vendredi 20 mars 2015
LETTRE
OUVERTE
Les énergies
renouvelables et la transition
énergétique de demain
Par
Frédéric Tremblay
Suite à la
récente annonce de la Régie de
l’énergie qui accordait une
hausse de 2.9 % des tarifs
résidentiels à Hydro-Québec
Distribution, une effervescence
médiatique s’en est suivie.
Nombreux sont les chroniqueurs
qui se sont servis de leur
tribune pour répéter une
nouvelle fois que ce sont les
approvisionnements en énergie
éolienne qui sont la cause de
tous nos maux et que le
développement de cette filière
devrait être arrêté.
Cependant, peu de médias ont
fait mention que la hausse
réelle demandée par notre
société d’État était en réalité
de 7.6 % dont 3.7 % était relié
aux achats d’électricité lors
des pointes de consommation en
période hivernale. Quant aux
achats d’énergie éolienne ils
représentent seulement 1.7 % de
l’augmentation qui était
demandée, une facture d’en
moyenne 20 $ annuellement (ou 1
$ pour un projet de la taille de
celui de la MRC de Pierre-De
Saurel). Cette facture pourrait
être facilement réduite à zéro
si l’énergie éolienne était
exportée au lieu d’être
consommée ici. En effet, le
marché de la Nouvelle-Angleterre
est prêt à payer plus du double
par kWh pour de l’énergie
éolienne que pour de la grande
hydroélectricité.
L’industrie éolienne crée 5000
emplois et des retombées
économiques directes et
indirectes de 470 millions de
dollars annuellement dans toutes
les régions du Québec. Au
contraire, les achats
d’électricité pendant les
pointes hivernales sont une
ponction directe à l’économie du
Québec. Ce sont environ 400
millions de dollars que nous
avons versés à nos voisins de
l’Ontario et des États-Unis. Le
paiement de cette facture a été
remis à 2020 par la Régie de
l’énergie.
Des mesures simples de
conservation d’énergie comme
l’utilisation de chauffe-eau et
de thermostats intelligents,
combinées à un peu de discipline
collective afin de minimiser
l’utilisation de nos appareils
ménagers aux heures de grande
consommation permettrait de
diminuer grandement nos
importations à grands frais.
Mais revenons à notre sujet
principal concernant la filière
éolienne. Le coût moyen de cette
énergie était de 9.5 cents du
kWh en moyenne pour les projets
obtenus lors des 3 premiers
appels d’offres d’Hydro-Québec.
Les projets les plus récents
accordés en décembre dernier
suite au 4e appel d’offres ont
un coût moyen de 6.3 cents du
kWh.
L’énergie éolienne a donc
maintenant un coût égal à
l’énergie hydroélectrique des
nouveaux projets. Cette
diminution importante du coût
est le résultat de la continuité
des politiques des gouvernements
précédents, autant du PQ que du
PLQ. Une industrie ne peut se
développer et fleurir que
lorsqu’on lui en laisse le temps
et qu’on lui assure que la
confiance et le support
nécessaire ne lui sera pas
retiré à la première difficulté.
Du côté des exportations
d’électricité vers nos voisins
du Sud, il est vrai que le prix
a atteint un plancher en 2012 à
4 cents du kWh. Il s’agissait
d’une situation conjoncturelle
suite à la crise économique.
Mais depuis, le prix a augmenté
de manière importante pour
atteindre 6 cents du kWh en 2014
en moyenne. L’année 2015
s’annonce encore meilleure et
tout porte à croire que le prix
moyen obtenu par Hydro-Québec
sera supérieur au prix des
nouveaux approvisionnements
éoliens. Voilà qui augure bien
pour cette filière qui vitalise
l’ensemble des régions du
Québec.
Vouloir freiner l’essor des
énergies renouvelables témoigne
d’un manque de vision à long
terme. Le développement
énergétique du Québec ne se gère
pas à la petite semaine, en
changeant de cap au premier
défi. Nous avons certes un léger
surplus d’énergie électrique,
mais nous importons toute notre
énergie fossile. Le Québec est
donc un importateur net
d’énergie, car c’est l’ensemble
des carburants fossiles qui sont
importés de l’extérieur du
Québec. Ce sont 16 milliards de
dollars annuellement qui sortent
de notre économie.
Réduire notre dépendance à
l’énergie fossile présente un
double avantage. Le premier est
d’ordre économique et le second
est la réduction des gaz à effet
de serre que nous émettons et
s’inscrit dans la lutte contre
les changements climatiques.
L’Association québécoise de la
production d’énergie
renouvelable (AQPER) a récemment
présenté une vision réaliste de
l’horizon 2015-2030. En
utilisant des technologies déjà
existantes, cette vision a comme
objectif de substituer 30 % des
énergies fossiles que nous
consommons par de l’efficacité
énergétique, des énergies
renouvelables ou par un
carburant plus propre comme le
gaz naturel. L’AQPER a expliqué
en détail sa stratégie avec des
objectifs chiffrés et
réalisables. J’invite les
lecteurs à en prendre
connaissance au
www.aqper.com.
Pour atteindre cet objectif, ce
sont 30 TWh de nouvelles sources
d’énergies renouvelables qui
devraient être déployées au
Québec au cours des 15
prochaines années. Cette énergie
proviendrait de la biomasse
forestière, des biocarburants
tels que le biométhane, des
éoliennes et des barrages
hydrauliques. Alors plutôt que
de freiner le développement des
énergies renouvelables, il faut
au contraire l’accélérer. Au
total, l’atteinte de cet
objectif générerait des
investissements de l’ordre de 30
milliards de dollars et
injecterait de 3 à 4 milliards
de dollars dans l’économie du
Québec de manière récurrente par
des achats moindres de produits
pétroliers étrangers. La
réduction des gaz à effet de
serre serait importante et
permettrait au Québec
d’atteindre ses objectifs en
cette matière. Ce projet de
société créerait aussi 30 000
emplois.
Je termine en disant que plutôt
que de se désoler pour un léger
surplus d’énergie électrique,
nous devrions plutôt nous
affairer à mettre en place les
éléments nécessaires pour la
transition énergétique qui nous
attend au cours des prochaines
décennies. Cette transition se
fera de manière graduelle et
entrainera inévitablement une
utilisation accrue des énergies
renouvelables.
Frédéric
Tremblay,
ing.,Ph. D., Directeur général
de Parc éolien Pierre-De Saurel
SEC, et Membre du conseil
d’administration de l’AQPER
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