LA CHARTE IMPOSE UNE
CONTRAINTE "MINIME"
L'expert fédéral Roger Tassé
et le voile musulman
par Robert
Barberis-Gervais
Examinons
les propos tenus par Roger
Tassé, cet expert fédéral
qui a été responsable de la
rédaction de la Charte
canadienne des droits de la
personne de 1982. « C’est
lui qui tenait la plume »,
comme l’a dit Guy Gendron
qui a fait l’entrevue
dimanche le 29 décembre 2013
dans le cadre de l’émission
de radio « Désaultels le
dimanche » à Radio-Canada.
Le
sous-ministre de la justice
a dit ce qu’il pense du
débat sur la Charte des
valeurs québécoises et donné
son avis d’expert sur ce que
Guy Gendron a appelé le
combat des Chartes. Il s’est
prononcé sur « les problèmes
et les frictions importantes
causées par la question des
vêtements à porter et des
signes ostentatoires ».
La Charte
québécoise des valeurs vise
à affirmer le caractère laïc
des institutions publiques
québécoises. A ce sujet
Roger Tassé dit : « Il
pourrait y avoir un avantage
à ce qu’on le dise
clairement. On ne le dit pas
clairement dans la Charte
canadienne des droits et
dans la Charte québécoise
des droits. Donc, il peut y
avoir un intérêt à ce que le
législateur dise clairement
que l’Etat québécois est
laïc. »
« Si la
Charte des valeurs est
adoptée, ça va se retrouver
devant les tribunaux.
Comment voyez-vous ce combat
des Chartes ? », demande Guy
Gendron.
Roger Tassé
répond qu’il est possible
que ça aboutisse devant les
tribunaux. Il ajoute : « Je
crois qu’il est possible de
développer un argument en
faveur de la Charte des
valeurs québécoises. »
Guy Gendron
lui dit : « Revenons terre à
terre. L’interdiction du
voile pour une infirmière
dans un hôpital, si un jour
c’est adopté, est-ce que ça
va se rendre devant les
tribunaux et qu’est-ce que
dirait la Charte canadienne,
à votre avis ? »
Réponse de
Roger Tassé. « D’après moi
et contrairement à ce que
certains ont dit dont la
Commission des droits de la
personne du Québec pour qui,
c’est entendu, c’était
illégal, je ne suis pas
convaincu de cela. Je pense
qu’un argument pourrait être
développé. Il faudrait
qu’une analyse soit faite.
Que le débat ait lieu au
plan politique. Puis que le
législateur décide de ce
qu’il y aura dans la
Charte. »
Guy Gendron
dit : « Vous, vous croyez
que l’interdiction du port
de signes religieux
ostentatoires pourrait se
justifier dans le cadre des
limites raisonnables d’une
société libre et
démocratique ? C’est ce que
vous me dites ? »
Réponse de
l’expert fédéral : « C’est
ce que je dis. (…) A l’autre
extrême, il y en a qui
disent que le voile devrait
être défendu partout. Ce
serait plus difficile
d’arriver à la conclusion
que c’est justifié. »
Guy Gendron :
« Vous dites que dans les
services fournis par l’Etat,
vous pensez qu’il y a un
argument ? » Réponse de
l’ex-sous-ministre : « Il y
aurait un argument qui
pourrait être fait, oui. »
Question :
« Dans les hôpitaux, il y a
eu une seule plainte. Donc
ça n’est pas un problème
lourd à porter. »
Réponse de
Roger Tassé. « Ce n’est pas
ce qui d’après moi serait
convainquant. (…) Ici, de
quoi parle-t-on ? On parle
d’une prohibition qui en fin
de compte est assez minime.
Elle ne défend pas la
pratique de la religion
musulmane ou de toutes les
autres religions ou de la
religion catholique. Elle
dit simplement : lorsque
vous occupez un poste dans
une fonction gouvernementale
telle que décrite, vous ne
pouvez pas vous présenter
avec un voile ou des signes
ostentatoires. Cela
n’empêche pas la personne
après son travail de
remettre son voile ou de
remettre son signe ou de se
promener dans la rue avec
son signe religieux. Donc,
la limite, pour moi, est
assez minime. C’est
important. Parce que si vous
avez une limite qui empêche
la personne de pratiquer sa
religion à la mosquée, là
c’est autre chose. »
L’entrevue
s’est terminée par des
questions sur l’égalité
homme-femme. Si le principe
d’égalité entre en conflit
avec la liberté de religion
qui pourrait être utilisée
pour justifier le port du
voile, Roger Tassé a rappelé
que la Charte canadienne
indique deux fois plutôt
qu’une que l’égalité
homme-femme, c’est
fondamental et que cela a
une valeur plus grande par
rapport aux autres libertés.
On pouvait en déduire que
cet expert non partisan
n’aurait aucune objection à
ce que la Charte des valeurs
québécoises donne à
l’égalité homme-femme la
prépondérance.
Voilà
pourquoi Guy Gendron a
conclu : « Je crois que
Pauline Marois sera contente
de vous avoir entendu ».
Cette
reconstitution de l’entrevue
lumineuse de M. Tassé est
d’une grande importance
politique. C est mon cadeau
aux lectrices et aux
lecteurs à qui je souhaite
une bonne et heureuse année
2014, la santé d’abord et
avant tout, le reste suivra.