dimanche 01 mars 2015
Une entrevue
ratée d'Anne-Marie Dussault avec
Adil Charkaoui
Par Robert
Barberis-Gervais
Dans une entrevue
à 24/60, Anne-Marie Dussault a
demandé à Adil Charkaoui s'il
condamnait le groupe armé État
islamique et les décapitations.
Il a répondu qu'il était contre
toute forme de violence, tout en
soutenant qu'il n'avait pas à
condamner l'État islamique.
« Est-ce que je peux vous
entendre dire : nous condamnons
le groupe armé État islamique?
», a demandé l'animatrice à M.
Charkaoui. « Pourquoi vous me le
demandez à moi? », a-t-il
rétorqué.
« C'est ça l'islamophobie :
c'est nous prêter des
intentions, ensuite, nous
demander de nous justifier tout
le temps. Alors moi je vous le
dis : la communauté est tannée.
On n'en peut plus », a-t-il dit,
avant de préciser plus tard
qu'il considérait effectivement
que toute forme de violence
était prohibée. « Je suis contre
toute forme de violence, que ce
soit des bombardements sur des
civils, que ce soit le phosphore
blanc qui brûle les enfants de
Gaza, que ce soit les
décapitations... toute forme de
violence est interdite. »
Embourbée dans ses notes, ses
questions préparées d'avance et
ses lourdes citations,
Anne-Marie Dussault n'a pas
écouté ce que le Marocain Adil
Charkaoui lui a dit quand il a
parlé de la violence en Irak.
Selon lui, c'est la politique
américaine en Irak qui a
engendré l'Etat islamique. Par
la force militaire, les
Américains ont chassé les
sunnites de Saddam Hussein du
pouvoir pour le donner aux
chiites. Les officiers sunnites
sont maintenant avec l"Etat
islamique. Si Dussault avait
écouté cette réponse, elle
aurait pu donner l'occasion à
Charkaoui de mieux s'expliquer
sur les causes de la situation
actuelle en Irak-Syrie. Puis,
après une explication très
développée, elle lui aurait
demandé: «Est-ce que c'est ce
que vous enseignez à vos élèves
de l'Ecole des compagnons à
Maisonneuve et à Rosemont?» Et
il aurait été pris les culottes
à terre. Elle aurait pu lui
demander aussi s'il était
sunnite ou chiite. Lui demander
ce qu'il pensait des parties du
Coran qui incitent au rejet des
mécréants juifs ou chrétiens.
Lui demander s'il lui arrivait
de citer ces passages du Coran
qui engendrent de l'hostilité
envers tout ce qui n'est pas
musulman. Aussi lui demander qui
finance le Centre communautaire
islamique de l'Est de Montréal
et qui financera ses frais
juridiques s'il poursuit les
deux collèges.
C'est dans des circonstances
comme celles-là qu'on peut
apprécier l'intelligence ou la
finesse d'une journaliste. Et
bien, une fois de plus,
Anne-Marie Dussault a raté le
test de la compétence.
C'est d'autant moins excusable
que les Grands reportages du 26
février portaient sur l'Etat
islamique. Aux Grands reportages
: «D.A.E.C.H. naissance d’un
État terroriste». Inconnu il y a
un an, le groupe armé État
islamique contrôle aujourd’hui
un territoire grand comme la
moitié de la France où vivent 10
millions de personnes. Une
équipe française s’est rendue
dans la région, il y a trois
mois, pour enquêter sur la
naissance et l’évolution de ce
mouvement terroriste.
Vous serez sans doute surpris
d'apprendre que les explications
développées dans ce reportage
sur le rôle désastreux des
Etats-Unis étaient sensiblement
les mêmes que celles données
brièvement par Adil Charkaoui
(qui a cité Chomsky...) à une
Anne-Marie Dussault…qui ne
l'écoutait pas. Or, tout le
monde pouvait regarder ce
reportage sur RDI… Va-t-on
accuser RDI-Radio-Canada de
favoriser le radicalisme parce
que l'analyse des causes du
terrorisme apporte de l'eau au
moulin à cette opinion d'Adil
Charkaoui qui dit que ce sont
les injustices qui causent les
violences!
Incidemment, sans être un
éminent sociologue ou un
spécialiste de la géopolitique,
on en arrive à la conclusion que
du Vietnam à l'Afghanistan en
passant par l'Irak, la politique
étrangère des Etats-Unis est
catastrophique.
Il me semble d'intérêt public de
faire connaître un article
complémentaire au mien publié le
28 février sur la Tribune libre
de Vigile par Wahid Mokhtar et
intitulé: "Stratégiquement, il a
gagné".
"Comme beaucoup de
téléspectateurs de Radio Canada
24/60, j’ai regardé l’entrevue
dirigée par Mme Anne-Marie
Dussault. Je livre ci-après
quatre point révélateurs de la
méconnaissance de nos
journalistes de la problématique
islamiste au Canada et dans le
monde.
1) Stratégiquement cet individu
a gagné non pas une bataille
mais bel et bien une vraie
guerre en Occident et qui plus
est en Amérique du Nord.
2) Pendant plus de vingt
minutes, il a tenu en haleine
des millions de téléspectateurs
canadiens francophones et bien
des chancelleries, des services
de renseignements et autres
analystes, experts et chercheurs
de ce fléau qu’est le terrorisme
islamiste.
3) Les questions posées étaient
théoriques et n’avaient rien à
voir avec les causes réelles du
présumé départ des jeunes
québécois vers des territoires
de guerre et encore moins avec
la personnalité de cet individu.
4) Les vraies questions auraient
dû porter sur les raisons de son
investissement dans la gestion
de cette école, la provenance
des fonds, le profil des jeunes
qui la fréquentent, les rapports
avec la communauté musulmane ou
encore sur les motifs de son
implication après les problèmes
qu’il a vécus au cours des 10
dernières années...
Ce que je regrette et qui me
désole, c’est que même si les
Québécois ne l’apprécient pas,
Adil Charkaoui est devenu un
héros pour ses semblables et ses
émules alors que les musulmans
épris de paix ont déjà et
souvent condamné les Islamistes,
les intégristes, Boko Haram,
ISIS et tous les autres
criminels qui assassinent et
détruisent au nom de l’Islam.
Je me demande aussi à quel
moment nous verrons les
journalistes des médias
Canadiens et Québécois faire un
travail plus professionnel
s’agissant d’une part des
islamistes, de leurs gourous, de
leurs ambitions... et d’autre
part mieux connaître les
citoyens bien intégrés qui
viennent des pays arabes et
musulmans... Ce sera la seule
voie qui aidera à isoler les
extrémistes, les fanatiques et
surtout de limiter la
radicalisation qui s’opère ici
sachant que nombreux sont les
nouveaux jeunes immigrants qui
arrivent depuis au moins cinq
(5) sont radicalisés à 40% dans
leurs pays d’origine."
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
dimanche 01 mars 2015
barberis@videotron.ca
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