vendredi 20 février 2015
Radio-Canada
et Alain Gravel dans la fosse à
purin
Par Robert
Barberis-Gervais
Le 29 avril 2014,
trois semaines après la défaite
du Parti québécois, le
Sorel-Tracy Magazine publiait
mon article intitulé «Gibelotte
post-électorale». Le Conseil de
presse vient de blâmer
Radio-Canada, l'émission Enquête
et le journaliste Alain Gravel
pour son reportage sur un
montant de 25,000$ qu'aurait
reçu Claude Blanchet pour
financer l'élection de sa femme
Pauline Marois comme chef du
Parti québécois en 2007.
Voici ce que j'écrivais à la fin
d'avril 2014.
«Sur l'intégrité, Philippe
Couillard a tout de suite fait
dévier le débat et évité les
questions sur Arthur Porter, le
privé en santé, l'Arabie
saoudite ou la corruption du
régime Charest auquel il a
participé. Il a parlé de
salissage ou de boue lancée de
telle sorte que tous les suiveux
de journalistes ont parlé de
campagne sale ou de campagne
dure. (…) Mon Dieu, que c'est
une campagne sale. En
sous-entendu, ce n'est pas bien
de parler de corruption et, de
toutes façons, tous sont
corrompus sauf sainte Françoise.
Le chef du Parti libéral, lui,
n'a pas lancé de boue: il a
laissé faire Radio-Canada et
Alain Gravel avec un affidavit
anonyme contre lequel Claude
Blanchet ne pouvait se défendre:
vous ne viendrez pas me dire que
c'est éthique de procéder comme
l'a fait Alain Gravel qui se
prend pour le cinéaste
Jean-Pierre Melville avec ses
mises en scène ridicules où des
enveloppes passent d'une main à
l'autre dans la pénombre. Vous
me direz qu'on peut se fier à
Alain Gravel. C'est oublier
qu'il travaille à Radio-Canada
qui est par mission officielle
anti-indépendantiste et
anti-péquiste, qui ne fait pas
de l'information objective mais
de l'information orientée ou
diluée dans le placottage des
commentateurs et qui emploie les
deux journalistes les plus
incompétentes et idéologiquement
orientées que je connaisse,
Anne-Marie Dussault et Martine
Biron. (…)
Les médias ont neutralisé le
thème de la corruption et de
l'intégrité. Vous savez ce que
disent les anglophones quand on
dit que le Parti libéral du
Québec est corrompu: ils disent
que ce ne sont que des
allégations, qu'on n'a pas de
preuve. C'est ce qu'on appelle
de la mauvaise foi. Ils
préféreront toujours un corrompu
(le maire Tremblay) à un
séparatiste ( Louise Harel).»
Tout le monde est invité à lire
les analyses et le jugement du
Conseil de presse: c'est la
décision numéro D2014-07-008.
(http://conseildepresse.qc.ca/decisions/d2014-07-008)
En voici trois extraits.
Premier extrait:
«Considérant qu’une seule
source, anonyme de surcroît,
affirmait que M. Blanchet ait pu
commettre des gestes allant à
l’encontre des règles entourant
le financement électoral, que
cette information n’est validée
par aucune autre source
indépendante et finalement que
le contexte électoral commandait
la plus grande rigueur
journalistique, le Conseil juge
que Radio-Canada et son
journaliste Alain Gravel ont
fait preuve d’imprudence en
publiant l’accusation voulant
que M. Blanchet savait
clairement que la loi électorale
serait contournée par l’usage de
prête-noms et donc qu’il se
serait rendu complice d’une
entorse à la loi sur le
financement électoral.
Aux yeux du Conseil, le simple
fait d’avoir contacté M.
Blanchet pour lui donner
l’occasion de s’expliquer face à
ces accusations ne saurait
justifier la publication de ces
accusations, sous prétexte qu’un
équilibre aurait été atteint
entre deux points de vue
contradictoires. Car il semble
évident pour le Conseil que
l’auditeur moyen aura
essentiellement retenu de ce
reportage que M. Blanchet avait
quelque chose à se reprocher,
alors même que les preuves
allant en ce sens sont
extrêmement ténues, voire
inexistantes. Le fait
d’affirmer, plus tard durant le
même reportage, qu’aucune preuve
solide ne vient appuyer les
dires de la première source
anonyme ne peut justifier la
publication d’une information
non vérifiée, qui n’avait pas
plus de valeur qu’une simple
rumeur. En matière judiciaire,
et a fortiori dans un contexte
électoral, la plus grande
prudence est de mise.
Le fait que la source soit
anonyme ne vient, aux yeux du
Conseil, que renforcer
l’obligation de vérification.
Mais il importe cependant de
rappeler ici que les
informations rapportées par des
sources, qu’elles soient
anonymes ou non, se doivent
d’être authentifiées et
validées, surtout lorsqu’elles
sont aussi dénonciatrices.
Le Conseil juge donc que
Radio-Canada et son journaliste,
Alain Gravel, ne devaient pas
rapporter les accusations de
leur source anonyme voulant que
M. Blanchet s’était fait
complice d’un stratagème de
financement par prête-noms,
sachant que celles-ci n’avaient
pas été corroborées, et
considérant les conséquences
potentiellement dévastatrices
que de telles accusations
pouvaient avoir sur M. Blanchet,
Mme Marois et le Parti
québécois.
En diffusant ces accusations,
ils ont contrevenu autant aux
normes de Radio-Canada qu’à
celles du guide des Droits et
responsabilités de la presse.
En conséquence, le Conseil
retient le grief pour absence de
vérification des sources et
utilisation injustifiée d’une
source anonyme.»
Deuxième extrait
Le Conseil s’est attardé à un
segment précis du reportage, où
l’on entend une conversation
téléphonique entre le
journaliste Alain Gravel et M.
Blanchet. Durant cet extrait le
journaliste demande à M.
Blanchet s’il est vrai, comme
l’affirme la première source
anonyme, que celle-ci lui a
remis « une enveloppe avec des
chèques, donc de différents
donateurs, des prête-noms, qui
ne devaient pas excéder 3000 $
par contribution? ». À cette
question, M. Blanchet répond : «
Jamais. »
Or, durant cet extrait, le
reportage présente une
reconstitution, qui n’est pas
identifiée comme telle, montrant
à deux reprises une personne
donnant à une autre une
enveloppe brune – le symbole par
excellence, au Québec, de la
corruption. La scène est
légèrement floutée afin de
mettre l’accent sur le caractère
secret et occulte de l’affaire.
Pour le Conseil, il ne fait
aucun doute que les mis en
cause, en diffusant des images
montrant précisément, et au même
moment, ce qu’était en train de
nier M. Blanchet, cherchaient à
discréditer la version des faits
de ce dernier. En procédant
ainsi, le Conseil est d’avis que
les mis en cause ont « créé de
la confusion sur le véritable
sens de l’information transmise
», et ont en conséquence commis
une faute déontologique.
Le grief pour présentation
tendancieuse de l’information
est donc retenu.»
troisième extrait
«Décision
Au vu de ce qui précède, le
Conseil de presse du Québec
retient la plainte de M. Paul
Desfossés contre le journaliste
Alain Gravel, l'émission «
Téléjournal 22h » et la Société
Radio-Canada, pour les griefs
d'utilisation non justifiée
d'une source anonyme et de
présentation tendancieuse de
l’information.»
Le Conseil de presse vient donc
de confirmer l'évidence. Si je
voulais prolonger cette
décision, je dirais que
Radio-Canada avait comme
objectif politique de banaliser
le thème électoral de la
corruption qui menaçait le Parti
libéral du Québec. Pour que «le
peuple» pense que tous les
politiciens étaient corrompus,
il s'agissait d'attaquer Pauline
Marois en passant par son mari
Claude Blanchet. (Comme la
Commission Charbonneau qui a
fait beaucoup de millage avec
«le deal avec Blanchet».)
Radio-Canada a contribué à ce
que les électeurs se disent:
"Ils sont tous pourris". Leur
intention générale était de
nuire au Parti québécois et à sa
chef Pauline Marois en diffusant
au Téléjournal 22h. du 31 mars
2014, soit sept jours avant le
vote du 7 avril. un reportage
avec des informations «aussi
dénonciatrices» dixit le Conseil
de presse. Le Conseil de presse
écrit: «considérant les
conséquences potentiellement
dévastatrices que de telles
accusations pouvaient avoir sur
M. Blanchet, Mme Marois et le
Parti québécois. En diffusant
ces accusations, ils ont
contrevenu autant aux normes de
Radio-Canada qu’à celles du
guide des Droits et
responsabilités de la presse.»
Ce qui autorise à conclure que
ce soir-là, «Enquête» et Alain
Gravel sont entrés dans la fosse
à purin. Et l'odeur reste.
Ineffaçable.
Radio-Canada a annoncé qu'elle
irait en appel. A propos des
réponses officielles de
Radio-canada aux plaintes qui
sont faites contre des
journalistes, j'ai une remarque
à faire. J'ai porté plainte
contre Martine Biron et
l'ombudsman Pierre Tourangeau
m'a donné raison. Vous auriez dû
lire les arguments fallacieux et
surréalistes utilisés par
Radio-Canada pour défendre
Martine Biron. C'était de la
mauvais foi pure et simple. J'ai
aussi porté plainte contre
Anne-Marie Dussault afin qu'elle
reçoive un blâme à cause de sa
façon non-professionnelle de se
comporter dans des entrevues
avec Bernard Drainville sur la
Charte des valeurs et avec
Pierre Duchesne à propos d'Elaine
Zakaïb , responsable du Fonds de
solidarité dans les régions dont
on a enregistré une conversation
téléphonique pour la Commission
Charbonneau. Cette fois-ci,
Pierre Tourangeau ne m'a pas
donné raison car si tel avait
été le cas, il aurait fallu
congédier Anne-Marie Dussault
pour partialité et incompétence.
Cette intervention de
Radio-Canada en pleine campagne
électorale est irréparable et
impardonnable. Les médias de
Québecor, TVA-LCN, le Journal de
Montréal et le Journal de Québec
n'ont reçu aucun blâme du
Conseil de presse pour leur
couverture de la campagne
électorale de mars-avril 2014.
On y trouve de l'information
honnête et une diversité
d'opinions absentes de
Radio-Canada. Quand on voit
Anne-Marie Dussault se
contorsionner et faillir
s'évanouir comme Bella dans
Cormoran quand elle parle du
contrôle de Pierre-Karl Péladeau
sur Québécor, n'est-il pas
normal de prendre ses propos
avec un grain de sel.
A l'opposé, l'honnêteté de
Pierre Karl Péladeau est perçue
par les Québécois. Et ils aiment
beaucoup ce qu'ils voient. Que
les manipulateurs de
Radio-Canada en prennent note.
Ce sera peut-être plus difficile
de donner au couple Péladeau-Snyder
les coups bas portés contre le
couple Marois-Blanchet.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
vendredi 20 février 2015
barberis@videotron.ca
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