995 »,
Richard Le Hir écrit qu’il
intervient « par souci de
l’éthique ». Dans « les
bizarreries de Richard Le
Hir », je m’exprime moi
aussi par « souci de
l’éthique » et je combats ce
qu’il appelle lui-même le
manque de mémoire "qui
transforme des gens
intelligents en moutons et
qui est un puissant
incitatif à la la
médiocrité »
M. Le Hir
affirme aujourd’hui qu’il
est indépendantiste. Que
pense l’historien ? Il
affirme ceci : après s’être
dit souverainiste en 1995,
anti-péquiste après ses
déboires au gouvernement,
fédéraliste en 1998, puis
carrément hostile aux
indépendantistes en 2005 et
enfin, anti-Marois de 2010 à
2012, le voilà dans le camp
du gouvernement Marois.
Actuellement, ses écrits
sont très critiques des
fédéralistes et sont utiles
au mouvement
indépendantiste. Il
multiplie les attaques
contre le chef du Parti
libéral Philippe Couillard
qui est allé en Arabie
saoudite pour l’argent, qui
est un ami d’Arthur Porter,
qui est lâché par La Presse
entre autres à cause de son
choix de l’emplacement du
CHUM, qui est incapable de
défendre les intérêts du
peuple québécois qui
s’exprime dans la Charte de
laïcité et qui, selon Fatima
Houda-Pépiin, va perdre les
prochaines élections.