mardi 13 janvier 2015
La liberté
d'expression, Charlie Hebdo, la
Charte et André Pratte
par Robert
Barberis-Gervais
Dans son dernier
éditorial intitulé «Charlie,
vraiment?» (La Presse, lundi 12
janvier 2015) André Pratte
prétend qu'il y a une
contradiction entre dire «Je
suis Charlie» et appuyer la
Charte des valeurs du
gouvernement Marois. Si vous
appuyez la Charte, vous n'avez
pas le droit de dire «Je suis
Charlie». Evidemment, je me sens
visé. Alors, je réponds.
Citons d'abord
l'éditorialiste.
«Si on a le droit
de dénoncer et de ridiculiser
les religions, pourquoi
serait-il interdit aux croyants
d’exprimer leur foi en public,
par exemple en portant un signe
religieux ? C’est pourtant ce
que réclamaient un grand nombre
de Québécois au cours du débat
sur la « charte des valeurs ».
« Oui mais, ce n’est pas la même
chose », répondront les
partisans de la « charte ». Les
violations de la liberté
d’expression commencent toujours
par un « oui mais… ». De ces «
oui mais... » il faudra
désormais se méfier, du moins si
nous restons vraiment « Charlie
».
Ainsi donc selon
André Pratte, l'interdiction de
porter des signes religieux
ostensibles pour les employés de
l'Etat (juges, procureurs de la
couronne, gardiens de prison,
fonctionnaires, enseignants,
directeurs d'école, éducatrices
en garderie, infirmières) serait
une atteinte au droit «des
croyants d’exprimer leur foi en
public, par exemple en portant
un signe religieux.» Pourtant,
devant la commission
parlementaire sur la Charte,
nombreux sont ceux (dont Guy
Rocher et une juge de la Cour
suprême) qui sont venus dire
qu'il était raisonnable et
nullement discriminatoire de
limiter ce droit des croyants au
lieux de culte, à la maison ou
dans la rue et de ne pas
permettre cette expression
visible de leur foi sur les
heures de travail dans
l'exercice d'une fonction qui
doit être neutre du point de vue
religieux. C'est ce qu'exige la
laïcité. La liberté religieuse
comme la liberté d'expression ne
sont pas des absolus. Le vivre
ensemble peut justifier des
limites. Un haut fonctionnaire
fédéral, Roger Tassé, qui a
collaboré avec Pierre Trudeau
dans la rédaction de la Charte
fédérale des droits, a soutenu
que les limitations contenues
dans la Charte des valeurs
pourraient être considérées
comme raisonnables. Quant à moi,
pour éviter les débats inutiles,
j'interdirais complètement le
port de tout signe religieux
pour un employé de l'Etat. Et
j'espère que Bernard Drainville
y pensera deux fois avant de
présenter une Charte adoucie.
Selon
l'éditorialiste, on ne peut pas
dire «Je suis Charlie» et
appuyer la Charte des valeurs.
Vous aurez remarqué comme moi
que la violence des attaques
terroristes a poussé bien des
gens à faire de la liberté
d'expression un absolu. Il
s'agit là d'une forme de
grégarisme qui consiste à dire
que «Charlie Hebdo» a un droit
absolu et illimité à dessiner
des caricatures tentant de
ridiculiser toutes les
religions. Sans limite.
Est-il possible
de faire des nuances. A l'époque
d'Hara Kiri, j'avais été offensé
des caricatures ridiculisant le
crucifix. Comme chrétien et
lecteur des Evangiles ou comme
participant aux cérémonies de la
liturgie catholique illustrant
la passion de Jésus, je ne
pensais pas que la croix qui
symbolise la mort d'un homme
juste injustement accusé par les
scribes, pharisiens et
sadducéens avec la complicité
des Romains était matière à
rire. Ces événements historiques
autour d'un Juif assassiné par
les pouvoirs de l'époque
méritaient un infini respect.
Paraît-il qu'on pouvait rire de
lui au nom de la liberté
d'expression. La liberté
d'expression était un absolu.
Aucune autre valeur ne pouvait
la limiter. J'ai alors décidé de
ne pas lire Hara Kiri. En me
disant que ces esprits forts qui
sont souvent athées ne
comprennent rien et ne
respectent rien.
Comme «Charlie
Hebdo» fonctionne selon le même
esprit, je m'en suis tenu
éloigné. Sauf que de nombreuses
caricatures sur et contre
Mahomet se retrouvaient un peu
partout. Impossible de ne pas
les voir. Tout comme la
caricature associant le Front
national à un étron montrée à
«On n'est pas couché» et qui a
ulcéré Marine Le pen.
Mahomet me laisse
froid et le Coran qui contient
de nombreux passages qui
incitent à la violence n'est pas
mon livre de chevet. Je n'aime
pas le lyrisme poético-religieux
de trop de sourates. Mais tel
n'est pas le cas des musulmans
pour qui Mahomet est LE Prophète
et pour qui le Coran est un
livre sacré. La solution c'était
de ne pas lire Charlie Hebdo
comme moi je ne lisais pas Hara
Kiri. Malheureusement, les
auteurs des attentats
terroristes qui ont tué douze
collaborateurs de Charllie Hebdo
ont pris des moyens terribles et
inhumains pour passer un
message: «On ne plaisante pas
avec Mahomet.» Ils ont crié:
«Allah akbar» (Allah est grand)
et «on a vengé le prophète.»
Pour moi, la
liberté d'expression n'est pas
illimitée ni dans les
caricatures ni dans le port de
signes religieux. Dire «Je suis
Charlie» ne veut pas dire tout
approuver ce qu'ils ont publié.
C'est rejeter la solution des
terroristes.
Pour voir si un raisonnement est
juste, on doit le pousser à sa
limite logique. Selon la logique
d'André Pratte, aucun Français
n'a le droit de dire «Je suis
Charlie» puisqu'en France les
signes religieux sont interdits
dans la fonction publique et les
écoles, même chez les élèves.
C'est ainsi que sont démontrées
la fausseté et l'absurdité du
raisonnement de l'éditorialiste
de «La Presse».
Quand on fait une
recherche sur les causes du
terrorisme islamiste, une
constante apparaît: c'est la
situation qui est faite aux
Palestiniens par Israël. C'est
ce que j'ai pensé en voyant le
premier ministre d'Israël à la
grande mosquée de Paris.
Benjamin Natayahou fait partie
du problème. Les quatre Juifs
tués au marché Hyper Cacher ne
le disculpent en rien de sa
politique d'expansion par les
colonies et par son absence de
volonté de régler la question
palestinienne. La politique
d'Israël est une des causes du
terrorisme islamiste. Je ne
crois pas que l'hypocrisie, le
politiquement correct et la
lâcheté politique vont empêcher
des jeunes de se radicaliser.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
mardi 13 janvier 2015
barberis@videotron.ca
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