lundi 10 mars 2014
De chien de
faïence à chien de garde
Comme
disent les Québécoises et
Québécois en proie à quelque
frustration, « J’le prends juss’
pas! » En effet, une semaine
après le fait, je n’ai toujours
pas décoléré. Mais quel est donc
ce fameux « fait » qui a su
provoquer chez moi pareille
montée de lait! Je vous le donne
en mille : un cinquième
déclenchement d’élections
générales en dix ans au Québec,
cette fois pour cause de «
blocages ». Constipation, quand
tu nous tiens!
Or, d’une certaine façon, pour
ne pas dire d’une façon
certaine, ce gouvernement
minoritaire qui nous appelle aux
urnes après 18 mois à peine de
pouvoir « partagé », c’était un
choix très clair exprimé par
l’électorat (pris globalement).
Par ce choix, le peuple avait
indiqué que personne ne méritait
la grosse part du gâteau. Dès
lors, nos élus devaient faire
dans le compromis. Dur, ça, très
dur, on dirait! Car, bien
entendu, on préfère avoir les
coudées franches, être «
majoritaire », quoi!
Décidément, la culture de
l’effort coopératif se perd. Il
restait pourtant deux ans et
demi pour se faire rassembleur,
nouer des alliances… Mais il ne
faut point blâmer uniquement le
gouvernement sortant. En effet,
tout le monde préférait « aller
en élections » plutôt que de
continuer à essayer de
s’entendre. Ouais, sans pouvoir
l’avouer, tous les partis
rêvaient d’aller en découdre en
dehors de l’Assemblée nationale,
de monter dans leur autocar
respectif pour sillonner les
routes de la « belle » province,
histoire de nous emplir la vue
et les oreilles en direct!
En passant, un gouvernement
obligé de tenir compte de l’avis
de l’ensemble des élus, je ne
déteste pas, au contraire.
Songez que l’ami Harper fait
bien plus de dégâts en étant
majoritaire qu’il n’en a faits
minoritaire… Fin de la
parenthèse.
Dire qu’il aurait suffi, pour
que nous n’ayons pas à revivre
si tôt la trentaine de jours de
cirque trop ordinaire que
suppose invariablement une
campagne électorale, oui, dire
qu’il aurait suffi que le
lieutenant-gouverneur (L-G),
version québécoise, refuse de
dissoudre l’Assemblée nationale
et, de la sorte, force nos «
zélus » peu zélés à finir le
travail… Le L-G n’aurait-il pas
pu, pour une fois, transcender
apparat et protocole en
renvoyant tout ce beau monde à
son lutrin… à la recherche des
compromis souhaitables?
Car que de projets de loi
valables morts au feuilleton,
remis aux calendes grecques ou
carrément voués aux oubliettes!
Et tout ça à cause d’une soif de
« pouvoir sans partage » qui
fait oublier les beaux principes
énoncés hier…
Vous ne trouvez pas qu’il est
devenu trop facile d’invoquer
des « blocages » – présumés,
pressentis, réels ou inventés –
pour se relancer en élections à
la vitesse grand V?
De la Reine à l’Arène
C’est alors qu’on se prend à
rêver d’un L-G avec du bagout à
revendre et du répondant plein
sa besace. Un L-G désenglué des
raideurs protocolaires et
branché sur la réalité. Avec des
émoluments aussi princiers – au
salaire qu’il fait, quoi! –,
comment peut-il se cantonner
dans un rôle purement
honorifique? Que le chien de
faïence devienne enfin chien de
garde, tel est mon souhait!
Qu’il passe de représentant de
la Reine à représentant du
Peuple.
Qu’est-ce qu’on veut à la fin?
Une potiche royale figée sur sa
tablette dorée dans un rôle de
rubber stamping (approbation à
l’aveugle), oubedon un véritable
Cerbère, avec du mordant, posté
aux abords immédiats de l’arène
politique pour, par exemple,
étouffer dans l’œuf les
velléités électorales
prématurées d’un gouvernement
minoritaire, toujours plus
enclin à vouloir aller se
balader en autocar, aux frais
des contribuables, qu’à forger
des consensus?
Pas d’élections? On aurait fait
l’économie non seulement de 88
millions de dollars, mais encore
de millions de mots enflés et
creux. Car Dieu et Allah le
savent (ou le sait, si l’on
présume qu’Ils ne font qu’Un) :
en 30 jours de campagne
putassière, on peut en débiter
des fadaises! |