mardi 25 mars 2014
Ne pas se
décourager devant les sondages
par Robert
Barberis-Gervais
Qu’en est-il de la question de
la valeur scientifique des
sondages et surtout de leur rôle
comme instrument de manipulation
de l’opinion publique ?
Les derniers sondages CROP-La
Presse et Forum Research
découragent les partisans du
Parti québécois et encouragent
les libéraux au point où ceux-ci
ont l’arrogance d’annoncer la
formation d’un comité de
transition présidé par Daniel
Johnson. Forum Research, avec un
maigre échantillon de 800
personnes, donne 70 comtés aux
libéraux. Or, 800 personnes,
c’est un échantillon trop petit
comme les 600 personnes sondées
dans la région de Québec est un
échantillon trop petit.
C’est un fait qu’au Québec,
certains médias orientent leur
couverture d’une campagne
électorale en fonction de leurs
intérêts politiques. Selon le
cofondateur de ViewStats
Research et statisticien Oleh
Iwanyshyn, « les prétentions des
sondeurs sur l’exactitude des
résultats sont suspectes en
raison d’un conflit d’intérêts
évident. Ils sondent, mais
commercialisent aussi leurs
produits. Les médias sont
également en conflit d’intérêts.
Les grandes organisations médias
tissent des liens incestueux
avec les sondeurs. Pouvez-vous
vous rappeler de la dernière
fois qu’une grande organisation
des médias a remis en question
les résultats d’un sondage pour
lequel elle a payé ? Même si une
organisation de nouvelles n’a
aucun intérêt financier dans un
sondage, elle n’a généralement
pas l’expertise technique pour
évaluer de façon indépendante
l’exactitude du sondage. » En
effet, la maison « CROP » a des
liens incestueux avec « La
Presse » qui a des intérêts
politiques à promouvoir comme
Radio-Canada d’ailleurs et on
sait lesquels. L’article 1 de la
charte de la Société
Radio-Canada oblige à la défense
des intérêts des valeurs
canadiennes multiculturelles
anti-Charte de la laïcité… Entre
parenthèse, ceux qui ont peur de
Pierre-Karl Péladeau,
propriétaire de médias, auraient
plus de crédibilité s’ils
dénonçaient le propagande
anti-indépendantiste de
Radio-Canada et de La Presse.
Que faut-il penser des sondages
? Sur Huffington Post, le
blogueur Steve E. Fortin vient
de publier un excellent article
intitulé : « Peut-on faire
confiance aux médias pour sonder
la population en période
électorale ? » La réponse, c’est
NON, on ne peut pas faire
confiance aux médias. Alors
cessons de nous décourager mais
continuons de nous indigner
devant les tentatives de
manipulation de l’opinion
publique par le moyen des
sondages. On comprend pourquoi
des citoyens ont songé à les
interdire en période électorale
: ils sont devenus de véritables
instruments de propagande. Mais
c’est toujours vrai de dire que
le vrai sondage, c’est le jour
de l’élection.
Le patron de la firme EKOS,
Frank Graves a parlé du fiasco
des sondeurs en
Colombie-Britannique. « On se
souviendra également de ces
sondages lors de l’élection
albertaine qui donnait parfois
le Wildrose en avance de plus
d’une dizaine de points alors
que le règne des
progressistes-conservateurs n’a
finalement jamais été mis en
cause. »
Ce qui est intéressant, c’est
l’examen des causes possibles de
ces erreurs des sondeurs. La
principale cause c’est
l’incapacité des panels web
(sondages par internet) à bien
représenter l’ensemble des
électeurs selon le sexe, les
groupes d’âge, la langue, les
régions, le niveau de vie, la
religion etc.
« Au Québec, dans un contexte où
la population de plus de 55 ans
représente un segment de
l’électorat qui est
démographiquement important et
sous-représenté au sein des
panels web, il sera toujours
plus difficile de prévoir le
résultat électoral, » écrit
Steve Fortin.
« Oleh Iwanyshyn se base sur la
dernière élection provinciale en
Ontario pour rappeler également
que les grandes firmes de
sondage, devant l’inexactitude
de leurs enquêtes, ont commencé
à se chicaner entre elles sur
leurs méthodes respectives (ça
rappelle le chassé-croisé sur la
question entre CROP et
Léger...). Le statisticien
tranche ici la question de façon
non équivoque : aucune n’aura
raison tant que les firmes de
sondage publieront des enquêtes
statistiquement et
scientifiquement non crédibles.
Les sondages web n’offrent
aucune marge d’erreur, leur
représentativité est douteuse,
des segments importants de la
population sont sous représentés
et il en coûte trop cher de
mettre à jour systématiquement
des bases de données dont
l’exactitude est au départ
contestable.
Actuellement, les médias
publient « tout et n’importe
quoi sans égards à la validité
statistique ou la crédibilité
des informations que proposent
les enquêtes d’opinion ; surtout
quand ceux qui commentent des
sondages sans validité
statistique ne le mentionnent
pas et les citent comme si ces
enquêtes étaient crédibles. Dans
le cas de Gesca-La Presse, un
groupe de presse dont on connaît
l’hostilité envers les
souverainistes, la porte est
ouverte à la « propagande par
sondage ». (…) Tout dépend du
but recherché par celui qui
publie. Tout se passe comme si
on tentait d’infléchir le cours
de la campagne.
Deux conclusions s’imposent.
La première, c’est que les
médias ne tiennent pas compte du
fait que les spécialistes
affirment que les sondages au
panel web de 600 ou 800
personnes ou 1000 personnes
n’ont pas de validité
statistique et conduisent à des
conclusions douteuses car leurs
résultats ne sont pas crédibles
scientifiquement. Impossible
d’échapper à l’évidence : une
société qui permet une telle
manipulation de l’opinion n’a
pas beaucoup de respect pour la
démocratie. L’omniprésence des
sondages exige de la population
une maturité et un esprit
critique difficiles à atteindre.
Alors les manipulateurs
d’opinion en profitent. Espérons
que le peuple, étourdi de
chiffres, ne se laissera pas
impressionner, les jettera à la
poubelle et saura identifier
ceux et celles capables de
défendre leurs intérêts.
La deuxième conclusion, c’est
que devant le spectacle désolant
de ces manipulations de
l’opinion publique où on voit
des commentateurs complices de
cette imposture discuter de
chiffres et de pourcentages qui
proviennent de sondages-bidon
sous-échantillonnés dont on
ignore la méthodologie, les
militants du Parti québécois
sauront rester sereins et
continuer à espérer la victoire
en faisant confiance au bon sens
et au jugement du peuple
québécois sans lequel notre
projet politique ne saurait se
réaliser.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
mardi 25 mars 2014
barberis@videotron.ca
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