dimanche 01 mars 2015
L'épisode d'Hérouxville
est-il burlesque?
par Robert
Barberis-Gervais
Dans un article
du 21 février 2015 intitulé,
«L'offensive identitaire de la
CAQ» , le correspondant
parlementaire du «Devoir» à
Québec Robert Dutrisac parle de
«l'épisode burlesque d'Hérouxville».
Comme si c'était une vérité
incontestable. Or, il me semble
qu'il s'agit là d'une
incompréhension ou d'un
malentendu qui méritent qu'on y
réfléchisse.
Bien que le regretté Gilles
Latulippe ait redonné ses
lettres de noblesse au
burlesque, l'intention du
journaliste du «Devoir» est de
discréditer Hérouxville. Par
l'emploi du mot burlesque , il
veut dire que ce qui s'est passé
à Hérouxville est tout à fait
ridicule et absurde, que c'est
loufoque. D'autres avant lui ont
été plus violents: ils ont parlé
de xénophobie et d'islamophobie.
Comme Pierre Foglia qui
d'habitude est perspicace mais
qui est à la veille de prendre
sa retraite, ils n'ont rien
compris à Hérouxville.
Avant de discuter avec un
dénigreur d'Hérouxville, il faut
lui poser une simple question:
«Avez-vous lu le Code de vie
rédigé par le conseiller d'Hérouxville
André Drouin et adopté par le
conseil de ville?» Si vous
l'aviez lu, vous sauriez que ce
code de vie est une description
très pertinente des coutumes,
des modes de vie et donc des
valeurs des Québécois. Et que
cette description s'adresse aux
immigrants pour leur dire: vous
êtes maintenant au Québec et
vous devez nous respecter. En
arrivant dans notre maison, vous
ne pouvez pas déplacer les
meubles et les remplacer par vos
meubles, vous ne pouvez pas
enlever les cadres sur les murs
et les remplacer par vos cadres,
vous ne devez pas arriver avec
vos pots de peinture et changer
la couleur de nos murs. Car vous
êtes venus chez nous et vous
devez nous respecter.
Certes quand vous étiez dans
votre pays d'origine, on vous a
dit que vous pourriez
transporter telles quelles sans
les changer vos coutumes, vos
façons de vivre, vos
comportements «étrangers». On
vous a même dit que ceux qui y
verraient des problèmes sont des
xénophobes et des islamophobes
s'il s'agit d'intégristes
musulmans. «Au Canada, on est
libre» a-t-on dit aux étrangers
qui songeaient à venir au
Canada. C'est ça le
multiculturalisme. Vous
implantez «votre culture» telle
qu'elle et les indigènes doivent
vous accepter tels que vous êtes
et accepter que vous changiez,
dans leur maison, les meubles,
les cadres et les couleurs. Dans
sa présentation du Code de vie,
André Drouin les avertit. «Nous
voulons surtout informer ces
nouveaux arrivants que le mode
de vie qu’ils ont abandonné en
quittant leur pays d’origine ne
peut se reproduire ici et qu’il
exige un mode d’adaptation à
leur nouvelle identité sociale.»
Or, André Drouin comme
représentant de Xérox en
Angleterre avait vu concrètement
les conséquences du
multiculturalisme. Comme
conseiller d'Hérouxville, il
s'est levé et a dit non: au
Québec on existe et on n'accepte
pas n'importe quoi des étrangers
qui sont venus habiter notre
maison. Il est vrai que notre
maison ne nous appartient pas
complètement puisque nous sommes
une province et que nous
envoyons la moitié de nos impôts
à Ottawa qui est le siège d'une
autre nation. Ce qui ne nous
aide pas. Cette autre nation est
régie par le multiculturalisme
qui s'appuie sur la Charte des
droits qui fait passer les
particularismes religieux avant,
par exemple, l'égalité
homme-femme. Alors André Drouin
est devenu indépendantiste pour
échapper à la jurisprudence
chartriste qui rendait
impossible l'application de son
Code de vie et ainsi s'opposait
aux valeurs québécoises.
Le texte des «Normes de vie»
date de janvier 2007. Comme ce
code est toujours d'actualité,
ça vaut la peine de le lire en
entier. C'est un plaisir de
lecture. L'habitant d'un village
de la Mauricie situé à côté de
St-Tite où on peut danser en
ligne et manger des
hamburgers-frites succulents
manie avec dextérité la satire
et l'ironie. Dans «Le Devoir»,
Christian Rioux, perspicace, a
parlé «d'un code de vie
moqueur». Entre autres, les
partisans de la Charia et de
l'inégalité homme-femme seront
malheureux en lisant ces normes.
Je considère pour ma part que
c'est un chef-d'oeuvre dans son
genre. C'est une contestation
très efficace de tous ces
particularismes dits religieux
qui ont abouti à des
accommodements dits
raisonnables. En cours de
lecture, faites l'exercice
d'identifier les pratiques de
nos amis immigrants qui sont
remises en question par cette
description désopilante des
façons de vivre québécoises.
Car, peut-être l'avez-vous
remarqué, de nombreuses
pratiques au nom de la religion
remettent en question nos façons
de vivre et nos valeurs
québécoises qui définissent
notre identité. Cela permet de
conclure que le Québec n'est pas
l'Arabie saoudite.
Voir: Normes d'Hérouxville «
Voyage à travers le Québec
grandquebec.com/multiculturalisme/normes-en-place/
Normes d'Hérouxville. Notre site
reproduit le Code de Vie d'
Hérouxville.
A titre d'exemple, voici un
extrait à propos des femmes.
« A propos des femmes.
Nous considérons que les hommes
et les femmes ont la même
valeur. À cet effet, une femme
peut, entre autres: conduire une
voiture, voter librement, signer
des chèques, danser, décider par
elle-même, s’exprimer librement,
se vêtir comme elle le désire
tout en respectant les normes de
décence démocratiquement votées
et les normes de sécurité
publique, déambuler seule dans
les endroits publics, étudier,
avoir une profession, posséder
des biens, disposer de ses biens
à sa guise. Cela fait partie de
nos normes et mode de vie.
Par conséquent, nous considérons
comme hors norme toute action ou
tout geste s’inscrivant à
l’encontre de ce prononcé, tels
le fait de tuer les femmes par
lapidation sur la place publique
ou en les faisant brûler vives,
les brûler avec de l’acide, les
exciser etc.»
J'approuve «l'esprit» qui se
dégage de ce texte. Son auteur
André Drouin s'est bien exprimé
par écrit. Mais il lui est
arrivé d'être maladroit
oralement comme lors de son
passage à TLMEP où il était dans
un environnement hostile avec un
animateur Guy A Lepage qui est
un roi du politiquement correct
et un fou du roi qui n'est pas
toujours drôle.
Les malentendus ont commencé
quand on a essayé de ridiculiser
la référence à la lapidation des
femmes. On a traité André Drouin
comme si il était un arriéré
d'un village de la Mauricie
alors que c'était ceux qui
prenaient sa remarque au premier
degré qui étaient quétaines. Se
souvient-on que Tarik Ramadam,
porte-parole des Frères
musulmans, prônait il n'y a pas
tellement longtemps un moratoire
sur la lapidation des femmes.
Ce qui a rendu burlesque
l'épisode d'Hérouxville, ce sont
les réactions de l'élite
multiculturaliste qui a tenté de
ridiculiser le code de vie et
son auteur. Pour reprendre les
propos de Christian Rioux dans
«Le Devoir» du 4 décembre 2009,
le code de vie «visait à
stigmatiser certaines pratiques
identifiées aux musulmans et
dont la présence était perçue
comme menaçante».
Rioux réfléchit sur un
référendum en Suisse où 57% des
électeurs se sont prononcés
contre la construction de
minarets. Après le non à une
mosquée à Shawinigan, il est bon
de se rappeler qu'un sondage
disait qu'un Français sur quatre
s'opposait à la construction de
mosquées en France.
Christian Rioux écrit: «Ceux qui
avaient voulu faire d'Hérouxville
le lieu par excellence du
racisme et de la xénophobie en
Occident en seront quittes pour
réviser un peu leur géographie
politique. (…) Comme chez nous,
une partie des élites
européennes semble complètement
sourde à ce que recouvrent ces
gestes éminemment symboliques.
Pour elle, la mondialisation et
le multiculturalisme sont
devenus la normalité des choses.
Et il ne resterait plus qu'à
rééduquer les récalcitrants à
coups de commissions
Bouchard-Taylor et de cours
d'éthique et de culture
religieuse.»
Quand les populations expriment
leur désir de garder leur
identité, il y a mieux à faire
que de les blâmer en les
traitant de xénophobes ou
d'islamophobes. Pour vivre en
société, il faut partager des
valeurs communes qui sont les
fondements d'une identifié
commune. Le problème vient de
ceux qui refusent cette
identité.
Rioux conclut: "Il n'y a donc
rien de surprenant à ce qu'une
population largement sécularisée
comme celle de la France, du
Québec et de la Suisse,
s'inquiète de la pénétration
chez elle d'un islam qui n'a pas
encore atteint le même degré de
sécularisation. Le retour en
force du voile islamique chez de
nombreuses jeunes filles des
banlieues, alors même que leur
mère ne l'avait jamais porté, en
demeure un exemple troublant.
Rien ne serait plus grave que de
prétendre, comme le font
certains élus complètement
autistes, que le problème
n'existe pas (…) Or ce n'est pas
le déni que pratiquaient les
gouvernements québécois de
l'époque ni les politiques
multiculturelles d'un Pierre
Trudeau qui avaient permis de
ramener la quiétude. C'est le
courage de démocrates comme René
Lévesque et Camille Laurin, qui
contribuèrent à rassurer la
population en confortant la
culture et la langue de la
majorité, seul gage d'un accueil
et d'une intégration réussie des
immigrants.
Hier comme aujourd'hui, il n'y a
rien de plus dangereux que la
surdité des élites.»
René Lévesque et Camille Laurin
étaient de véritables hommes d'Etat.
Ce qui n'est pas le cas du Dr
Philippe Couillard dont
l'insensibilité s'est développée
dans un pays comme l'Arabie
saoudite qui a fait de lui un
millionnaire autiste et sourd à
défaut d'être muet. Il parle
beaucoup, multiplie ce que
Jacques Parizeau appelait «des
paroles verbales», mélange les
concepts mais ne va nulle part.
Cette cacophonie et ce
cabotinage sont irresponsables.
Austérité et vide politique, ça
ne pourra pas durer encore
quatre ans. Ce ne sera pas
suffisant d'interdire la burka.
Le problème qui se pose est
celui de l’intégration du
million d’immigrants que la
société québécoise a accueillis
depuis 1995 soit 50,000 par
année en moyenne. Et
singulièrement des musulmans
intégristes ou non. Et, pour un
indépendantiste, combien de ces
immigrants pourraient voter oui
à un référendum sur
l’indépendance s’ils refusent
d’accepter l’identité
québécoise. Ces ex-immigrants
pourraient avoir tendance à
préférer la Charte des droits à
Trudeau qui leur permet de
garder toutes leurs
particularités religieuses même
les plus intégristes.
Le multiculturalisme en général
et la question de l’intégration
des musulmans aux différentes
sociétés d’accueil en Occident
se pose de plus en plus avec
acuité. André Drouin a le mérite
d’avoir soulevé la question et
les citoyens d’Hérouxville ont
le mérite de l’avoir appuyé. Ils
l’ont fait en toute connaissance
de cause. Le « Code de vie »
n’est pas parfait. Par exemple,
une courte recherche sur
l’excision en Afrique, au
Moyen-Orient et en Asie nous
apprend qu’il faut faire
attention quand on rattache
cette pratique à l’Islam. Il
n’en reste pas moins que, selon
Benoît Patar, un éminent
médiéviste, l’excision est
surtout présente dans les
sociétés musulmanes, mais pas
exclusivement. C’est un fait :
est-ce que les inclusifs nous
accuseront d’être islamophobes
si nous le disons. Une autre
lacune : le « Code de vie »
oublie de mettre l’accent sur le
français langue commune dans la
définition de l’identité
québécoise.
André Drouin s’est exprimé sur
un problème mondial : le refus
de certains islamistes de
vouloir s’intégrer à la société
qui les a accueillis. Avec
beaucoup d’à propos, il a écrit
que les Québécois doivent être
fiers de leur culture et n’ont
pas à y renoncer pour
s’accommoder à des pratiques
qualifiées de religieuses mais
qui ne sont pas toujours
raisonnables. Et qui perturbent
la vie sociale au nom d’une
liberté de religion et une
liberté de conscience qui
s’appuie sur une conception
intégriste de la religion
hautement contestable.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
dimanche 01 mars 2015
barberis@videotron.ca
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